KAMERHE EN DISGRÂCE, FATSHI PERD LE CONTRÔLE DE SON DESTIN (Décryptage)

Contrairement à l’impression que donne le tableau général, la descente aux enfers de Vital Kamerhe contraint son (ex ?) allié Félix Tshisekedi a une profonde reconsidération de ses calculs politiques pour 2023 car cette affaire judiciaire va l’affecter plus que lui profiter comme le croient ses supporteurs.

De l’histoire des alliances politiques au Congo postindépendance, la coalition CACH aura le plus fait long feu. A peine 13 mois après leur prise de pouvoir, Félix Tshisekedi (Udps) et Vital Kamerhe (Unc) prennent déjà des chemins différents. Plus rien ne sera comme avant, en effet, avec l’affaire de la mise en détention provisoire de ce dernier pour la gestion qu’il assurée du programme des 100 jours du premier.

Le dossier est judiciaire comme on le sait officiellement, mais sa lecture, dans le landerneau politique congolais, est foncièrement politique, à commencer par les partenaires eux-mêmes. Et l’entretien que le Président de la République a eu avec le parti politique de son Dircab alors que son MAP (mandat d’arrêt provisoire) n’était pas encore signé, en dit long. Surtout lorsqu’on se rend compte que cette rencontre n’a rien changé au discours dans les rangs de l’Unc où la conviction est à un coup bas de Félix Tshisekedi contre son allié Kamerhe.

La polémique ira encore bon train dans cette affaire judiciaire aux contours politiques, surtout quand les cadres et militants de l’Unc apprennent que leur champion avait déjà quitté le bureau du Procureur général près le parquet de Kinshasa/Matete lorsqu’il s’est vu rappeler pour être ensuite signifié de sa mise aux arrêts. Et même si, selon certaines sources qui restent à recouper, Félix Tshisekedi aurait, le même mercredi soir, rendu visite à son Dircab-allié dans sa cellule.

Plus rien ne sera comme avant, donc ; et avancer cette formule si tôt est symptomatique de l’état d’esprit qui a prévalu en ce laps de temps aussi bien dans les alliances que dans les perspectives dominantes au sein de la coalition CACH, détentrice du pouvoir présidentiel. En effet, le nerf de la guerre qu’est le programme de 100 jours, loin d’être une solution aux problèmes des Congolais, était, dans l’esprit de ses concepteurs,  un ticket destiné à être vendu en 2023 pour un nouveau bail. Idem pour le décret de la gratuité totale de l’enseignement de base.

Dans le camp de CACH, on avait bien conscience de ne pas avoir le contrôle de l’exécutif au regard du score législatif du FCC. Il fallait alors faire vite pour avoir « quelque chose » à présenter au moment du bilan, surtout qu’au moment où se font ces calculs, la coalition avec le FCC n’est pas encore effective et qu’il est alors entendu que c’est le camp kabiliste qui va gérer le pays au quotidien.

Pendant neuf mois, tout va alors être fait, jusqu’à centraliser la gestion gouvernementale et l’ordonnancement des finances publiques au niveau de la présidence de la République jusqu’à l’entrée en fonction du nouveau gouvernement en septembre 2020 et même au-delà encore, à certains égards.

Dans un tel état d’esprit tourné, non pas sur le besoin de transformation sociale mais sur des perspectives politiques, on peut bien comprendre que les calculs politiques se portaient mêmes sur les partenaires du moment. Ceci peut se dire même pour la coalition FCC-CACH qui, aux yeux des observateurs avertis, est assise sur une fontaine d’hypocrisie de ceux qui calculent déjà 2023.

Pour autant, qui, sur la scène politique congolaise aujourd’hui, peut prétendre avoir le contrôle de son destin pour 2023 ? Au sein de la coalition CACH d’abord, les déboires judiciaires de Vital Kamerhe vont définitivement affecter ses chances, et cela à plusieurs points de vue.

D’abord par rapport à cette affaire de détournement de fonds qui ternit son image au sein de l’opinion. A moins que le dossier ne connaisse le sort généralement connu avec la justice congolaise, ce n’est, en effet, pas demain la veille qu’il prendra fin et il faut donc s’attendre à ce que Kamerhe demeure à la disposition de la justice, excluant toute possibilité, pour lui, de retourner aux affaires.

Ensuite, l’instabilité qui va s’installer dans les rangs de son parti et ses alliés. Comme de coutume avec la politique congolaise, les sociétaires de l’UNC vont être l’objet de plusieurs sollicitations visant à affaiblir autant que possible Vital Kamerhe. Des sollicitations qu’il faut surtout attendre de l’allié Udps, mais également du côté notamment de Moïse Katumbi. A ne pas oublier non plus les défections auxquelles il faudra s’attendre, voire même une éventuelle scission du parti sous les influences extérieures.

Pour autant, l’allié Udps et Félix Tshisekedi ne sont pas logés à meilleure enseigne et ne devraient, par conséquent, pas croire pouvoir tirer les meilleurs marrons de cette affaire qui va, à coup sûr, les éclabousser. On n’oublie pas, en effet, que Kamerhe a été Dircab de Fatshi et que, même si la justice ne va pas jusqu’à établir une complicité entre les deux pour ce qui est reproché au premier, l’opinion congolaise s’en est déjà fait une conviction qui va, à coup sûr, affecter les attitudes et les comportements.

Par ailleurs, cette affaire tombe au moment où l’Udps traverse des moments de contradiction qui l’affaiblissent profondément. Une situation soulignée encore par les tiraillements larvés entre les anciens du parti et les amis du chef de l’Etat qui n’en sont pas tous membres. Des clivages qui vont demander bien d’efforts et du temps pour arrondir les angles et renforcer le cheval en perspective de la bataille électorale qui, ici, hante les esprits.

Cette perspective pourrait surtout se ressentir auprès des alliés occidentaux si tatillons en matière de corruption et autres antivaleurs connexes. C’est ici, en effet, qu’il faut s’attendre à une profonde reconsidération du capital crédit qui a été accordé au nouveau régime sur base de sa volonté qui, à ce jour, n’est guère allée au-delà des discours pour être plutôt battue en brèche par des pratiques contraires.

Plus encore, l’Occident tient, en défaveur du camp Fatshi, d’autres cartes dans le macrocosme politique congolais à l’instar de Moïse Katumbi qui pourrait être certainement le premier et plus grand bénéficiaire de cette déconvenue judiciaire qui jette l’anathème sur l’« allié objectif » qu’était Félix Tshisekedi jusque-là.

JEK

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