BUKANGALONZO : MATATA DEMANDE UN AUDIT, QUE LA VÉRITÉ ÉCLATE ENFIN !

Augustin Matata Ponyo a saisi l’Inspecteur général des Finances aux fins de diligenter un audit sur la gestion financière du projet de parc agroindustriel de Bukanga-Lonzo. Cité comme principal acteur dans ce que l’opinion considère comme l’une des plus gigantesques gabegies financière et même comme la plus grande arnaque de son époque, l’ancien Premier ministre (2012 à 2016) a ainsi pris le courage de demander cet audit de gestion « dès le début des travaux jusqu’à ce jour ». Son souci, dans cette démarche est que « toute la lumière soit faite sur l’ensemble des opérations financières liées à ce projet et que toutes les responsabilités de détournement éventuel des fonds publics soient établies ».

Dans sa démarche, Matata Ponyo dit se faire fort des propos de l’actuel Président de la République qui, dans son discours du 30 juin 2020, avait cité le projet Bukanga-Lonzo comme l’un de ceux qui ont souffert d’une « mauvaise gouvernance ». Il évoque également le récent séjour du Premier Ministre Sylvestre Ilunga à Bukanga-Lonzo où il s’est rendu compte du désastre.

Matata Ponyo estime qu’«il serait dès lors recommandable, au regard des appréhensions de mauvaise gouvernance évoquées précédemment, que l’Inspection générale des Finances se saisisse du dossier, contrôle des comptes inhérents à ce projet, dès le début des travaux jusqu’à ce jour, afin que toute la lumière soit faite sur l’ensemble des opérations financières liées  à ce projet et que toutes les responsabilités  de détournement éventuel des fonds publics soient établies ». Pour l’heure, il soutient qu’aucune structure gouvernementale congolaise n’était impliquée dans la gestion des fonds du projet Bukanga-Lonzo, et fait savoir que « la responsabilité du gouvernement était limitée à l’impulsion, au suivi, à l’évaluation des travaux du parc agroindustriel de Bukanga-Lonzo ». En 2013, en effet, le Gouvernement avait, à travers quatre de ses ministères compétents, signé un contrat de partenariat public-privé avec le consortium sud-africain AFRICOM Commodities qui avait alors eu la charge d’assurer la gestion technique et financière du projet Bukanga-Lonzo.

Soulignant qu’il a toujours fait de la bonne gouvernance et du leadership de qualité son cheval de bataille dans sa carrière depuis le BCECO jusqu’à la Primature en passant par le ministère des Finances, Matata Ponyo va jusqu’à demander à l’IGF d’élargir son audit financier global à tous les projets exécutés sous sa responsabilité.

L’annonce de cette requête de l’ancien Premier ministre a réjoui bien d’observateurs qui souhaitent vivement que toute la lumière soit faite sur ce projet agricole qui fait couler autant d’encre et de salive qu’à l’époque de son lancement. Une requête qui vient à la suite d’un récente audit du cabinet Ernst & Young qui fait état de graves entorses dans la gestion du projet depuis sa conception jusqu’à l’arrêt de ses activités au 31 mars 2013 après que le Gouvernement a déposé au total 92.293. 337 Usd pour financer le projet pilote du parc agroalimentaire de Bukanga-Lonzo.

Aller au-delà du financier

Pour autant que l’attitude de l’ancien Premier ministre permettrait d’aborder ce dossier avec plus de sérénité et en dehors de toute politisation, les observateurs attendent donc un travail des plus objectifs et succinct afin que toute la lumière soit faite et la vérité soit dite. A ce stade, en effet, et même si le cabinet Ernst & Young a produit plus d’un, les spécialistes sont restés sur leur soif, surtout que ce cabinet traîne une réputation pour le moins sulfureuse dans certains scandales financiers à travers le monde.

Pour les spécialistes, en effet, la lumière attendue dans l’affaire Bukanga-Lonzo devra ratisser suffisamment large pour couvrir aussi bien les aspects financiers et gestionnels du projet par la firme sud-africaine que les volets en amont de cette gestion, à savoir le montage même du projet et son opportunité par rapport à sn profilage de départ.

