KABUND OUT, FÉLIX TSHISEKEDI SE RÉÉQUILIBRE (Décryptage)

Jean Marc Kabund ne reviendra plus au bureau de l’Assemblée nationale. Sa requête en inconstitutionnalité de sa destitution a été déclarée irrecevable par la Cour constitutionnelle. Ainsi prend fin une saga politico judiciaire qui tournait carrément à la confrontation interinstitutionnelle. Au-delà de la personne même de Kabund et de ses droits légitimes, on assistait, en fait, à un round de l’antagonisme au sein de la coalition FCC-CACH.

Cette saga a impliqué même le chef de l’Etat qui a dû se retrouver dans une position inconfortable entre son statut de garant de la nation et du bon fonctionnement des institutions, et celui de « la plus haute hiérarchie » (lisez autorité morale) de l’Udps. Félix Tshisekedi a dû, en effet, arbitrer un double combat entre sa faction politique à défendre et son rôle de garant de la nation face à l’escalade dans laquelle cette saga politico judiciaire entrainait déjà les institutions, y compris lui-même comme Président de la République.

Genèse de l’escalade

Tout part de la déchéance de Jean-Marc Kabund à la suite d’une motion de défiance introduite par le député MLC Jean-Jacques Mamba. Dans le camp de l’Udps, on subodore un cou fourré de l’allié FCC. La majorité des signataires de la pétition de Mamba sont, en effet, des députés FCC.

Si, dans un premier temps, Jean Marc Kabund s’incline et annonce partir la tête haute après avoir servi, entre autres, son « idéal de combat » et le « Président de la République », son parti se ravise vite. Au terme d’une consultation auprès de la « plus haute autorité du parti », son Secrétaire général, Augustin Kabuya, annonce que le parti ne représentera plus de candidat au bureau de la chambre basse, siège réservé à la coalition CACH. Dans la même déclaration, l’Udps encourage Jean Marc Kabund à poursuivre l’action judiciaire qu’il avait déjà engagée pour contester la régularité de son éviction.

Depuis lors, on observe une méga mobilisation autour de sa cause, aussi bien de la part de son parti (du moins l’aile qui lui est restée fidèle) que de certaines hautes personnalités de la présidence de la République et même de l’appareil judiciaire. L’étape du Conseil d’Etat et sa suite est symptomatique de ce coaching dont les acteurs ne sont plus à chercher.

Dans la même période, l’Udps a eu le temps de se raviser. Après une nouvelle consultation de sa « plus haute hiérarchie », Kabuya annonce la décision se représenter un nouveau candidat en remplacement de Kabund.

Assemblée nationale : la pression du dernier espoir

Choqués par le traitement qu’ils subissent par l’interdiction qui leur est faite de siéger, les députés, qui perdent un des leurs littéralement aux pieds des policiers, haussent le ton. Les déclarations fusent, mettant ouvertement en cause des mains noires derrière cette opération qui, aux yeux des députés, ne serait que la concrétisation des appels de ces derniers temps pour sa dissolution. Le décor est désormais planté pour une confrontation entre l’Assemblée nationale et le Conseil d’Etat ainsi que des soutiens de la présidence de la République (selon des sources bien informées) qui sont ouvertement accusés de cornaquer le soldat Kabund.

La situation est telle que Félix Tshisekedi, garant de la nation mais qui s’est vu démasquer derrière la cause de Kabund à travers les multiples sorties médiatiques de Kabuya, ne peut plus rester indifférent. Entre le 11 et le 12 juin, le chef de l’Etat initie des consultations aussi bien avec la présidente de l’Assemblée nationale que des hauts responsables de la magistrature pour calmer la situation.

Le vendredi 12 juin, Jeanine Mabunda, revenue de la cité de l’Union africaine, parvient, tant bien que mal, à calmer ses collègues et obtenir le renvoi de l’élection du nouveau premier vice-Président. A la grande désolation des députés qui le feront voir et savoir de la manière la plus vigoureuse à la plénière de mercredi 17 juin. Une plénière qui aura tout dit du peu d’aménité qui règne désormais entre les institutions.

Félix Tshisekedi tiré d’affaire…

C’est dans la soirée du même mercredi, alors que la tension est au paroxysme, que la Cour constitution rend son arrêt déclarant irrecevable la requête de Kabund. Au sein de l’opinion, certains observateurs ne sont pas dupes pour considérer qu’une fois de plus, la justice – la même Cour constitutionnelle – a dû rendre un arrêt politique pour sauver les meubles. Les dernières 48 heures et la colère des députés y auront été certainement pour beaucoup. Bref, il y a eu un rétropédalage quelque part.

Au moins les choses peuvent enfin revenir à la normale ou, tout au plus, la tempête s’est calmée. Félix Tshisekedi, qui avait deux fers au feu tout en étant assis entre deux chaises, aura su se tirer d’affaire et se rééquilibrer. D’un côté, il (à travers son parti) conserve le siège du bureau à l’Assemblée nationale, et de l’autre, il sauve sa garance d’une hypothèque qui allait créer un grave précédent d’un Président de la République juge et partie.

Quant à lui, le soldat Kabund se contentera des gradins, soumis désormais à la conduite du président de son groupe parlementaire. Une posture plutôt réductrice alors qu’au sein même de son parti, il fait l’objet de contestations. Une fronde renforcée très récemment par le ministère de l’Intérieur qui a déclaré l’illégalité de ses fonctions de président a.i. qui n’existent pas dans les statuts du parti tels que publiés au journal officiel.

L’Assemblée nationale, elle, devrait retrouver sa quiétude après avoir dit son fait, au cours d’une plénière à venir, au VPM de l’Intérieur, l’Udps Gilbert Kankonde. Les députés le désignent, en effet, comme l’auteur de cet ordre verbal qui avait levé la puissance publique contre une institution indépendante de la République.

Jonas Eugène Kota

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