SALUBRITÉ, SÉCURITÉ… A KINSHASA : CES PROGRAMMES SANS LENDEMAIN

Kinshasa revêtira-t-elle un jour sa belle robe d’antan ? Quand est-ce que les Kinois vivront à nouveau à l’abri de l’insécurité, des tracasseries routières, etc. ? Ces questions et tant d’autres hantent la population de la capitale congolaise qui assistent chaque jour à la dégradation inexorable de leur environnement de vie. De la salubrité à la libre circulation des personnes et leurs biens en passant par la sécurité, l’éclairage public et autres, ce ne sont pourtant pas des programmes ni des actions qui ont manqué hier comme aujourd’hui pour ramener la ville dans les normes urbanistiques. Seulement, le constat est que tous les programmes et actions lancés en pompe et avec force slogans ont, soit fait long feu, soit fait flop pour ne demeurer que des slogans ou des vœux pieux.

Salubrité : Ngobila feat Kimbuta…

Sous André Kimbuta, pour ne prendre que ce repère, l’hôtel de ville avait lancé un programme de salubrité pour que Kinshasa redevienne belle. Le programme avait connu un appui remarquable de l’Union européenne qui avait mis des moyens financiers et des engins motorisés. Le programme prévoyait également la construction d’une usine de traitement des immondices. Et pour faire complet, une régie avait été créée pour gérer ce programme.

De son côté, l’Hôtel de ville avait conclu des accords avec des Ong pour la salubrité et des gens avaient été recrutés pour balayer quotidiennement les artères de la capitale.

Mais au bout du compte, l’opération n’alla pas plus loin que le projet pilote. Celui-ci avait, en effet, ciblé quatre communes pilotes avec l’objectif de généraliser l’expérience aux restes des communes. La machine s’arrêtera dès que l’Union européenne à l’échéance de cette expérience. Comme prévu au départ, la ville devait prendre la relève, d’autant plus que la charge de la salubrité incombe aux provinces. Pendant toute la période expérimentale, l’Hôtel de ville était censé mettre les moyens de côté pour prendre cette relève.

Ne l’ayant pas fait, et au nom d’un accord jamais élucidé, André Kimbuta se tournera vers le Gouvernement central qui ne se souviendra point d’un tel arrangement. Et ce fut la fin. Les quelques centres de collecte et de pré-triage dans les communes pilotes seront de plus en plus bondées jusqu’à polluer le voisinage faute de suivi dans l’évacuation des immondices. Le projet d’usine de traitement des ordures s’arrêtera aux centres de leur enfouissement vers Mpasa qui connaîtra alors le même problème environnemental ainsi que des conflits fonciers en raison de l’extension sauvage de ces sites d’enfouissement.

Bref, avec Kimbuta, Kinshasa la laide ne sera jamais au rendez-vous de Kinshasa la belle. Pour sauver quelque peu les meubles, le chef de l’Etat de l’époque fut amené à mettre la réserve stratégique à contribution pour louer (ou réquisitionner) des engins et payer le carburant afin d’évacuer les poubelles publiques puantes. On assistera alors à un spectacle de gros camions chargés d’immondices et traversant la ville de part en part, laissant trainer derrière des odeurs nauséabondes.

À son arrivée voici bientôt deux ans, Gentiny Ngobila lance avec pompe son programme dit « Kin Bopeto ». Le coup d’envoi est donné par le Président de la République en personne. L’événement se passe à Bandalungwa, commune qui s’est surnommée Paris on ne sait trop pourquoi.

Depuis lors, cependant, les Kinois ne comprennent pas très bien la philosophie de ce programme, tant personne ne semble s’être trouvé en devoir de la leur expliquer. A ce jour, en effet, « Kin Bopeto » semble se limiter aux simples travaux de « salongo » de l’époque de Mobutu. Des travaux hebdomadaires qui se limitent au balayage particulièrement des lieux de négoces chaque samedi, et c’est tout.

