ÉGLISES ET CENI : RONSARD MALONDA N’EST PAS LE PROBLÈME (Décryptage)

Joseph Olenghankoyi a repris le bâton de son CNSA pour tenter un apaisement dans la nouvelle crise politique autour de la désignation, par les confessions religieuses, d’un nouveau président de la Commission électorale nationale congolaise (Ceni). La tension est à ce point vive que des états majors politiques et de la société civile battent déjà le pavé en protestation contre l’entérinement de la désignation, par vote des confessions religieuses, de Ronsard Malonda pour succéder à Corneille Nangaa à la tête de la centrale électorale nationale. Les uns et les autres disent ne pas vouloir de ce candidat en raison de son appartenance à l’ancienne équipe de la Ceni, celle-ci étant reprochée d’avoir mal organisé les élections de 2018. En plus de cet argument, d’autres estiment qu’il faudrait d’abord réformer la centrale électorale avant de penser à lui trouver de nouveaux animateurs.

Le discours politique qui se développe autour de ce choix légalement dévolu à la société civile, plus précisément sa composante des confessions religieuses, épouse intimement l’ambiance de ces jours marquée par les contradictions au sein de la coalition CACH-FCC. Même l’Udps, parti membre de la coalition au pouvoir à travers son Président national élu chef de l’État en 2018, s’en mêle et projette aussi une marche contre Ronsard Malonda.

Jusqu’où Olenghankoyi ira-t-il avec ses bons offices ? Question intéressante au regard des extrêmes dans les esprits des uns et des autres. Des extrêmes qui occultent, pour des raisons aisément imaginables, le fond de départ qui n’est autre que la lutte de leadership dans les rangs des confessions religieuses ou, tout au moins, certains de leurs dirigeants.

Et le Président du CNSA aura bien ciblé l’origine du nouveau malaise en rencontrant en premier lieu les chefs des confessions religieuses. Une amorce qui dit tout de ce que l’église censée rester au milieu du village se retrouve désormais aux extrêmes comme protagoniste aux joutes politiques à la congolaises. Autrefois, en effet, c’est l’église qui allait vers les brebis égarées pour les ramener sur la voie de la raison et de la concorde.

Surprenant alors de constater cette sorte d’amnésie précoce et générale sur des faits pourtant d’actualité brûlante. Même les acteurs/protagonistes demeurent encore actifs, manifestement pour effacer leur forfait qui en rajoute au trouble de la quiétude publique.

Tous, sans exception, ont participé à la désignation d’un nouveau Président de la Ceni

Il n’y a, en effet, pas à aller par quatre chemins pour comprendre qu’après avoir refusé, hier, toute implication dans la gestion de la centrale électorale au motif qu’elle serait un organe éminemment politique, l’église catholique – du moins une frange de son clergé – ambitionne, aujourd’hui, d’en prendre la direction. Une ambition clairement affichée avec cette forme d’hégémonie donnant l’impression que les autres confessions religieuses seraient réduites au rôle d’accompagnatrices pour entériner ses choix.

Au sortir des élections de 2018, la vision longtemps exprimée par la société civile et certains partis politiques était de procéder d’abord par la réforme de la Ceni et l’audit du dernier processus électoral. Cependant, les confessions religieuses, toutes sans exception, ont mordu a la démarche contraire de désigner d’abord les animateurs, du moins celui du poste confié à leur choix.

Sans exception, tous ont délégué des représentants à la commission ad hoc. Toutes sans exception ont convenu du mode de son fonctionnement et ont décidé de confier la présidence de leurs réunions au Cardinal catholique Fridolin Ambongo qui l’acceptera de son plein gré.

Toutes sans exception ont arrêté un critérium d’éligibilité. Celui-ci prévoyait la compétence éprouvée et une expérience avérée, la probité et la moralité irréprochables. Également prévue, la non appartenance, présente ou passée, à une formation politique de quelque manière que ce soit. Aucun critère excluant de l’éligibilité les anciens membres de la Ceni. Enfin, tous avaient convenu que le mode de choix était le consensus. À défaut, le vote les départagerait.

Par la suite, tous enregistrèrent des candidatures. Dès lors, le processus électoral était déclenché. Tous sans exception y prenaient part. Et aucune des confessions religieuses n’a, à ce jour, démenti tout ce qui se passera ensuite.

Et ce qui se passe ensuite c’est que sur les 23 candidatures enregistrées, seulement 6 sont jugées vertébrées et dignes de poursuivre la compétition. Mais les choses se gâtent lorsqu’approchent le moment fatidique.

