Injonctions politiques sur la justice : Matata Ponyo recadre Rose Mutombo

Le Sénateur Augustin Matata Ponyo vient de saisir la Ministre d’Etat en charge de la Justice, Rose Matata Kiese, pour protester contre ses ingérences politiques dans son dossier judiciaire transmis irrégulièrement à la Cour de cassation par le Procureur Général près la Cour constitutionnelle. Sans sa lettre N°NR500/OMK184/DA/CAB/ME/MIN/J&GS/2022 du 09 mars 2022, en effet, la Garde des sceaux instruisait le Procureur Général près la Cour de Cassation de traiter avec diligence le dossier concernant l’ancien Premier ministre relatif à son procès sur les présumés détournements des fonds du parc agroindustriel de Bukanga Lonzo.

Une démarche que Matata Ponyo dénonce comme étant une injonction purement politique dans son dossier dont le procès a pourtant été régulièrement clos à la Cour constitutionnelle dont le greffe doit signifier l’arrêt au prévenu. « Votre démarche s’écarte fondamentalement de l’esprit et de la lettre des dispositions de l’article 15 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée par la Loi organique n°15/014 du 1er août 2015 ainsi que l’article 36 de la Loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de Cassation », écrit Matata en entame.

Petites leçons de droit

Et de démontrer : « Le législateur a circonscrit et encadré le pouvoir d’injonction du Ministre de la Justice sur le Parquet de telle sorte que, lorsque l’injonction est faite par le Ministre de la Justice sans que la question ne soit préalablement traitée au niveau du Conseil des Ministres, celle-ci s’assimile à un excès, voire à un abus de pouvoir, mieux un abus d’autorité ». Ensuite : « S’agissant de l’injonction faite au Parquet Général près la Cour de Cassation, l’article 36 de la Loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de Cassation trace la ligne directrice de l’exercice du pouvoir d’injonction pour les dossiers qui nécessitent l’intervention gouvernementale et surtout sur lesquels la justice n’est pas encore saisie. Ce qui n’est pas le cas dans le dossier qui me concerne où il y a déjà même une décision de justice rendue en premier et dernier ressort par du 15 novembre 2021 ».

Fort de son expérience d’ancien Premier ministre, l’Honorable Matata Ponyo conclue que « le pouvoir d’injonction ne peut servir des béquilles à un ministre de la Justice pour voiler son ingérence sur les dossiers judiciaires conformément à l’article 151 alinéa 1 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 ». Cet article dispose que « le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice ».

Et de trancher, sans appel : « Il s’ensuit que, pour un dossier dont l’instruction serait suffisamment avancée selon vous et pour lequel la Cour constitutionnelle a été saisie régulièrement par le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle et a même rendu sa décision depuis le 15 novembre 2021, votre lettre traduit l’ingérence voilée dans un dossier en instruction devant les instances judiciaires. En plus, vous vous êtes écartée de la compétence vous reconnue par les dispositions légales susmentionnées et cette attitude pourrait s’assimiler, à ne point douter, à un intérêt quelconque que vous auriez dans mon dossier ». Matata ponyo s’étonne, par ailleurs, qu’au lieu « d’instruire le Procureur Général près le Cour constitutionnelle de lever les mesures irrégulières par lui prises contre moi, vous préférez aggraver la violation de mes droits et libertés garantis par la Constitution et les lois de la République ».

Un silence complice ?

Le Sénateur Matata lui rappelle qu’elle est « restée silencieuse à toutes les lettres que j’ai écrites aux Procureurs près la Cour constitutionnelle et Cour de Cassation, dont copies vous ont été réservées, faisant état des violations flagrantes de la Constitution, des lois et autres règlements du pays par le Parquet près la Cour constitutionnelle en rapport avec mon dossier ».

L’ancien Premier Ministre demeure à l’écoute et espère que toutes ces observations permettront à la Garde des sceaux de revenir sur les compétences lui reconnues par la Constitution et les lois de la République.

JEK

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