En fait d’opération de grande envergure, la ville n’a fourni à ce jour, comme outils de travail, que quelques bèches, quelques râteaux et quelques balais, bref du simple matériel aratoire pour l’entretien des potagers. De temps en temps, les bourgmestres mobilisent quelques jeunes pour quelques activités fortement médiatisées pour justifier le peu de fonds (10.000 dollars par commune) mis à leur disposition. Quelques tricycles ont également été acquis pour le ramassage des immondices et c’est tout.

Gentiny Ngobila et ses projets des tiroirs

Dans l’ensemble, pas grand-chose de concret pour aller sérieusement à la conquête de Kin-la-belle. On n’exagèrerait pas en disant que, jusque-là, « Kin Bopeto » est loin d’égaler le projet pilote de salubrité de Kimbuta.

Pourtant, les Kinois sont témoins des informations sur des projets et des propositions qui ont retenti dans la nouvelle bâtisse de l’Hôtel de ville depuis l’arrivée de Ngobila. En juillet 2019, par exemple, l’Hôtel de ville avait conclu un accord avec Ebomaf (Entreprise Bonkoungou Muhamadou et famille), société de droit burkinabè basée à Ouagadougou et appartenant à l’homme d’affaires Bonkoungou Muhamadou. Celui-ci avait, en effet, arraché un contrat pour le traitement des déchets dans la ville de Kinshasa et leur transformation en énergie électrique. Le contrat prévoit aussi l’aménagement de la capitale congolaise.

Aujourd’hui, plus d’une année après, personne n’a plus rien entendu parler de ce contrat, alors que Kinshasa croupit dans la crasse.

Ce n’est pas tout. Un mois avant Ebomaf, soit en juin 2019, Freddy Bonzeke Iliki, Directeur de cabinet du gouverneur Gentiny Ngobila, et Dramane Ziao, président de la société « Inewcorp Inc. ((Integrated Natural Environment and Waste Corporation) avaient signé un contrat pour l’assainissement de la ville de Kinshasa. Cette société offrait à la capitale congolaise son expertise pour la transformation des déchets produits en électricité, en biomasse et en engrais. Pour ce faire, deux usines devaient être construites à Mpasa et Mitendi.

Comme le contrat avec Ebomaf, celui-ci aura connu le même sort et Kinshasa continue de ployer sous les immondices. A la place, de jeunes pousse-pousseurs se sont organisés pour évacuer les ordures ménagères moyennant paiement. Mais, problème : personne ne sait très bien où ils vont vider leurs pousse-pousses, si pas dans des ravins où ils aggravent les risques d’érosions ou dans des rivières qui sont ainsi polluées.

A propos justement des rivières, l’Hôtel de ville a lancé récemment l’opération de curage des cours d’eau à Kinshasa. Lancée par le Gouverneur en personne à la rivière Kalamu au début de la présente saison sèche, cette opération n’a guère dépassé le quart de cette rivière, alors que les pluies s’annoncent déjà.

Pour leur part, les caniveaux de la ville n’ont pas connu un meilleur sort. Curés de temps en temps, ils se remplissent à nouveau presqu’immédiatement après et avec les mêmes immondices vidées, faute de leur évacuation. En sorte que les Kinois imaginatifs parlent de caniveaux ruminants…

Last but not least, on ne s’attarde pas sur le nouvel hobby de « Kin Bopeto » qui cible, chaque samedi, certaines places publiques pompeusement confondues à des communes entières pour leur entretien. Aujourd’hui on a déjà connu « Petola Kintambo » et « Petola UPN ». Cependant, ces activités se limitent aux travaux habituels de « salongo », mais avec une forte médiatisation en plus.

Au bout de deux heures de « petola », Kintambo magasin et la place UPN ont replongé dans leur fange quotidienne avec certains endroits où l’on ne peut passer qu’en se pinçant le nez.

Pendant ce temps, l’on observe par endroits, surtout à Gombe et à certaines places publiques, des sachets bleus qui ont remplacé les tonneaux du départ pour collecter les déchets légers. Par endroit, cependant, ces sachets se remplissent jusqu’à se trouer sans être remplacés. D’autres sont changés et entreposés au même endroit pendant au moins une semaine avant d’être évacués.

Ainsi va la salubrité de Kinshasa et ses slogans…

A suivre

Jonas Eugène Kota

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