Quand Ambongo et Bokundoa ont snobé le groupe

Le Cardinal Ambongo de la Cenco et Mgr Bokundoa de l’Ecc sont quelque peu gênés de ce que les candidats qu’ils soutiennent accuseraient une certaine proximité népotiste avec eux. Au même moment, il se révèle clairement que la candidature de Ronsard Malonda tend vers un plébiscite car aucune autre candidature ne fait le poids face au sien.

La première réunion décisive est renvoyée au motif, selon les membres, de se donner plus de temps pour trouver un consensus. Et la suite est connue. Les réunions sont en difficulté avec le refus d’Ambongo de continuer à les présider. Il embarque dans sa démarche Mgr Bokundoa.

 Ambongo et Bokundoa vont alors convoquer la presse pour une communication qu’ils attribuent curieusement  aux « confessions religieuses », communication dans laquelle ils décident de surseoir à la suite de leur démarche. Suprême entourloupe digne des pratiques du landerneau politique congolais !

Non contents de cette manipulation, les autres confessions religieuses montent au créneau pour le dénoncer avant de décider de poursuivre le processus électoral. Au bout du compte, Ronsard Malonda rafle 5 voix sur les 6 et emporte ainsi la volonté des « princes des églises », du moins ceux qui sont présents.

Mal leur en prend, car le duo Ambongo-Bokundoa sort le grand jeu. Ils accusent leurs collègues d’avoir été corrompus et sont les premiers à jeter l’huile sur le feu ont cimentant la version politique de cette nouvelle crise tout aussi politique qui s’installe désormais. Encore une manœuvre de diabolisation bien typique à la classe politique congolaise !

Faux-fuyant de la Cenco pour se « réhabiliter »

Sur les entrefaites, et face aux dénonciations qui fusent et ne l’épargne point, la Cenco se retire de son entente avec l’Ecc pour jouer désormais sa partition solitaire. Son secrétaire général, l’Abbé Donatien Nshole, fait une brève mise au point dans laquelle il tente d’excuser l’église catholique en suggérant qu’elle aurait été induite en erreur et qu’elle aurait dû soutenir la réforme préalable au choix des animateurs et non le contraire.

Mais la réalité est tout autre. Personne, en effet, ne peut comprendre une telle explication de la part de cette même Cenco qui, lors des trois précédents cycles électoraux, se targuait d’une maîtrise parfaite de la question électorale et, donc, du mode de désignation de ses animateurs. Personne ne peut croire que ce soit la même Cenco – avec ses récriminations sur le précédent cycle électoral et son opinion de ceux qu’elle présente comme responsables – qui pouvait s’engager dans ce qu’elle appelle « un piège ». Personne ne peut, enfin, comprendre que, pour apporter son concours à la correction de tout ce qu’elle a dénoncé hier, la même Cenco use aujourd’hui de tous les stratagèmes politiques connus pour mettre le grappin sur la présidence de la Ceni.

Le fait est que, dans son inextinguible hargne de conquérir la présidence de la Ceni, la Cenco a fait le choix de rejoindre la meute pour hurler avec les loups. Et le manège semble avoir réussi, surtout avec le message du 30 juin de Fridolin Ambongo qui l’a remis en selle dans une certaine opinion pour certains, ou qui lui a mis à dos certains congolais pour d’autres.

Des confessions de la CIME aussi rejoignent la clameur

La Cenco peut aussi se consoler de son coup réussi de faire diaboliser les autres confessions religieuses au point même de les diviser. Tout en se couvrant la conscience d’une chape d’hypocrisie, les Cathos auront réussi à embarquer dans leur revirement, des musulmans et des kimbanguistes qui renient aujourd’hui leurs représentants. Pas moyen de penser autrement lorsqu’on se souvient que les hiérarchies de ces églises n’avaient pipé mot tout au long (ou presque) de la procédure ayant conduit à la désignation de Ronsard Malonda. Comment, en effet, expliquer aujourd’hui ce revirement de position, sinon par le fait que Kimbaguistes et musulmans (une frange) donnent aujourd’hui de la voix quand des contestations se sont faites virulentes contre le choix opéré par leur représentants…

Ronsard Malonda n’est pas le problème !

En définitive, force est de conclure que Ronsard Malonda n’est pas le problème. Puisque, comme démontré plus haut, tout le monde avait bien participé à la désignation d’un nouveau président de la Ceni avant de quitter la barque chacun à son quai, le chagrin des uns et des autres vient du fait qu’ils n’ont pas été capables d’aligner des candidats à la hauteur du pedigree de celui qui est aujourd’hui honni.

Sûr que si c’est l’un des candidats de Ambongo ou de Bokundoa qui l’avait emporté, on n’en serait pas là aujourd’hui. La conclusion paraitrait abrupte, mais il faut prendre date pour voir comment se comporteront les uns et les autres en cas de nouveau rendez-vous …

Jonas Eugène Kota

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