« RÉTRO COMMISSIONS » : LES CONGOLAIS VEULENT SAVOIR

D’un détournement à une « affaire de rétro commissions », les Congolais sont plus que jamais sur la dent pour voir clair dans ce qui est advenu de leurs 15 millions de dollars pouvant aider, soit à la construction d’écoles ou de centres de santé, soit à la réfection ou la construction d’au moins 15 Km de routes pour fluidifier la circulation à Kinshasa, ou encore à la construction de bâtiments pour abriter les administrations judiciaires ou encore constituer un fond intermédiaire de crédit agricole, etc. Félix Tshisekedi leur a ouvert les yeux, et les Congolais veulent savoir !

Alors que la polémique tendait à se calmer à la suite de l’appel à la retenue du Procureur Général de la république près la Cour de cassation pour plus de sérénité dans ses enquêtes, l’affaire des 15 millions Usd de la décote sur les prix des produits pétroliers enflamme à nouveau les débats entre congolais, aussi bien dans les réseaux sociaux que les médias traditionnels et en ligne, au pays comme de l’étranger, à travers les émissions interactives. A la base, la dernière déclaration, à c e sujet, du Président de la République dans son dernier entretien accordé à Tv5 et le journal français Le Monde lors de son séjour en Belgique.

 

Identification et qualification de faits délictueux

Si, dans leurs commentaires et sans entrer dans le fond du dossier pour ne pas interférer dans les enquêtes judiciaires, les Congolais sont aujourd’hui à cran sur le sujet, c’est pour deux raisons. La première vient du fait que le chef de l’Etat, qui s’était astreint au devoir de réserve dès lors que l’affaire a été pris en charge par la justice – selon un tweet de son porte-parole daté d’il y a une dizaine de jours -, s’est délié de se devoir – qu’il s’est personnellement imposé et qu’impose toute procédure judiciaire – pour se prononcer sur l’affaire dans l’interview ci-haut évoquée.

La seconde c’est qu’en s’exprimant sur le sujet, le Président de la République semble être allé loin, d’une part en livrant des informations sur une enquête judiciaire (« selon mes informations », a-t-il dit) et, d’autre part en qualifiant carrément des faits contenus dans « ses » informations (pas détournement mais « affaire de rétro commissions », a-t-il dit) qui font l’objet d’une enquête judiciaire. En effet, selon la retranscription du journal Le Monde, qui diffère à plusieurs égards des propos diffusés par TV5 Monde, le Président Félix Tshisekedi a déclaré ce qui suit à la question de savoir où se trouvait cet argent (les 15 millions Usd) : « Selon mes informations, il s’agit non pas d’un détournement de fonds, mais d’une affaire de rétro commissions. Nous sommes certains que ce n’est pas de l’argent volé au Trésor ».

 

Rétro commission, alias corruption (?) : remember affaire Karashi en France

Des juristes se voulant le plus objectifs possible ne vont pas par quatre chemins pour estimer que cette affirmation devient capitale dans la quête d’informations sur ce qu’il est advenu des 15 millions de dollars entre la thèse du « détournement » avancée jusque-là par les Congolais dans leurs débats et celle des « rétro commissions » que vient de soulever le chef de l’Etat, même si, dans le fond, les deux faits sont délictueux et intimement voisins avec l’autre fait de « corruption » qui leur est sous-jacent. En effet, la définition la plus courante signale qu’une rétro commission « est le fait illégal pour un vendeur de verser une commission plus importante que demandée à un intermédiaire pour récupérer ensuite, de façon occulte, la partie de la somme superflue après la transaction initiale ».

La vérité est que cette pratique des rétro commissions, vieilles comme les affaires à travers le monde, n’est rien de moins qu’une corruption des huiles institutionnelles, loin des transactions commerciales. Et ceci est d’autant plus patent dans l’affaire du fruit de la décote sur les prix des produits pétroliers qu’il ne s’agissait nullement d’une transaction commerciale, mais d’un surplus sur un paiement par l’Etat, surplus qui devait être reversée au trésor public. Ceci rappelle l’affaire Karashi en France se rapportant à un marché de vente d’armes qui aurait rapporté des rétro commissions qui auraient financé la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995. L’arrêt de paiement de ce marché aurait été à la base de l’assassinat de citoyens français à Karashi (Pakistan) en 2002.

Pour revenir en RDC, si des gens estimaient devoir percevoir des commissions sur des facilités qu’ils auraient apportées, c’est auprès des pétroliers qu’ils pouvaient les réclamer sur les 85 millions de paiement qui leur ont été versés, mais, en tous cas, pas sur les deniers publics qui appartiennent à tous les Congolais, estiment des observateurs. Or, si l’on en croit cette nouvelle thèse de rétro commissions, cela voudrait tout simplement dire que des « agents » au sommet de l’Etat auraient donné une autre destination à ce pactole que celle des caisses de l’Etat. Et même dans le cas, peu probable, de rétro commissions au profit de ces agents, ceux-ci tomberaient dans le cas, soit d’une corruption, soit d’un conflit d’intérêt, soit encore d’un délit d’initié puisqu’ils se seraient servi de leurs positions dans les institutions pour casser le sucre sur le dos du contribuable.

 

Le visage de Usd 15 millions pour les attentes des Congolais

Il est donc clair que les enquêtes du PGR devront se poursuivre pour tirer au clair cette affaire qui ne cesse de choquer les consciences. Car, au-delà des actes des uns et des autres, 15 millions Usd représentent des moyens importants pour faire face à des besoins les plus urgents du pays et soulager un tant soit peu les souffrances de la population.

En effet, selon les spécialistes en développement, 15 millions Usd c’est, par exemple, au moins 100 écoles en dur pour 50.000 élèves ou le double en préfabriqué pour 100.000 élèves. 15 millions Usd, c’est aussi au moins 100 centres de santé de capacité (performance) intermédiaire dans nos campagnes. C’est également une cinquantaine de mini-barrages hydroliennes sur nos rivières pour au moins 50.000 ménages à travers le pays ; ou encore l’équipement d’une centaine d’administrations judiciaires en installations dans l’arrière-pays.

Et surtout, 15 millions Usd, c’est un début de fond de garantie pour des crédits agricoles au profit des producteurs intermédiaires pour faire face à la famine, par exemple dans le Katanga en proie à des crises récurrentes de maïs.

Bref, autant d’applications d’intérêt socioéconomique qui justifient le chagrin des Congolais et leur soif de savoir ce qu’il est advenu de leurs 15 millions Usd.

Jonas Eugène Kota

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