AFFAIRE KABUND : COMMENT LE CONSEIL D’ÉTAT A SOUILLÉ LA RÉPUBLIQUE

L’Assemblée nationale a-t-elle violé la Constitution (article 151) en s’opposant à l’exécution d’un arrêt de justice ? C’est, en tout cas, ce que retient une certaine opinion du bras de fer observé hier vendredi entre la chambre basse du Parlement et le Conseil d’Etat dont le Procureur général a déployé des policiers au Palais du peuple pour interdire la tenue de la plénière de l’Assemblée nationale. Le Procureur général a donc voulu faire exécuter l’arrêt intervenu la veille ordonnant la surséance de cette plénière qui devait élire le nouveau premier vice-Président de l’Assemblée nationale.

Quant à savoir si, en s’y opposant, la chambre basse a fait offense à la justice en résistant contre l’exécution d’un arrêt, les observateurs lucides estiment qu’il s’agit là d’une fraude intellectuelle procédant par l’isolement d’un fait de son contexte général de compréhension. Et ce contexte situe, à l’origine, la violation de la Constitution dans le chef du juge de référé du Conseil d’Etat. Celui-ci est, en effet, allé au-delà des compétences de cette cour administrative en statuant sur un acte d’assemblée. Ce faisant, il a aussi violé le principe de séparation des pouvoirs. En sorte que, tout à fait logiquement et en toute légitimité, l’Assemblée nationale, organe législatif, se trouvait en devoir de ne pas se faire le complice d’une telle violation en s’inclinant devant un arrêt inique à tous points de vue. Avec raison, dès lors que la même constitution donne le droit à tout citoyen et aux institutions de s’opposer à tout ordre illégal. Et le déroulé des faits le démontre clairement.

Aux origines de la violation de la constitution

Jeudi 4 juin 2029, la Présidente de l’Assemblée nationale publie un calendrier de l’élection du nouveau premier vice-président de la chambre basse. Les activités doivent culminer le vendredi 12 juin avec l’élection proprement dite.

Au soir du 9 juin, l’unique candidate, l’Udps Patricia Nseya, mène tranquillement sa campagne lorsque le bureau est informé d’un dossier ouvert au Conseil d’Etat contre l’élection projetée. Le requérant, Jean Marc Kabund, a, en effet, introduit une requête en surséance de cette élection. Il évoque l’existence d’un autre dossier en cours à la Cour constitutionnelle qu’il a saisie pour se plaindre des irrégularités dont aurait été entachée sa déchéance.

Surpris par la démarche du Conseil d’Etat tendant à empiéter sur son indépendance, le bureau décide quand même de dépêcher ses avocats à l’audience prévue exactement le lendemain, soit le mercredi 10 juin. Le jour J, ceux-ci se rendent compte qu’il ne s’agit pas d’un canular et que le juge de référé est très sérieux.

La défense lui fait remarquer qu’il est en train de vouloir traiter d’un acte d’assemblée qui ne relève pas de la compétence du Conseil d’Etat qui est une juridiction strictement administrative. Elle l’informe aussi qu’elle au courant de l’existence, dans ses fardes (celles du juge), d’un arrêt déjà prêt en faveur de Kabund. Le juge reste impassible. La défense sollicite ensuite une remise pour pouvoir pénétrer les pièces du dossier, mais le juge se montre tout aussi intransigeant et manifeste même un début d’énervement.

Quand le juge agit en catimini

L’audience se déroule alors avec ces prémices d’irrégularités et d’inconstitutionnalité jusqu’en début de soirée lorsque le juge de référé prend l’affaire en délibéré. Il demande aux parties de lui déposer leurs notes de plaidoirie le jeudi 11 juin dans l’avant-midi pour lui permette de rendre son arrêt.

Alors que chacun hume tranquillement la fraîcheur vespérale, on est surpris d’apprendre que le juge de référé vient de rendre son arrêt. Que s’est-il passé ? Nul ne sait. L’on apprend simplement qu’autour de 21 heures, le juge en charge du dossier a rappelé les membres de la composition et le personnel administratif nécessaire pour la besogne. Des journalistes, arrivés sur le lieu à cette heure tardive dans une commune de la Gombe confinée, ont, pour leur part, été appelés par les collaborateurs de Jean Marc Kabund.

Ce dernier, comme l’a révélé plus tard le deuxième vice-président de l’Assemblée nationale, avait eu le temps d’élire domicile au Conseil d’Etat pour agir en complicité avec le juge en charge de son dossier.  Quant à la défense, qui est en train de travailler sur la note de plaidoirie, elle est informée de l’arrêt par voie de presse.

La boucle est ainsi bouclée. L’opinion assiste, médusée, à un scandale juridico institutionnelle : une juridiction administrative vient de statuer sur des actes d’assemblée et fait injonction à une institution indépendance. En français facile, le Conseil d’Etat, qui a, dès le départ, violé la constitution en traitant d’une matière ne relevant pas de sa compétence, vient de violer gravement le sacro saint principe de séparation des pouvoirs.

Les forces de l’ordre pour exécuter un acte anticonstitutionnel

Mais le Conseil d’Etat ne s’arrête pas là. Le temps de la surprise passée, l’Assemblée nationale se ressaisit et décide de passer outre un arrêt de justice manifestement anticonstitutionnelle. Jeudi 11 juin, le rapporteur publie un communiqué invitant les députés à la plénière du vendredi 12 juin pour procéder à l’élection du nouveau premier vice-président de l’Assemblée nationale.

Au jour J, les députés qui arrivent au Palais du peuple se voient empêchés d’y accéder par une horde de policiers qui ont ceinturé le siège du Parlement. La veille, en effet, le Procureur général près le Conseil d’Etat avait requis les forces de l’ordre pour faire exécuter l’arrêt rocambolesque. Bref, il s’agissait d’empêcher la tenue de la plénière.

Au bout du compte, et après une entrevue avec le chef de l’Etat, la Présidente de l’Assemblée nationale convainc ses collègue de reporter la plénière « afin de ne pas céder à la provocation » et ne pas légitimer les accusations de rébellion de la chambre basse contre les autres institutions. D’un bout à l’autre donc, l’on constatera que malgré la démarche cavalière et illégale du Conseil d’Etat, l’Assemblée nationale s’est montrée prudente, d’une part, en allant se défendre à une audience de justice traitant illégalement d’une matière ne relevant pas de sa compétence ; et, d’autre part, en reportant sa plénière. Au moins a-t-elle eu le temps de dénoncer l’illégalité flagrante dont elle a été victime dans cette démarche foncièrement politique dont l’origine est bien connue.

Nous y reviendrons prochainement.

Jonas Eugène Kota

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