ENSEIGNEMENT : GRATUITE  EFFECTIVE DANS LE DISCOURS !

Le lundi 5 septembre 2019 après l’inauguration de l’institut Mokengeli dans la commune de Lemba à Kinshasa, Le Président de la République, interrogé sur l’effectivité de la gratuité de l’enseignement primaire en ce jour de la rentrée scolaire, déclarait tout de go qu’il n’en savait rien. Avant de se raviser en disant espérer qu’elle irait crescendo au fil du temps. Signe prémonitoire ?

Au fil du temps, le Chef de l’Etat s’en faisait une conviction, au point d’en constituer un point central de son discours politique et diplomatique comme ces deux dernières semaines à l’étranger. A l’étranger d’où doit, cependant, venir des appuis financiers à la concrétisation de cette gratuité de l’enseignement primaire que, hier encore à Bukavu, Félix Tshisekedi a de nouveau proclamée comme étant effective.

Sur terrain, cependant, parents, enseignants et responsables des écoles sont témoins d’une réalité tout à fait contraire. Un mois et une semaine après la rentrée scolaire, la situation est largement aux antipodes du discours même si, il faut le reconnaître, le Gouvernement Ilunga s’escrime jusqu’au forceps pour asseoir une décision politique non planifiée ni programmée en amont. A Bukavu même où il est arrivé hier lundi, des parents et autres responsables en étaient arrivés jusqu’à empêcher la tenue de leurs messes aux églises catholiques au motif que les écoles conventionnées catholiques n’enseignaient pas malgré la gratuité de l’enseignement dite effective.

Au Lualaba, des élèves ont marché pour réclamer la paie des enseignants afin que ceux-ci reprennent les enseignements. A Kinshasa, plusieurs écoles, même ceux non conventionnées catholiques n’enseignent toujours pas. Et situation particulière, aux Lycées Tobongisa et Notre Dame qui fonctionnent dans les mêmes installations à Binza Ozone, les enseignants du secondaire ont fait la grève toute la semaine dernière, alors que ceux du primaire enseignaient. Les élèves se rendaient, certes, à l’école, mais ils étaient séquestrées dans les salles de classe auxquelles les enseignants, eux, n’accédaient pas.

 

Quand les parents craignent déjà une année blanche

Des exemples peuvent ainsi être multipliés sur l’ensemble du territoire national pour montrer combien la situation est aussi tendue que volatile. Au point que des parents et des élèves commencent à douter de la poursuite de l’année scolaire jusqu’à son terme.

Grâce à la perspicacité du Premier ministre Ilunga Ilunkamba, le Gouvernement a pu débloquer, le samedi dernier, 41.678.475.595 de FC représentant Usd 24,972 millions sur 25,495 millions Usd qu’il faut pour financer le premier palier additionnel des salaires des enseignants pour le mois de septembre 2019. Ce déblocage traduit le souhait du Gouvernement de prendre en charge 34.740 enseignants seulement sur un total de 132.614 non payés (soit seulement 26,1% de ce stock). Il est- également question de réajuster le salaire des 410.284 enseignants déjà alignés dans la pie. Et dire qu’il va falloir se livrer à la même gymnastique pour les mois d’octobre, novembre et décembre en attendant le budget 2020 dont le calibrage (7 milliards Usd) ne rassure pas quant à la capacité de mobiliser des ressources suffisantes pour financier cette gratuité de manière pérenne.

Le gouffre du gap demeure ainsi presqu’entier, tandis qu’il demeure encore la problématique des frais de fonctionnement des écoles qui est passé de 26 à 50 Usd. Un montant qui ne représente même pas un stock de craies d’une semaine pour une école de 20 salles de classe.

 

Lire également : ENSEIGNEMENT PRIMAIRE : LES ÉVIDENCES D’UNE GRATUITÉ IMPOSSIBLE  http://congovirtuel.org/enseignement-primaire-evidences-dune-gratuite-impossible/

 

Bref, la gratuité de l’enseignement primaire, qui est une obligation constitutionnelle, reste un souhait ardent de tous les partenaires à l’éducation, mais il importe de la prendre au sérieux pour que son instauration soit source de soulagement pour les parents et de réhabilitation morale pour les enseignants qui, pendant 27 ans, étaient pris en charge par leurs élèves à travers les parents. Aujourd’hui, qu’on ne se voile pas la face, cette gratuité, du moins tel qu’elle a été engagée, semble n’avoir satisfait que les calculs politiques de certains, tandis qu’elle en rajoute aux soucis des parents qui se demandent si cette année scolaire va aller jusqu’à son terme.

Félix Tshisekedi a la volonté et la détermination à bloc, certes, et c’est une base solide lorsque l’on veut aller loin. Cependant, entre une volonté et sa concrétisation, il y a bien une démarche à entreprendre et un schéma à suivre au-delà du discours. L’Etat devrait se rendre à cette évidence et, ainsi que le Gouvernement l’avait constaté, engager un dialogue aussi bien avec les responsables d’écoles, les enseignants et les parents pour, de commun accord, élaborer une feuille de route de concrétisation progressive de cette gratuité.

Sans quoi, on continuera à nager dans une démagogie suicidaire…

Jonas Eugène Kota

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