DÉTOURNEMENTS AU GOUVERNEMENT : LES PRÉCISIONS OMISES PAR KAPIAMBA

RFI a fait état, ce lundi matin, de présomptions de détournement des deniers publics dont se serait rendu coupable l’actuel gouvernement au profit de certains de ses anciens membres. Selon Georges Kapiamba de l’Ong ACAJ qui a fait cette « dénonciation », certains anciens ministres du gouvernement Tshibala sortant auraient bénéficié indûment de certains émoluments et de dons en véhicules. Des avantages qui, selon Kapiamba, seraient constitutifs des délits de corruption et de détournement au détriment du Trésor public.

Vérification faite, cependant, il nous revient que ces prétendus détournements ne sont que des avantages destinés aux anciens membres du Gouvernement (à partir de l’équipe Tshibala) au sortir de leurs fonctions, ceci conformément au décret dit « décret Tshibala » qui avait fait couler l’encre et la salive au mois de février 2019.

En son temps, et comme l’avait indiqué congovirtuel.org, l’opinion dominante soutenait que ce décret octroie à ces anciens membres du Gouvernement des avantages jugés indus, surtout au regard de ceux qu’ils sont censés avoir amassé durant leur mandat. Des avantages qui, toujours selon cette opinion, viendraient alourdir les dépenses de l’Etat (soit plus ou moins 28 millions Usd annuellement), alors que ce pactole peut servir à améliorer quelque peu le social de la population.

L’opinion dominante estimait donc que ce décret devrait être rapporté pour apaiser les esprits.

 

Genèse et logique du « décret Tshibala » après la « loi Mutinga »

Du côté du Gouvernement, l’on faisait savoir que cette opinion se basaient sur des réactions sentimentales liées à l’attitude des uns et des autres envers le Gouvernement Tshibala que d’aucuns estimaient n’avoir pas servi le social de la population. Les données disponibles à ce jour indiquent, cependant, que cette initiative de décret n’est pas le fait spontané ou isolé du Premier ministre Bruno Tshibala ni de son Gouvernement, mais la résultante ou, mieux, une mesure d’application de la loi dite « loi Mutinga » instituant des droits et avantages en faveur des anciens Présidents de la République, Premiers ministres et membres du corps constitué.

En effet, la « loi Mutinga » comporte une disposition prévoyant que celle-ci entre en exécution dans les trois mois après sa promulgation, le temps que soient prises des mesures d’application. Promulguée le 24 novembre 2018 et publiée au journal officiel le 15 décembre de la même année, cette loi a donc fait l’objet d’un examen au cours de trois conseils des Ministres présidés par le Chef de l’Etat d’alors avant que le Premier ministre Bruno Tshibala ne signe son décret.

Selon des explications obtenues des sources gouvernementales, les délibérations lors de ces trois conseils des Ministres se basaient sur le principe d’équité. En effet, il a, par exemple, été relevé la contradiction dans le fait qu’un ancien Administrateur de l’ANR faisant partie des corps constitués ou un ancien DG de la DGM bénéficieront des avantages au titre de la « loi Mutinga », alors que leur Ministre de tutelle à l’Intérieur devait être renvoyé aux oubliettes au sortir de ses fonctions.

Il semblait donc logique de trouver un mécanisme, à travers le « décret Tshibala », pour corriger cette forme d’injustice, mais avec des garde-fous pour éviter que cette correction ne fasse plonger le Trésor public dans des dépenses faramineuses. C’est ainsi que ledit décret comporte deux dispositions, l’une bloquant toute rétroaction et l’autre excluant de ces avantages tout bénéficiaire qui, après le Gouvernement, accède à d’autres fonctions publiques rémunérées par le Trésor public. Ceci suivant le principe selon lequel une même personne ne peut pas être rémunérée deux fois par le Trésor public.

Le Gouvernement Tshibala sortant comportant 59 membres dont une trentaine ont été élus députés ou sénateurs et sont donc exclus de la jouissance des droits prévus par le « décret Tshibala », ce qui ramène donc les bénéficiaires présents à moins de 30 personnes. Quant aux futurs anciens membres du Gouvernement, il est dit que cette disposition d’exclusion éventuelle et des cas de décès pourront permettre de maintenir les bénéficiaires et les dépenses dans des proportions acceptables.

 

Le « décret Tshibala » dans l’architecture congolaise de la sécurité sociale

Pour le reste, le « décret Tshibala », indique-t-on, vient s’ajouter au dispositif institutionnel organisant la sécurité sociale en République démocratique du Congo. Cet arsenal est, en effet, composé, d’abord, de la Caisse nationale de sécurité sociale des agents de service publique (CNSSAP) dont le siège se trouve sur l’avenue des Huileries. En plus du fonds de départ versé par le Gouvernement, cette caisse est alimentée par une quotité prélevée sur le salaire de chaque fonctionnaire en perspective de sa retraite.

Côté privé, la sécurité sociale des agents est organisée au sein de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS, ex-INSS) qui fonctionne avec les cotisations des travailleurs en cours d’emploi.

Le parlementaire congolais n’est pas en reste. Leur sécurité sociale est organisée au sein du Service de sécurité sociale pour les parlementaires (SESOPA). Créé en 1960, ce service avait cessé de fonctionner jusqu’à sa réhabilitation en 1988 puis renforcé en 2012 avec la loi n° 12/006 du 4 octobre 2012 modifiant et complétant la Loi n° 88/022 du 29 janvier 1988 portant régime spécial de sécurité sociale pour les parlementaires. Ce service est alimenté par le prélèvement d’une cote-part sur les émoluments des parlementaires.

Cependant, sur le volet de la pension des parlementaires, n’y a droit que celui qui remplit les trois principales conditions suivantes : être en règle de cotisation; avoir atteint l’âge de 55 ans et justifier d’une période minimale d’assurance fixée par la voie réglementaire; avoir cessé l’exercice du mandat parlementaire.

En août 2002, une loi avait été prise portant pension spéciale et rente de survie aux veuves et enfants des Présidents de la Républiques décédés. Et en 2013, une autre ordonnance présidentielle sera signée, portant avantages et droits des anciens Premiers ministres vivants. Le dernier élu dans cette catégorie est Bruno Tshibala après Samy Badibanga et Matata Ponyo.

Jonas Eugène Kota

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