CAS VITAL KAMERHE : ENTRE LES SENTIMENTS ET LA RAISON

Les Congolais ont vécu, le mercredi 8 avril 2020, une soirée tout à fait  insolite. A la base, la mise sous mandat d’arrêt provisoire de Vital Kamerhe, Directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, par le parquet près la cour d’appel de Kinshasa-Matete après plus de 6 heures d’audition, sur son rôle dans la traçabilité des marchés publics et le décaissement des fonds affectés à l’exécution du programme d’urgence des 100 premiers jours du chef de l’Etat.

Après parade de colère pour les uns, jubilation pour les autres, l’heure est à la réflexion pour départager ceux qui se laissent guider par les sentiments et ceux qui privilégient la raison. Personne n’ignore, en effet, que ce sont les magouilles qui, après les ravages de l’impérialisme actif sur la RDC, sont à l’origine du peu de progrès dans le pays et de tous ces travaux mal ou partiellement exécutés dans les murs congolais. Sans bien sûr perdre de vue d’autres dérives congolaises comme la pratique d’antivaleurs communément décriées comme la corruption, l’incompétence, le tribalisme, le népotisme, etc. Tous les Congolais qui appellent de tous leurs vœux les évolutions positives dans leur pays ne jurent que par la jugulation de tous ces maux rétrogrades et leurs auteurs, qui qu’ils soient.

Les pro-Kamerhe, ainsi qu’on le pressentait déjà dans la manifestation d’intentions et à travers certaines sorties médiatiques des caciques de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), ne brandissent que la volonté des pro-Félix Tshisekedi, accusés de tribalisme, à éliminer Vital Kamerhe de la course au scrutin présidentiel de 2023. Surtout parce que, du fait de l’accord CACH, Félix Tshisekedi devrait se désister en faveur du président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), de même que ce dernier l’a fait en 2018 en faveur de l’actuel chef de l’Etat. Pour les pro-Kamerhe, les pro-Félix Tshisekedi ont échaffaudé un subterfuge pour dégager Félix Tshisekedi de l’accord CACH afin qu’il lui soit possible de se présenter de nouveau comme candidat au scrutin présidentiel de 2023.

Nul ne doute qu’ayant pris goût au pouvoir, les pro-Félix Tshisekedi ont développé en eux la volonté de voir le leur rempiler. Une volonté, du reste, qu’on pouvait mettre en évidence à travers toute l’allergie avec laquelle ils abordaient toute question en rapport avec Vital Kamerhe avant qu’il ne soit évident pour plusieurs que ce dernier était impliqué dans des magouilles. L’on rappelle qu’un passage forcé était même préconisé pour cela. En vain avant cet épisode d’interpellation.

Il a fallu que l’eau coule sous le pont et que les uns et les autres posent des actes dans leurs nouvelles fonctions pour qu’il soit possible decouvrir chez celui-ci ou chez celui-là, par la suite, des magouilles dans l’exécution de tel ou tel autre projet inscrit ou non dans le programme d’urgence de 100 premiers jours de Félix Tshisekedi avant l’entrée en fonction du team gouvernemental Ilunga Ilunkamba. L’on rappelle qu’avant l’entrée en fonction du Gouvernement Sylvestre Ilunga, c’est la présidence qui gérait le pays, l’équipe Bruno Tshibala ayant été empêchée d’engager l’Etat congolais vu qu’elle était aussi déjà sous régime d’expédition des affaires courantes. Alors, il était salutaire de procéder ainsi pour éviter que cette équipe se livre à des magouilles avant de quitter le pouvoir. L’on rappelle aussi que certains ministres et mandataires de l’Etat d’alors avaient été frappés pour corruption et magouilles par le Chef de l’Etat avec pour Directeur de cabinet Vital Kamerhe qui affichait aussi sa volonté de sévir contre ces antivaleurs.

Les choses deviennent d’autant plus compromettantes pour Vital Kamerhe si l’on considère qu’il ait pu commettre les illégalités dont on l’inculpe dans les quatre chefs d’accusation retenus contre lui. La loi frappe ceux qui la violent qui qu’ils soient. Et ce n’est pas parce qu’il s’agit de Vital Kamerhe que la loi ne doit pas être appliquée. Bien au contraire, la loi doit lui être appliquée pour servir de leçon à d’autres que l’époque des intouchables est révolue en RDC afin que celle-ci décolle. Si ces chefs d’accusation s’avèrent établis, alors Vital Kamerhe aura commis une bourde politique qui scelle tout le reste de sa carrière politique. Il a donné une opportunité en diamant de plusieurs milliers de carats aux pro-Félix Tshisekedi et à ses détracteurs de réaliser leur désir politique à  ses dépens. Ceux qui en voulaient à Daniel avaient fomenté contre lui une accusation artificielle qui, après tout, s’est révélée fausse. Mais le fait que les lions ne l’avaient pas dévoré l’avait lavé devant le roi babylonnien Darius. Va-t-il en être autant pour Vital Kamerhe ? Seul le temps nous en dira plus. Toujours est-il que cette condamnation de Vital Kamerhe augmente la côte de popularité de Félix Tshisekedi dans l’opinion, lui créditant de faire montre d’une volonté implaccable dans la lutte contre la corruption. Durant son discours sur l’état de la nation du 13 décembre 2019 par ailleurs, Félix Tshisekedi a déclaré : « Je suis au courant de la persistance des pratiques de la corruption et de l’existence des réseaux de prédation et de fraudes massives qui occasionnent des détournements et des manques à gagner au Trésor public. Tous ces réseaux seront démantélés….Je serai intraitable dans la lutte contre la corruption. C’est l’un des moyens de regagner la confience de notre peuple d’abord, et celle de nos partenaires ensuite. »

Samy BOSONGO

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