AFFAIRES D’ÉTAT : FELIX TSHISEKEDI A CRAQUÉ A LONDRES !

Depuis le week-end dernier, les espaces de dialogue entre congolais s’enflamment d’une polémique née des déclarations faites par le Président de la République dans son adresse devant la diaspora congolaise à Londres. Au nombre de ces propos, ceux liés aux rapports entre les partenaires de la coalition FCC-CACH au sein des institutions étatiques, plus particulièrement l’exécutif national, sur lesquels Félix Tshisekedi a manifestement craqué à Londres.

Félix Tshisekedi a, en effet, fait état d’un certain nombre de comportements de certains membres du Gouvernement (qu’il n’a pas cités) qui s’évertueraient à entraver son action à la tête du pays. Citant ouvertement l’appartenance FCC de ces membres du Gouvernement, le chef de l’Etat a, notamment, fait état de confidences de certains d’entre eux qui auraient reconnus qu’ils subiraient des pressions afin d’entraver son action et le faire échouer. Il a également laissé entendre que d’autres auraient été poussés à signer déjà leurs lettres de démission.

Faisant, en fin de compte, état (sans le dire formellement) d’une crise dont il serait la cible, Félix Tshisekedi a déclaré qu’il userait désormais du stylo rouge pour sanctionner et qu’il serait emmené à dissoudre l’Assemblée nationale si cette crise continue.

La polémique autour de ces propos s’articule alors autour d’un questionnement : y avait-il lieu que le chef de l’Etat étale « ces choses » sur la place publique et de cette façon-là ? Son audience était-il appropriée pour ce genre de propos ? Le contexte (participation au sommet sur les investissements à Londres) se prêtait-il pour ce genre de propos ? Sa stature de Président de la République lui permet-il d’engager ce genre de propos de cette manière-là ? Ou encore qu’est-il advenu de ces propos aujourd’hui, sinon de semer et entretenir une polémique qui, déjà, secoue l’édifice institutionnel bâtie autour d’une coalition politique de gouvernement ?

 

Quand Fatshi provoque une crise

Sans entrer dans les détails des propos qui déferlent dans les espaces virtuels d’expression où se mêlent passion, fanatisme et autres sentiments subjectifs loin de toute rationalité, il semble clairement que le chef de l’Etat a pris une lourde responsabilité de lancer une polémique autour d’une situation (les frictions au sein de la coalition à travers le gouvernement) qu’il encadrait jusque-là pourtant avec ses propos rassurants. Le dernier cas en date est celui de son discours sur l’état de la nation dans lequel il avait, à la face de ses compatriotes et du monde, loué les mérites et les vertus de cette coalition. Félix Tshisekedi est, en effet, celui qui bravait même ses propres alliés de CACH pour soutenir cette coalition, alors que son interlocuteur direct, Joseph Kabila Kabange, en a souvent fait de même au sein du FCC à travers des conseils et recommandations allant dans le sens du service à la nation et du soutien de l’action du chef de l’Etat.

Pour d’aucuns, Félix Tshisekedi s’est dangereusement décroché de son strapontin de garant de la nation pour agir, non pas seulement comme partie à ladite coalition, mais plus encore comme protagoniste dans la crise qu’il venait de révéler (ou déclarer ?). Agissant désormais dans cette posture, le chef de l’Etat s’en est allé à des menaces qui l’ont mis en porte-à-faux par rapport aux dispositions constitutionnelles relatives aux conditions de dissolution, ou pas, d’une assemblée nationale.

De fait, et à ce jour, les observateurs n’ont pas encore décelé une quelconque crise (moins encore persistante) entre l’exécutif et l’assemblée nationale qui conduirait à une décision aussi radicale. Et de fait, quelles que soient les frictions (avérées ou alléguées) qui existeraient dans les rapports au sein de l’exécutif, aucune disposition légale ne prévoit un ricochet collatéral qui viserait la chambre basse.

 

Discours-échappatoire ou contexte particulier ?

Bref, autant d’observations qui, selon les analystes, indiquent que, de par son statut, le chef de l’Etat est allé trop loin et trop vite en besogne jusqu’à installer une réelle crise entre partenaires dans la coalition ; crise qui risquerait de déteindre sur la sérénité nécessaire au bon fonctionnement des institutions dont il est pourtant le garant.

Toutes choses restants égales, par ailleurs, et en attendant d’authentifier les faits allégués par le Président de la République, l’on croit comprendre que, comme à ses habitudes, Félix Tshisekedi, qui souffre d’un grave déficit d’encadrement en communication, se serait confectionné un discours circonstancié visant à le mettre en phase avec un auditoire frondeur (la diaspora congolaise) qui ne lui a jamais facilité la tâche depuis qu’il pratique ce genre de communications à chacune de ses sorties à l’étranger. On l’a, d’ailleurs, vu à Londres même lorsqu’il a eu maille à partir avec le même auditoire au sujet de son propre Directeur de cabinet et principal partenaire politique au sein de CACH, Vital Kamerhe.

