RDC : LES « MOUVEMENTS CITOYENS » EN QUESTION

Qui a tué Luc Nkulula ? La question est sur toutes les lèvres, dans les réseaux sociaux et les médias. La réponse aussi qui, elle, transparait dans la demande d’une enquête sur ce qui s’est passé dans cette nuit tragique du 9 au 10 juin 2018. Membre parmi les plus influents de la Lucha à Goma dans le Nord-Kivu, Luc Nkulula aurait été, selon ces insinuations, victime de la « répression » des combattants de la démocratie et de l’alternance.

Exit toute possibilité d’un incendie fatal comme il en court dans ce quartier de Himbi où des maisons – pour la plupart en bois – brûlent souvent, sans que l’on connaisse l’origine de ces incendies.

Mais aussi cette version qui écume les réseaux sociaux selon laquelle Luc Nkulula, 33 ans, licencié en droit de l’université de Goma, aurait péri dans un incendie qu’il aurait provoqué lui-même pour simuler sa décision de quitter Goma où ses relations avec d’autres membres de leur association n’étaient plus au beau fixe suite à des divergences sur le partage des fonds qui leurs sont régulièrement transférés de l’extérieur. La même version avance que Luc Nkulula aurait récemment acquis une voiture, qui a aussi été consumé par le feu, ce qui a dégradé davantage ses rapports avec ses collègues de lutte au sein de Lucha où des factions existent depuis un bon moment toujours autour du partage des pactoles reçus de l’extérieur.

Vrai ou faux ? Seule l’enquête demandée dira le fin mot de l’affaire. Surtout que cette province du Nord-Kivu est connue pour les nombreux règlements de compte entre partenaires. En attendant, ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui, des interrogations se font de plus en plus légitimes sur les contours de ces mouvements dits « citoyens ». D’où sont-ils nés, qui les a inspirés, pourquoi et dans quel but, etc. ?

Créés pour suppléer aux faiblesses des partis politiques

L’imaginaire courant retient seulement que ces mouvements ont apparu en RDC il y a quelque trois ans seulement à partir de l’Est du pays d’où étaient partis, dans les années 80, le mouvement associatif (principalement des agriculteurs) connus aujourd’hui comme des Ong. Lucha et Filimbi, principaux « mouvements citoyens » prennent de la visibilité à partir de leur contact avec les mouvements « Y’en a marre » du Sénégal et « Balai citoyen » du Burkina Faso qui aurait fait leurs preuves dans l’avancement de la démocratie dans leurs pays respectifs.

La question qui se pose encore est de savoir comment ces jeunes, pour la plupart sans emploi et, parfois, sans formation particulière, ont trouvé des moyens pour établir un réseau d’envergure progressivement nationale jusqu’à nouer des relations à l’étranger. Question d’autant plus intéressante que ces jeunes portent le discours et le combat politiques dont seuls les acteurs politiques seraient les bénéficiaires directs, alors que leur propre avenir – à eux les jeunes – parait sans visibilité.

L’apparition de ces mouvements des jeunes intervient également dans une période où les forces politiques et sociales attitrées peinent à s’affirmer au sein de l’opinion et se trouvent largement en perte de vitesse dans un environnement politique explosif. Dans la même période se trament des pans d’insurrection pour en finir avec un régime que l’on dit non déterminé à conduire le pays aux élections pour une alternance qui se lit comme le départ de Kabila. La jeunesse passe ainsi pour ce terreau de rêve pour le soulèvement populaire pouvant créer les conditions de cette insurrection au nom du premier alinéa de l’article 64 de la Constitution, ou selon l’interprétation que l’on en fait.

Face donc à l’incapacité des forces politiques et sociales de l’opposition et leurs plates-formes successives à mobiliser les foules, et au regard de l’inefficacité des soulèvements estudiantins tentés pendant un certain temps, il fallait donc se tourner vers cette masse des jeunes qui dominent la démographie. Dès lors, en plus du financement de certaines forces politiques internes (mais à partir de l’étranger), ces « mouvements citoyens » sont grassement pris en charge par des organisations comme le Centre carter à partir de sa direction de Nairobi au Kenya, la nébuleuse Open Society de George Sorros, la FIDH, l’Usaid et tant d’autres. Cette dernière agence américaine de développement avait, d’ailleurs, fait venir des membres de « Y’en a marre » et « Balai citoyen » pour des formations de ces jeunes au cours des réunions qui se tenaient à la Tshangu.

5 ans de « lutte » pour rien

Par ces moyens donc, ces jeunes activistes vont mieux organiser leurs réseaux et leur communication pour une meilleure visibilité de leurs activités. Ces jeunes désœuvrés vont aussi avoir les moyens de voyager à l’étranger pour se retrouver à Genval (Belgique), à Chantilly (France), aux Nations-Unies (New York), à l’Union Européenne (Belgique), etc.

Au bout du compte, à ce jour, certains d’entre eux se targuent d’un certain leadership basé essentiellement sur les différentes interpellations et arrestations dont ils font l’objet et pour lesquelles ils se confectionnent des étoffent de martyrs. La mission principale de soulèvement populaire est dévoyée, si elle n’a tout simplement pas échouée.

Aujourd’hui que le processus électoral se précise et que les forces politiques attitrées se mettent en ordre de bataille électorale, que vont devenir tous ces « mouvements citoyens » et leurs animateurs ? Près de cinq années auront ainsi été pris à cette jeunesse instrumentalisée sans leur offrir quelque perspective pour leur avenir. Ces jeunes auront ainsi porté le combat des autres sans en tirer profit, sinon quelques transferts d’argent pour leur subsistance ponctuelle.

PDM

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