La phase du montage du projet devrait permettre de faire la lumière notamment sur la manière dont le montage du projet a été fait ainsi que leurs acteurs. Elle devrait aussi permettre de retracer l’arrivée (appel d’offre ou gré à gré) d’AFRICOM Commodities dans ce projet et les motivations qui ont conduit à sa transformation de constructeur (réalisateur) à partenaire à part entière et gestionnaire. Quelle expertise cette firme justifiait-elle donc pour réaliser une telle prouesse transformationnelle ? Qui l’a dénichée et à quel niveau était-elle gérée ?

Ensuite, l’enquête devra s’intéresser à l’opportunité même du projet tel qu’il était profilé au départ sur papier. Pour les analystes, en effet, ce projet pilote avait été trop surdimensionné sur papier pour ainsi créer les conditions d’éventuels détournements des fonds. L’absence manifeste d’un appel d’offre sur toutes les opérations, du recrutement de AFRICOM Commodities jusqu’à l’arrêt du dernier moteur en mars 2013, devrait mettre la puce à l’oreille des flics du fisc.

Ceux qui ont vu ce projet à son lancement soutiennent qu’il y a eu achat de plus de matériels qu’il n’en  fallait, et cela dans le seul souci de voir un vaste marché de rétro commissions et autres formes de surfacturations, etc. Et c’est ici que les spécialistes rejoignent Matata Ponyo dans son souci de « bonne gouvernance et de leadership exemplaire ». Pour eux et selon ce que l’ancien Premier ministre explique lui-même dans sa lettre à l’IG de l’IGF, Bukanga-Lonzo a gravement souffert d’un déficit de leadership pour un projet d’une telle envergure. Une envergure qui aurait dû dicter une plus grande proximité de gouvernance publique sur les fonds publics qui nécessitaient ainsi un suivi en vue des résultats escomptés.

Assurément, Bukango-Lonzo avait été entouré d’une opacité à travers un réseau de contacts et d’intermédiaires (c’est comme ça que ça se joue d’ordinaire) au-delà même de la vision et des attentes du leadership national de l’époque qui, manifestement, aura été abusé dans sa hargne de vaincre ce front de l’agriculture pour propulser la RDC dans l’autonomie alimentaire. Et tout ça, c’est l’audit qui devra le tirer au clair.

Une aventure qui a fait rêver

Suite à une autopsie du secteur de l’agriculture menée en 2013, le Gouvernement se rend à l’évidence, notamment, de la baisse drastique de la production agricole, la dépendance accrue du pays aux importations, la surenchère des prix des produits importés, sans oublier une déficience nutritionnelle progressive à travers les provinces, etc.

L’exécutif national lève alors l’option de promouvoir des filières agricoles à travers le pays ainsi que l’agri-business. C’est alors que naît l’idée des parcs agro-industriels. Une étude menée identifie 20 sites répartis dans les 11 provinces de la RDC à cette époque. Le projet pilote est celui de Bukanga Lonzo, secteur du même nom dans ce qui va devenir la Province du Kwango.

En février 2014, le Gouvernement signe un contrat avec la Société Sud-Africaine AFRICOM commodities ltd pour la gestion du parc agroindustriel de Bukanga Lonzo que cette firme sud-africaine a montée physiquement. Le parc s’étend sur au moins 70.000 hectares et lusieurs produits doivent pousser de ses terres : maïs, soya, haricot, manioc, pomme de terre, arachide, tomate, oignon. L’élevage y est également prévu avec notamment les poulets, etc.

Le gouvernement débloque un premier montant de 92 293 337 Usd pour la construction de l’usine, l’aménagement du site et l’exécution d’autres travaux dont les voies d’accès et de circulation au site.

En 2017, soit trois ans après sa mise en œuvre, le projet prend eau et, malgré une tentative de redressement à travers un audit, la machine finit par s’arrêter.

Jonas Eugène Kota

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