Plus concrètement, le chef de l’Etat a choisi de calibrer son discours sur celui de la diaspora qui a son idée sur le paysage politique en RDC où des acteurs politiques et leurs regroupements (disons-le clairement, Joseph Kabila et le FCC) ne sont pas en odeur de sainteté. Le choix de la ligne de communication aurait donc été dicté par ce besoin de se mettre en phase avec cette opinion frondeuse, plutôt que de se la mettre à dos. La tension qui prévalait à Londres depuis l’annonce du séjour du chef de l’Etat semble l’avoir emporté jusqu’à lui dicter la conduite à suivre, reversant aussi dangereusement la pyramide du leadership.

 

Manifestement, Fatshi a fléchi dans sa détermination

En un mot comme un mille, le chef de l’Etat a choisi de se mettre à la traîne de l’opinion pour la caresser dans le sens du poil plutôt que de l’affronter en toute responsabilité. Une attitude qui aura ainsi conduit à des dégâts collatéraux autrement plus importants puisque de nature à ébranler les institutions. Le Président de la République aura flanché, pour ainsi dire, et lâché « sa » coalition pour avoir choisi la tranquillité face à un auditoire frondeur, quitte à déclencher l’avalanche du questionnement ci-dessus. Ceci est d’autant plus plausible qu’au regard du nombre des bodies-gards, tous debout et en formation serrée autour de lui sur l’estrade, on peut dire que Tshisekedi craignait même pour sa vie… devant ses propres compatriotes !

Une attitude (le discours) qui n’est pas restée sans conséquence, au vu de la polémique qui s’en est emparée, même si, aujourd’hui, la grande confrontation entre FCC et CACH est encore en embuscade à ce sujet. En attendant, les observateurs sont unanimes pour estimer qu’en sa qualité de chef de l’Etat et de garant du bon fonctionnement des institutions, Félix Tshisekedi n’avait pas besoin d’étaler, de cette façon-là surtout, les frictions internes à l’exécutif national. « Il donne l’impression d’avoir craqué face aux crocs-en-jambe qu’il a allégués pour aller s’épancher sur la diaspora londonienne », commente un de ces observateurs.

Par ailleurs, et comme l’a si bien indiqué le député Thomas Lokondo dans son analyse, le Président de la République s’est trompé aussi bien d’auditoire que de lieu et de contexte (opportunité) pour un tel discours qui, selon les règles en la matière, ne doivent même pas se tenir, surtout pas avec autant de facilité et, pire encore, de la part des hommes d’Etat. En effet, Félix Tshisekedi est allé à Londres dans sa croisade pour « vendre » la RDC et attirer les investisseurs, mais son angle de discours aura été en totale contradiction avec ses intentions. Il a clairement laissé comprendre qu’« il y a tellement de problèmes dans mon pays, surtout au sein des institutions, que ce n’est pas encore le moment de venir y investir ». Vu sous cet angle, « il aura fait mieux que ces ‘’sorciers’’ (opposants) qu’ils dénonçaient comme les fossoyeurs de la RDC qui véhiculent une mauvaise image de leur pays afin d’éloigner les investisseurs », constate encore un autre observateur.

 

Tout n’est pas perdu

Pour autant, doit-on croire que la cruche s’est tellement enfoncée dans l’eau qu’elle s’est cassée ? Quelle que soit la profondeur de la brèche infligée par cette sortie londonienne du chef de l’Etat à l’édifice de la coalition et à la sérénité nécessaire au bon fonctionnement des institutions, il est encore possible de sauver les meubles pour poursuivre la marche commune autour de la passion commune qu’est le Congo. Pour ce faire, les partenaires à la coalition FCC-CACH, à tous les niveaux, se doivent de se munir de la principale armure qu’est la sincérité mutuelle.

Il est clair qu’en plus des zélés qui ne manquent jamais, même à certains niveaux élevés de cette coalition, certains bonzes ne l’ont jamais acceptés, tandis que d’autres, allant plus loin, s’emploient à la saboter pour la conduire à l’implosion. Si les uns et les autres sont allés en toute sincérité au sein de cette coalition en mettant le Congo au centre de tous les intérêts, l’heure semble être venue pour eux de se regarder droit dans les yeux et sans faux fuyants.

Cette coalition est engluée dans un tourbillon de propos et d’opinions telles qu’il est difficile de démêler le vrai du faux, jusqu’à ce qu’on se retrouve à afficher des attitudes et des comportements basés sur des épiphénomènes délibérément montés pour cette fin destructrice.

Pour ce faire, il faudra, par exemple, travailler sur tous les cas de friction pour savoir avec précision s’il s’agit de cas isolés de zèle ou de faits conçus et programmés pour des fins précises. En effet, la coalition FCC-CACH fait face à tellement de fronts, de l’intérieur que de l’extérieur, que le moindre manque de lucidité dans tout ce qui se dit et se fait conduirait à une grave perdition.

Et pour le compte de Félix Tshisekedi, il devra aussi jeter un regard dans sa propre cour : à l’Udps où les sociétaires s’entredéchirent, dans son cabinet truffé d’affairistes sans vision d’Etat et au sein de CACH où les violons ne s’accordent pas entre sociétaires…

Jonas Eugène Kota

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