LE KONGO CENTRAL, LES SEXTAPES, LES ATTENTATS ET ATOU MATUBUANA

La province du Kongo Central continue de s’enfoncer dans l’abîme des antivaleurs. La sextape gouvernorale à l’origine de la déchéance morale d’une province à la culture policée semble avoir engagé cette province dans la malédiction. Comme les diamants du même acabit, le pouvoir a enivré et aveuglé à ce point son détenteur déjà illégal et illégitime que tout semble désormais versé dans le domaine du possible, fût-il par la violation allègre du pouvoir. Depuis, et même bien avant, la province vit au rythme des sextapes, des attentats et même du hooliganisme.

Le tout dans une indifférence active de ceux qui, à Kinshasa, sont censés arrêter tous les excès au nom de la morale et des valeurs républicaines. Et d’un bout à l’autre des événements, un personnage central revient en la personne de Atou Matubuana, gouverneur dont la déchéance par l’Assemblée provinciale vient d’être confirmée récemment par un arrêt de la Cour constitutionnelle.

Les attentats et la désacralisation de l’Abako

La semaine en cours s’est ouverte sur une grave atteinte à l’intégrité du Président de la l’Assemblée province, patron de cette même institution qui avait élu le même Atou Matubuana pour présider aux destinées des ne Kongo. L’opération est menée par un groupe de jeunes arborant des T-shirts portant la mention « beto na beto » (« entre nous », en kikongo). Sur la place de Matadi, ils sont vite identifiés comme faisant partie des équipes de répression du gouverneur déchu.

La cible de Matusila n’est pas fortuite. Président de l’Assemblée provinciale, c’est lui qui a saisi la Cour constitutionnelle dont l’arrêt a confirmé la déchéance de Matubuana. Du coup, il devient l’homme à abattre, mais a la vie sauve non seulement par son absence de sa résidence, mais aussi grâce à une intervention des jeunes du quartier. A défaut d’avoir réalisé leur coup, les assaillants déchirent les effigies du Dr Matusila placardées sur les murs de l’avenue.

Non satisfaits de ce bilan, les « beto na beto » vont revenir le lundi 22 juin, cette fois-ci dans la journée. Devant le public et les regards impuissants (complices ?) des policiers arrivés sur place, ils déchirent les restes des effigies et même les drapeaux et autres insignes de l’Abako dont Matusila est le président. Leur objectif est de progresser pour aller saccager le centre d’imagerie médicale du Dr Matusila. Dans la même journée, l’un des assaillants, Michel Roger Nseka Nlombi alias G-8 (connu sur la place de Matadi pour ses coups les plus sombres dans la drogue et le faux monnayage), passe dans les médias pour revendiquer officiellement ce coup et annoncer leur désolidarisation des valeurs de l’Abako et de tous les « ba mbuta » (les sages) qui s’y rattachent.

Sacrilège suprême ! L’Abako représente l’identité culturelle et politique Ne Kongo depuis les luttes pour l’émancipation jusqu’à l’indépendance du Congo. Il incarne les grandes figures politiques et culturelles de cette province, à commencer par Joseph Kasa-Vubu, son fondateur en 1950 et premier Président du Congo indépendant. S’en prendre à l’Abako c’est donc fouler au pied toute cette histoire, c’est aussi faire insulte à tous les martyrs politiques et culturels de l‘indépendance de la RDC et de la protection de l’identité culturelle Ne Kongo. Bref, c’est à ça qu’Atou Matubuana a embarqué cette innocente jeunesse au nom de la protection d’un pouvoir qu’il a déjà perdu.

Après la sextape, Matusila avait échappé à un attentat au jardin botanique

L’équipée de Matubuana contre l’intégrité de Matusila n’en est pas là à son premier coup. Le Président de l’Assemblée provinciale du Kongo central avait déjà fait l’objet d’une tentative ouverte de meurtre au jardin botanique de Kisantu. Le « commando » est coaché par le même avoué de Matubuana, aujourd’hui député provincial de Kisantu. Anatole Matusila sera sauvé in extremis grâce à la vigilance de quelques personnes présentes.

Pourquoi Matubuana aurait-il voulu se débarrasser du Président de la même assemblée qui l’avait pourtant élu quelques mois plus tôt ? La scène se passe en septembre 2019, près d’un mois après le scandale de la sextape mettant en scène le vice-Gouverneur Justin Luemba et une assistante de son titulaire. Très vite, tout Matadi et même Kinshasa se rend à l’évidence que le coup est du même titulaire.

 A l’époque, en effet, Atou Matubuana, confirmé Gouverneur en avril de la même année après la mort de son titulaire jacques Mbadu, s’emploie à s’aménager des espaces pour asseoir son pouvoir sur toute la province, y compris ses institutions à tous les niveaux. Des intrigues inter-districts l’amènent à disqualifier son colistier, mais il oublie que, ce faisant, il se tire une balle dans le pied. On en revient pas sur le tripatouillage vécu entre Matadi et Kinshasa jusqu’à ce que les députés provinciaux, qui réclamaient de déchoir Matubuana et son adjoint, tournent casaque pour rejeter la réquisition du procureur général près la Cour de cassation qui solliciter l’autorisation de poursuivre le couple gouvernoral. On ne revient pas, non plus, sur la réhabilitation de ce couple par le bvice-Premier ministre en charge de l’Intérieur sans en référer ni au Premier ministre ni au chef de l’Etat.

Le boosting de Kinshasa et la résistance décisive de Matadi

On retient simplement que c’est un Matubuana plus que virulent qui regagne alors Matadi où il s’emploie désormais à régler ses comptes avec tous ceux qui lui ont fait des misères ou qui lui font ombrage.

Il ne reste pas moins que le scandale de la sextape gouvernorale amène l’Assemblée provinciale à durcir le ton pour accélérer le processus de sa déchéance. La suite est connue. La plénière qui doit statuer est perturbée avec une bagarre délibérément provoquée par un député avoué de Matubuana qui est présent dans la salle. Stratégie ultime pour faire avorter l’opération.

La veille au soir, en effet, une ministre provinciale démissionne avec l’intention, le matin venu, d’aller récupérer son siège laissé à son suppléant pour pouvoir apporter une voix supplémentaire à Matubuana. C’est lorsque le coup échoue que, devant Matubuana, des députés se déshabillent pour engager la bagarre. Les députés vont, tout de même, aller se réunir à l’hôtel Bilolo pour voter la déchéance de Matubuana.

Jonas Eugène Kota

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