SUR TOP CONGO, KAMERHE AVOUE DES HÉRÉSIES DE GOUVERNANCE (Débriefing)

Les journalistes avertis connaissent en Vital Kemerhe un interviewé bien malin. Un « animal » de la communication qui a le chic de reformuler des questions pour y répondre sous l’angle qui l’accommode ; qui stoppe nette une question dont il subodore le sens incommodant pour rencontrer le versant qui l’arrange ; ou encore, s’il ne répond pas aux questions par des questions, qui joue à la victimisation en se plaignant de ne pas savoir répondre alors qu’il est rompu dans l’art de monopolisation de la parole, exactement comme quand un boxeur se réfugie dans les cordes et emprisonne les gants de l’adversaires sous ses aisselles.

Pendant près de deux heures sur Top Congo ce samedi, le Directeur de cabinet du chef de l’Etat s’est ainsi livré à son art de prédilection. L’allié du Président de la République – il l’a revendiqué tout au long de l’émission – est manifestement allé en studio avec « ses » vérités qu’il entendait placer dans l’opinion en se servant de la tribune de ce médias après avoir bien calculé son audience. Au bout du compte, cependant, les auditeurs auront, certainement, découvert, de « ses » un Congo bien différent de celui que les Congolais vivent au quotidien dans leur chair comme dans leur âme. Parce que le Directeur de cabinet, qui a aussi eu tendance à jouer le rôle du Premier ministre dans le déclinaison du travail dévolu aux prérogatives de ce dernier en tant que chef du Gouvernement, est venu, en cette période bien particulière, esquisser des « hauts faits » de son allié dans ce gros creux des vagues que traverse le navire de la coalition avec le FCC.

Sa progression a, cependant, laisser trainer des « déchets » qui trahissent de graves hérésies de gouvernance qui, normalement, devraient faire craindre pour la suite de ce qui pourrait être fait de la Nation. D’abord sa propre personne en tant que Directeur de cabinet du chef de l’Etat. Vital Kamerhe a, en toute suffisance, revendiqué le droit de recadrer quiconque en qui il percevrait ce qu’il estimerait être un écart de comportement à l’endroit du chef de l’Etat, prétendant que son statut de Dircab qui lui procure de tels pouvoirs. De là, il assoit ses mises en garde contre Jeanine Mabunda, Présidente de l’Assemblée nationale et deuxième personnalité de la République.

Vital Kamerhe n’a cure des obligations protocolaires et autres formes de préséances pour se poser ainsi en chien de garde du Président de la République pour pouvoir mordre qui il veut, quand il veut et comme il veut. C’est ainsi qu’il dit qu’il a le droit d’écrire à tout le monde chaque fois qu’il en ressent le nécessité. Pourtant il est bien connu que c’est le chef de l’Etat qui a la prérogative épistolaire par le truchement du Directeur de cabinet, étant donné que celui-ci débute les correspondances par la formule « le Président de la République me charge de… ».

Pour avoir ignoré ces règles élémentaires de l’organisation des rapports entre membres du Gouvernement et entre institutions, Vital Kamerhe commet ainsi des hérésies de gouvernance en voulant faire de lui le détenteur d’un certain pouvoir dans l’architecture institutionnelle, alors que dans sa position, un Secrétaire général de l’administration publique à plus de pouvoirs d’Etat que lui qui n’est chargé que du fonctionnement du cabinet du Président de la République.

Mais ce n’est pas tout. Vital Kamerhe revendique de la même manière le rang de Vice-premier ministre au motif que c’est le chef de l’Etat qui l’y a hissé. Ce disant, il avoue une autre hérésie de gouvernance en ce que le texte portant organisation et fonctionnement du cabinet du chef de l’Etat laissé par Kabila plafonne ce rang de Dircab à celui de ministre d’Etat.

Kamerhe avoue ainsi une violation des textes, surtout lorsqu’il justifie son bombardement par le fait que cela est dû à son accord de Naïrobi avec Félix Tshisekedi dont il est le partenaire. Bref, Vital Kamerhe a signifié au peuple congolais que lui et son allié Tshisekedi ont imposé à l’Etat un accord privé pour faire de lui un vice-Premier ministre pour pouvoir toucher aujourd’hui un salaire de 12 millions de FC.

Manifestement, il n’a cure de la portée de ces petites libertés qu’il reconnaît prendre, lui et le chef de l’Etat, avec les lois et règlements de la République. Il n’en  a vraiment cure, puisqu’il se réclame de l’école des Directeurs de cabinets comme Nimy Mayidika Ngimbi ou Vunduawe sous Mobutu. Un recours à une époque dictatoriale où le Président de la République, donc ses dépendances aussi, caracolait au-dessus des lois qui étaient son émanation et non le contraire. Dont acte.

Au fil de l’entretien avec le panel des confrères qu’il tente, à plusieurs reprises, de tenir en respect à petits coups d’intimidation – Elysée Odia en a eu sa petite dose -, Vital Kamerhe aura donné l’impression de s’être rendu maître de l’antenne de Top Congo pour caracoler sur les cimes de l’inoculation des « vérités » pour finir par trahir cette démarche de brouillage de la communication sur la scabreuse affaire du programme des 100 jours du chef de l’Etat dont personne, à la Présidence, n’a eu, jusque-là, le courage de rendre compte au peuple. Documents en mains (que personne n’a jamais vus depuis des mois malgré l’instance de la presse), Vital Kamerhe aura manifestement voulu se défaire du poids du rapport de l’ODEP en ayant eu le temps de concocter un rapport de l’exécution du programme de 100 jours sur mesure, rapport basé certainement sur des démentis aux allégations de l’ODEP. Une démarche bien suspecte lorsque l’on sait que tout en n’ayant pas rendu compte in tempore non suspecto et au nom de la redevabilité, Kamerhe a pris à contrepieds le chef de l’Etat qui, dans son discours sur l’état de la nation, avait déclaré que ce programme est désormais pris en charge, depuis novembre 2019, par le gouvernement à travers ses services compétents.

Sinon, pourquoi ne pas avoir laissé faire le coordonnateur de ce programme, puisque c’est lui qui –tiré de son douillet silence par le rapport ODEP – a, encore récemment, promis de tenir une conférence de presse ?!

Enfin, retour sur la coalition FCC-CACH, Vital Kamerhe a voulu jouer à la fois au sapeur-pompier et au pyromane en faisant d’une part des mises en gardes et, d’autre part, des appels à l’apaisement, tout simplement pour donner l’impression d’être, lui et son allié Tshisekedi, au-dessus de la coalition. Et en fin d’émission, il zappera carrément Joseph Kabila et M’zee Kabila de l’histoire de la RDC lorsqu’il évoquera la prophétie de Kimbangu, le combat de Lumumba pour tomber direct sur Félix Tshisekedi qu’il dira être celui que les Congolais attendaient.

Pompier-pyromane, in cauda venenum ! Les Kabilistes apprécieront…

Jonas Eugène Kota

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