PRESSÉ DE L’OCCIDENT, FÉLIX TSHISEKEDI TENTÉ PAR UNE « COALEXIT »

Aux britanniques le « Brexit », aux congolais la « Coalexit » ? En tous cas, ce sont là les perspectives de sortie de la coalition FCC-CACH que fait miroiter le chef de l’Etat qui, manifestement et sous pressions occidentales, ne s’en accommode plus et veut s’affirmer seul, au besoin, au moyen d’un équilibrage au parlement. Mais à quel prix ? (Décryptage)

Des terres britanniques où il a séjourné récemment, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a développé un discours aux orientations aussi brusques qu’inattendues, et qui ne cessent d’entretenir la perplexité dans l’opinion nationale en raison des perspectives plutôt « terribles » qu’ils font désormais miroiter sur le devenir de l’Etat et de la nation. Du rappel que son pouvoir n’émane d’aucun individu mais de la volonté de Dieu et du peuple, à sa promesse (menace ?) de dissoudre l’Assemblée nationale pour des raisons qu’il a évoquée, en passant par sa dénonciation des membres du gouvernement (FCC) qui lui mettraient des bâtons dans les roues pour l’empêcher de mener à bien sa vision, le Président de la République a ouvert une brèche qui montre désormais ses objectifs : s’affranchir de la coalition FCC-CACH pour affirmer et asseoir sa seule autorité. Et pour parvenir à une telle fin, il envisagerait de passer par la dissolution de l’Assemblée nationale qui confère au FCC cette stature qui lui confère le contrôle du Gouvernement.

Tout, dans sa démarche communicationnelle et celle de ses soutiens, à commencer par son Directeur de cabinet, concourt, en effet, à une telle conclusion, même s’il restera de savoir comment le chef de l’Etat arriverait à de telles fins sans faire payer un lourd tribut à l’Etat et à la nation pour des besoins d’affirmation personnelle sans aucune démonstration de quelconques retombées positives en faveur du Congo et son peuple. En effet, les signaux lancés de Londres sont intervenus au terme des douze mois de grâce post-électorale, selon la Constitution, pour ouvrir la voie à toute possibilité de dissolution de l’Assemblée nationale.

Même au conditionnel, Fatshi n’a pas motivé constitutionnellement son éventuelle dissolution de l’Assemblée

Cette idée, on le sait, a déjà été évoquée à plusieurs reprises par les soutiens de Félix Tshisekedi, et celui-ci l’a toujours rejetée jusqu’à ce que lui-même l’évoque en des termes à peine voilées. Mais en évoquant aujourd’hui cette idée de dissoudre l’Assemblée nationale – il a fermement et officiellement réaffirmé sa détermination dans sa communication au dernier Conseil des ministres – Félix Tshisekedi a laissé transpirer son intention sous-jacente qui n’est autre que de s’affranchir de la coalition FCC-CACH, d’où ce néologisme congolais de « Coalexit » que lui aurait inspiré le Brexit qui a désormais semé l’envie de conquête du monde aux britanniques. D’où ce tout nouveau sommet UK-Africa.

En effet, les causes à la base de l’évocation d’une dissolution de l’Assemblée nationale ne trouvent aucun fondement, ni légal ni factuel. D’une part, la déclinaison logique de son raisonnement ne concorde pas avec sa conclusion. Si la Constitution prévoit une dissolution de l’Assemblée nationale dans le cas d’une crise persistante entre celle-ci et le Gouvernement, la loi fondamentale ne la subordonne nulle part à des soucis qu’aurait le Président de la République avec des ministres dans l’assomption de ses prérogatives tout aussi constitutionnelles. La constitution identifie bien les protagonistes de cette crise, et le Président n’en fait nullement partie.

Du reste, à ce jour, personne n’a documenté le moindre nuage aux allures d’une telle crise pour justifier l’évocation d’une mesure aussi extrême que délibérément effarouchante.

Diabolisation : l’arme choisie pour justifier une crise imaginaire

Mais pour soutenir tout de même un conflit et, manifestement, couvrir un discours d’une radicalité plutôt gratuite malgré l’existence de frictions somme toute mineures, l’on assiste à un relais communicationnel basé sur cette vieille arme de la politique à la congolaise : la diabolisation. A Londres, en effet, le Président de la République a parlé de ministres qui lui mettraient les bâtons dans les roues, citant ceux du FCC à qui l’on aurait déjà fait signer des lettres de démission. Il a également fait état d’autres qui lui rapporteraient des pressions qu’ils subiraient pour entraver son action à la tête du pays en vue de le faire échouer. De là, il a brandi le « bic rouge ».

Vital Kamerhe rate d’embarquer José Sele Dans sa suite, son Directeur de cabinet, Vital Kamerhe, choisissant la date symbolique du 24 janvier marquant l’an 1 de l’alternance, embraye sur la même lancée pour soutenir l’accusation et aller plus loin. Il cite nommément le ministre des Finances comme responsable du ralentissement de l’économie et de la non-circulation fiduciaire qui asphyxierait la population. Vital Kamerhe accuse, en effet, José Sele d’avoir instruit les banques commerciales, à travers une lettre, de ne plus octroyer de crédit sans son autorisation.

