ÉTAT D’URGENCE : « RENDEZ-NOUS NOS LIBERTÉS », CLAMENT DÉSORMAIS LES CONGOLAIS !

À la date du 9 juin 2020 en Afrique centrale, la République démocratique du Congo est le pays qui compte le plus grand nombre de cas avérés de Covid-19, soit 4390 au total. La Centrafrique, son poursuivant direct, vient loin avec 1850 cas. La RDC est en 7ème position sur les 10 pays de la région pour le taux de létalité qui est de 2,1%. Quant au taux de guérison, elle vient en 8ème position.

Toutes choses restant égales par ailleurs, et même si bien des pays de la région ont été touchés plus récemment, il est un fait que la RDC n’en mène pas large avec sa riposte. Ceci par rapport aussi bien à ses propres défis qu’en termes d’interactions régionales. Plus concrètement, le pays risque de se retrouver en situation d’isolement s’il arrive que les autres pays rouvrent leurs frontières entre eux sans la RDC pour ne pas risquer une ré-contamination. Même si la pandémie du covid-19 est une expérience nouvelle pour tout le monde, on s’attendait à un peu plus de réactivité et de créativité d’un pays, la RDC, qui a tout de même une certaine expérience des épidémies et autres endémies. Ce pays en a plusieurs preuves, notamment avec la riposte contre la poliomyélite à l’échelle continentale.

Le covid-19 de crise en crise

Terrible perspective et grave constat que vient souligner hideusement la crise interne sur la riposte qui débouche déjà sur des morts d’homme. Trois personnes ont, en effet, perdu la vie hier mardi suite à une révolte des commerçants qui réclamaient le dé-confinement de la Gombe et la réouverture du marché central pour leur permettre de reprendre leurs activités et pouvoir trouver des moyens de survie. Plus de deux mois se sont écoulés depuis que cette commune avait été fermée aux activités. La mesure de confinement qui devait durer deux semaines en est aujourd’hui à dix semaines, alors que plus de 5 milles familles des commerçants du marché central n’ont plus de moyens de subsistance.

Un confinement prolongé qui affecte aussi grave la chaîne d’autres activités liées au fonctionnement de la Gombe en général et du marché central en particulier. Bref, un confinement qui a réduit de plus de 60% les activités dans la ville de Kinshasa.

« Rendez-nous nos libertés » !

Après s’être vus priver d’un certain nombre de leurs libertés à travers les mesures de l’état d’urgence, les citoyens en viennent aujourd’hui à réclamer qu’on les leur rende. Le message sous-jacent des évènements de ce mardi aux abords du marché central tient bien à cela de la part des citoyens qui ont décidé, désormais, de recouvrer leur souveraineté.

Des citoyens souverains qui se sentent désabusés par un état d’urgence dont ils paient le prix le plus fort sans une contrepartie concrète par rapport à tous les sacrifices qu’ils ont consentis. Désabusés d’autant plus que l’État se trouve en difficulté de communiquer efficacement pour faire savoir ce qu’il fait avec ces libertés que les citoyens lui ont confiées. Même des députés et sénateurs deviennent de plus en plus réticents à accorder une nouvelle prorogation à l’état d’urgence.

Du coup, le pays se trouve au beau milieu d’une crise dans la crise du Covid-19. Pire encore, même des autorités divergent gravement sur la démarche à tenir. Le cas du conflit entre le gouverneur de la ville de Kinshasa et le VPM de l’Intérieur.

Pour d’aucuns, au sein de la population comme parmi ses représentants, l’état d’urgence n’a pas produit des résultats notables attendus. Du moins, personne ne le leur a démontré formellement, alors que les statistiques se font de plus en plus alarmantes, suggérant au passage l’inefficacité de cette riposte et de l’état d’urgence qui la sous-tend. L’opinion dominante retient, en effet, que les différentes mesures appliquées n’ont pas permis d’endiguer la propagation de la maladie dont les cas confirmés ne font qu’augmenter. Même le recul de la létalité observée ne semble reposer sur aucun élément de cause à effet dans l’opération de riposte.

Chacun pour soi…

Pendant ce temps, la crise de confiance qui s’installe désormais entre les gouvernants et les gouvernés pourrait déteindre sur les autres facettes de la vie nationale. Une grave perspective qui pourrait se traduire, par exemple, par des rébellions fiscales, l’informelisation des comportements des agents socioéconomiques, jusqu’à bloquer le bon fonctionnement de l’État. Et puisqu’on devrait désormais vivre avec le covid-19 comme une endémie, chacun pourrait s’organiser comme il pourra pour chercher sa protection et sa propre résilience.

Mais à terme, le rendez-vous des urnes pourra être des plus particulièrement fracassant…

Jonas Eugène Kota

Related posts

Leave a Comment

Résoudre : *
8 − 3 =