Honoré Ngbanda : le « Terminator » finit dans le quasi-anonymat

Honoré Ngbanda Zombo KO Atumba, ancien Chef de sécurité de feu Mobutu, est décédé dimanche matin à Rabat, au Maroc. Des sources familiales avancent qu’il a été terrassé par un cancer.
Depuis plusieurs mois, voire quelques années, Ngbanda ne se faisait plus voir sur la place de Paris où il menait son combat politique depuis près de trois décennies. On dit qu’il voyageait beaucoup, mais le fait est que l’homme avait sérieusement perdu de visibilité dans son combat avec son Apareco.

Profil du sanguinaire « Terminator »
Arrivé en France en mai 1997 après la chute de Mobutu, L’ ancien « Terminator » réussit curieusement à rallier à la lutte qu’il va engager une bonne partie de la diaspora congolaise malgré l’image de sanguinaire qu’il traîne. L’homme est, en effet, connu parmi les faucons du régime Kabila, habitué aux coups tordus comme les enlèvements, les tortures ou même la disparition des opposants.
C’est ce qui lui vaut le sobriquet de « Terminator » lui collé dans les années ’90 par le journal satirique Grognon de Phily Zongia, un journaliste alors très proche des services de renseignements aujourd’hui installé en Occident. Ngbanda est cité parmi ceux qui, autour de Mobutu, s’opposent à la démocratisation. Il combat farouchement les consultations initiées par Mobutu lui-même et conduites par les colombes de son entourage sous l’encadrement d’Édouard Mokolo et Roger Nkema Liloo.
Ngbanda c’est aussi l’histoire des affrontements sanglants des étudiants sur le campus universitaire de Kasapa à Lubumbashi. Son nom est également cité dans la répression sanglante de la marche des chrétiens qui réclament la réouverture de la Conférence nationale souveraine (CNS).
Dans la presse, nombre de journalistes ont des souvenirs amers de son intrépidité en matière de menaces et toutes sortes d’intimidations. À l’instar de Kibambi Shitnwa, éminent présentateur du célèbre JT du dimanche sur l’Ozrt, aujourd’hui Rtnc. Recevant, en effet, le tout puissant conseiller spécial du Maréchal Mobutu en matière de sécurité quelques jours seulement après les ouvertures démocratiques du 24 avril 1990, Kibambi lui demande si la télévision publique peut « désormais » faire des reportages sur les activités de l’opposition. Ngbanda n’y trouve pas d’objection. Mais une fois hors du plateau, le « Terminator » explose de colère contre Kibambi qu’il reproche de l’avoir piégé avec cette question. Selon lui, le présentateur le citait indirectement comme celui qui exclut du média public les courants d’opinion de l’opposition.
Bref, c’est tout ça que Ngbanda dépose dans ses valises à Paris. Ici il retrouve bien d’exilés ayant fui justement sa répression au Zaïre. Mais l’homme parvient vite à rallier tout ce monde grâce à son discours extrémiste contre le nouveau régime de Kinshasa.

Le sophiste et manipulateur à l’œuvre
Ancien super flic, il tourne ce statut à son avantage en se présentant comme une personne ressource. C’est ce qui, avec son discours anti occidental, lui permet de faire oublier son manteau noir et de s’aménager une oreille attentive à son discours et à sa cause. Ainsi va-t-il évoluer avec aisance dans la communauté congolaise de la France et d’ailleurs en Europe et en Afrique où il voyage jusqu’à Brazzaville, en face de Kinshasa.
Ici trône Joseph Kabila dont Ngbanda conteste la filiation avec Laurent-Désiré Kabila. Il lui conteste également sa parenté avec ses frères, son nom et même sa nationalité congolaise. Aujourd’hui encore, il y en a qui retiennent que Joseph Kabila est rwandais et son nom est plutôt Hypolithe Kanamba.
Philosophe de formation, et rompu dans l’art du sophisme, du travestissement des faits et de la manipulation psychologique, tout ce que Ngbanda n’aura pas réussi dans sa vie d’après le règne mobutiste, c’est d’avoir officiellement le statut d’exilé politique. Cédant à la pression de Kinshasa, les autorités françaises la lui refuseront jusqu’à sa mort.

Alliance contre nature avec l’Udps de Tshisekedi
Mais Honoré Ngbanda est un personnage au combat politique très contrasté. En effet, autant ses techniques de flic lui fait réussir une assise dans l’opinion congolaise, autant il trouve un allié paradoxal dans son nouveau combat : l’Udps.
Le parti tshisekdiste, le plus farouche opposant de Mobutu, approche, en effet, l’Apareco. Il naît alors un duo du tonnerre qui se distingue particulièrement par ses méthodes violentes connues sous la dénomination de « mutakalisation ». Une pratique qui consiste a violenter et déshabiller publiquement tout cadre du régime kabiliste de passage en Europe, en Amérique et dans certains pays africains comme l’Afrique du Sud. She Okitundu, Léon Kengo et bien d’autres en savent quelque chose.
À ne pas oublier, non plus, le blocus contre les productions musicales des artistes congolais en Occident. Sous prétexte que la pays est éploré à cause de la dictature qui y règnerait, le tandem Udps-Apareco va interdire les productions musicales jusqu’à paralyser l’industrie culturelle congolaise et apparentée en Europe pendant près de trois décennies.

Lorsqu’implose la coalition Udps-Apareco, les factions luba et bangala se toisent
Il ne reste, cependant, pas moins qu’Honoré Ngbanda finit sa vie presque dans l’anonymat. Autant son mouvement connaît une sérieuse perte de vitesse avec des défections de cadres qui rejoignent Kabila à Kinshasa, autant les méthodes violentes de son combat finissent par choquer. Pire, son alliance avec l’Udps tangue lorsque ce parti tshisekdiste se met en pourparlers avec des émissaires de Joseph Kabila en vue d’une transition co-gérée.
Du jamais vu à Paris, à Londres et dans d’autres bastions de l’anti kabiliste extrême, les « combattants » de l’Udps et de l’Apareco s’affrontent violemment. Des commerces des uns et des autres sont saccagés, des véhicules incendiés, etc. Si les deux alliés d’hier vivent désormais en chiens de faïence et se regroupent en affinités tribalo-régionales (les bangala derrière Ngbanda et les luba derrière l’Udps), le méga concert de Fally Ipupa à Paris sonne le glas du blocus tenu jusque là par les extrémistes.
Aujourd’hui, et même s’il demeure quelques résidus de l’Apareco, Ngbanda n’aura pas réussi à asseoir une force politique et idéologique à son image comme Tshisekedi l’est aujourd’hui avec l’Udps. Tout au plus lit-on des hommages sporadiques sur la toile, la plupart émanant de relations tribalo-régionales.

Jonas Eugène Kota

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