COUR CONSTITUTIONNELLE : LA PRESIDENCE ET LE PARLEMENT S’EMPOIGNENT

Une nouvelle empoignade se met en place entre le Président de la République et les Présidents des deux chambres du parlement autour de la prestation de serment des nouveaux juges nommés en juillet dernier dans les conditions qui entretiennent la controverse jusqu’à ce jour. Tout part de l’entretien d’hier entre Félix Tshisekedi, d’une part, et Jeanine Mabunda et Thambwe Mwamba, de l’autre, à la demande de ces deux derniers.

On retient que les échanges ont tourné autour du fonctionnement de la Cour constitutionnelle, mais, manifestement, les violons ont été loin de s’accorder. A preuve, cette confrontation des communicateurs des deux institutions par des communiqués interposés.

Premiers à dégainer, les services du chef de l’Etat se fendent d’un communiqué sanctionnant cette rencontre. En tout et pour tout, le document indique que les échanges ont tourné autour du bon fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Dans la même soirée, un communiqué de la « cellule de communication » du Parlement évoque le même sujet, mais avec plus de détails.

Selon ce communiqué, les deux parties ont parlé de la prestation de serment en perspective des nouveaux juges nommés par le chef de l’Etat (le fameux bon fonctionnement de la haute cour évoqué dans le communiqué de la Présidence). Le communiqué fait ensuite état de la « perplexité » des hôtes de Félix Tshisekedi au sujet de ces nominations, faisant ainsi allusion aux irrégularités qui les entachent au regard des textes légaux en la matière, également rappelés dans le texte. In fine, le texte signifie, en langage enrobé, l’attachement du Parlement au respect des textes et, donc, l’opposition des deux chefs de corps du Parlement exprimé au chef de l’Etat quant à une éventuelle prestation de serment dans ces conditions.

La levée des boucliers

Il n’en fallait pas plus pour que, ce jeudi matin, la Présidence de la République revienne à la charge, cette fois-ci avec une « mise au point » co-signé aussi bien par la direction de la communication, la direction de la presse que par le porte-parole du chef de l’Etat en personne (cette hiérarchie des structures est contenue dans le texte). En somme, les trois communicateurs signifient, d’une part, que la « cellule de communication » du Parlement n’a pas qualité pour rendre compte d’une audience accordée par le chef de l’Etat aux deux chefs de corps du Parlement. D’autre part, ils signifient que le communiqué de du Parlement est un tract et le déclare, de ce fait, nul et de nul effet.

L’on perçoit ainsi une guerre qui prend corps autour de la prestation de serment ou pas des juges devant remplacer Ubulu et Kilomba ainsi que du troisième (le premier ?) qui doit remplacer le Président Benoît Lwamba qui avait été le premier à être démissionné. C’est le chef de l’Etat qui doit recevoir cette prestation de serment, certes, mais devant la Nation à travers les deux chambres de la représentation nationale réunie en Congrès.

Depuis lors, les factions se dressent dans les réseaux sociaux et les guerres des arguments y fait rage, sans oublier les communicants de l’Udps qui s’enflamment sur YouTube depuis le matin de ce mercredi. Le couteau pratiquement entre les dents, les tshisekedistes dénient à Jeanine Mabunda et Thambwe Mwamba tout pouvoir de prendre position en lieu et place de leurs chambres respectives. Plus largement, ils soutiennent que le Parlement n’a pas le droit d’objecter sur la régularité ou pas des actes du chef de l’Etat, cette prérogative étant dévolue au Conseil d’Etat.

Conclusion, le Parlement n’a rien d’autre à faire que de se ranger et attendre que le protocole vienne à lui pour la messe du chef de l’Etat.

Ceci ramène à cette tension latente entre l’institution Président et le Parlement sur ce genre de prérogatives qui tendent à placer le chef de l’Etat comme patron de toutes les autres institutions. Les observateurs rappellent, en effet, la triste séquence de l’état d’urgence dû au Covid-19 lorsque le Président Tshisekedi était allé jusqu’à dicter l’ordre du jour aux deux chambres du Parlement. C’est la même posture qu’affichent ses services de com’ qui se donnent le pouvoir d’annuler un communiqué d’une institution indépendante, au mépris du principe de séparation des pouvoirs.

Contrôler la haute cour : ce qui fait courir la Présidence

Les spécialistes de la com’ ne cessent, tantôt de s’interloquer, tant tôt de se gausser de cette situation qui, en définitive, n’est que le prolongement d’une guerre qui se mène sur un autre front. Il est clair qu’au Mont Ngaliema, la communication d’ATM et Mabunda a contrarié certains calculs dans l’équipée évidente pour le contrôle de la Cour constitutionnelle après l’opération réussie sur le Conseil d’Etat. Une équipée qui se vit déjà au sein même de la Cour constitutionnelle où le tout nouveau Procureur général, Jean-Paul Nkokesha, proche de Fatshi notamment par ses relations au niveau du CNS, s’emploie, depuis quelques semaines, à déstabiliser le Président a.i. Gilbert Prince Funga.

Objectif : le décrédibiliser suffisamment pour réduire ses chances de passer au profit du pion déjà désigné pur prendre les commandes de la haute Cour. Et les observateurs n’ont jamais, non plus, été dupes de cette précipitation à opérer un chambardement à la Cour constitutionnelle pour s’y adjuger une majorité de décision sans attendre les échéances légales, notamment le tirage au sort d’avril 2021 qui devrait permettre à Fatshi de remplacer seulement un, et non deux, juge de son choix selon toujours les textes.

Le dossier est ouvert.

Jonas Eugène Kota

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