Les services de communication du ministre des Finances ont, certes, apporté un démenti, mais les observateurs n’ont pas manqué de s’interroger sur une telle accusation, sachant qu’un ministre des Finances ne dispose pas d’un tel pouvoir sur les banques commerciales qui relèvent plutôt de l’autorité de la Banque centrale. Du reste, une injonction de cette nature de la part du ministre des Finances aurait tôt fait de provoquer une levée des boucliers chez les banquiers, et ils n’en auraient pas eu tort.

Bababaswe, Pacal Mukuna, etc. aussi des agents de diabolisation Si le ciblage des finances n’est pas fortuit – l’argent a toujours été le nerf de la guerre -, l’équipée pour la « Coalexit » ne s’arrête pas là. Bien longtemps avant, en effet, on a assisté à la montée de certaines initiatives politiques lancées furieusement contre la coalition FCC-CACH avec des assauts sans fards sur l’allié FCC. Des organisations et des individualités floquées CACH ou alliés se montrent, en effet, sans limite pour dénoncer cette coalition comme étant la cause des malheurs des Congolais. Des malheurs curieusement attribués à un seul partenaire de la coalition, le FCC, et son autorité morale, Joseph Kabila. Ceux-ci font l’objet d’offensives verbales sans aucune retenue.

Si le chef de la Maison civile du chef de l’Etat, Mgr Gérard Mulumba, vient aussi de donner de sa voix, des personnages comme Pascal Mukuna, hier membre de l’équipe de campagne de Ramazani Shadary, ont été recrutés pour la même campagne de diabolisation avant de faire (curieusement ?) jonction avec d’autres pro-Fatshi et anti FCC/Kabila. Zacharie Bababaswe a longuement mené une campagne anti coalition et anti FCC/Kabila pour finir sur une initiative (fallacieusement attribuée à une mystérieuse jeunesse) qui a obtenu d’attraire le Président de la République dans une rencontre avec les kinois ce dimanche 26 janvier au stade des Martyrs, du moins selon la quasi confirmation faite par le porte-parole du Gouvernement (aux origines UNC/CACH) et la publicité qui s’en est suivie. A coup sûr, le Président de la République devra descendre de son piédestal institutionnel pour une équipée partisane…

Pressions occidentales : l’ultime prétexte de Félix Tshisekedi

Last but not least, les envies d’une « Coalexit » pour Félix Tshisekedi, c’est aussi cette grosse pression qui ne cesse de croître sur lui de la part des « amis » occidentaux. Nul n’ignore tout le mal que pensent les américains et les belges de l’alliance que Tshisekedi a passée avec Joseph Kabila (le souverainiste) à travers la coalition FCC-CACH qui maintient ce dernier dans les arcanes institutionnels grâce à sa large majorité parlementaire.

Le chef de l’Etat se l’est fait dire ouvertement lors d’un de ses séjours à Washington où, en réponse, il avait promis un « déboulonnage » pour rassurer ses interlocuteurs américains. Peter Pham, envoyé spécial des USA pour les grands lacs, l’avait dit clairement lors de son récent séjour à Kinshasa.

Et à Bruxelles où il avait également séjourné, Félix Tshisekedi avait entendu le même discours. Hors des oripeaux protocolaires, Alexander de Croo l’avait clairement confié à la presse belge, autant que les hommes d’         affaires belges qui avaient dit attendre de voir comment, au-delà de ses engagements verbaux, Félix Tshisekedi, allaient se déterminer face à ses alliances internes dont ils ne veulent pas.

Qui veut avaler une noix mesure les capacités de son exutoire…

Pour toutes ces raisons et bien d’autres, et toutes choses restant également au sujet des points de frictions quasi quotidiens dont un certain dossier financier, il est clair que Félix Tshisekedi se trouverait dans une phase exploratoire d’une « Coalexit ». Il restera de savoir s’il en a clairement pesé les conséquences avant d’aller plus loin.

  1. Savoir, par exemple, comment il entendrait financer de nouvelles élections dans les trois mois suivant sa dissolution de l’Assemblée sans passer par ses soutiens occidentaux avec toutes les conséquences d’un tel financement en termes d’aliénation de l’indépendance du pays.
  2. Savoir aussi ce qu’il adviendrait du nouveau code minier sous une indépendance aliénée au regard du regard qu’en disent les occidentaux
  3. Savoir également avec qui il organiserait ces élections en dehors de la Ceni dont la configuration actuelle ne fait plus l’unanimité, mais dont la réforme passe constitutionnellement par une Assemblée nationale
  4. Savoir en plus combien de temps prendrait un tel processus électoral sans donner un coup de frein au programme du Gouvernement, bref sans mettre les aspirations populaires sous le boisseau au profit de la quête d’une affirmation personnelle

Enfin, des sources dignes de foi laissent entendre que le Président de la République aurait dépêché, hier vendredi, des émissaires auprès de Joseph Kabila, autorité morale du FCC. Les jours qui viennent pourront peut-être dissiper le climat délétère qui prévaut au pays depuis la dernière sortie du Président de la République à Londres.

Jonas Eugène Kota

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