FONDS DE SOLIDARITÉ ANTI COVID-19 : CES IRRÉGULARITÉS QUI INQUIÈTENT

Appelé de tous leurs vœux par les Congolais et annoncé par le chef de l’Etat dans son message à la nation du 24 mars 2020, le Fonds national de solidarité contre le Covid-19 (FNSCC) prend corps. Le Président de la République en a signé, le 6 avril, l’ordonnance portant création, attribution des missions et fonctionnement. Mais la création de cette structure charrie des entorses procédurières et des irrégularités qui inquiètent les observateurs.

La structure a pour mission principale de rechercher et collecter des moyens financiers destinés à servir sous forme d’aide, assistance ou soutien aux personnes physiques ou morales, personnels médicaux soignants, services médicaux ou hospitaliers. Au-delà de l’action sanitaire directe contre le covid-19, le Fonds vise aussi à appuyer des entreprises et d’autres activités économiques particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du COVID-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation.

Un compte bancaire va être ouvert auprès d’une banque de la place pour collecter les contributions provenant, à titre volontaire, aussi bien de l’Etat que des provinces et entités territoriales décentralisées, des entreprises publiques et privées, d’organisations diverses ainsi que d’autres personnes physiques et morales de bonne volonté.

Pour autant que cette structure réponde à une demande et un besoin réels et légitimes, le processus de sa création, son profil et sa position ont marché sur un certain nombre de procédures et de textes légaux. Conséquence : des observateurs consultés par congovirtuel.org craignent que ces entorses légales et procédurières n’entament la confiance du public averti jusqu’à inhiber sa volonté d’apporter des contributions à la hauteur des attentes. Démonstration…

Primo : Le Parlement exclu de l’état d’urgence ? Le Fonds national de solidarité est créé dans la foulée des mesures prises en conséquence de l’ordonnance proclamant l’état d’urgence sanitaire, ordonnance qui l’évoque dans son corps, d’ailleurs. Seulement, à ce jour, le processus devant conduire à l’effectivité de cet état de droit n’a pas encore abouti pour pouvoir impliquer officiellement et légalement les institutions requises en circonstance exceptionnelle comme la présente. En effet, le dernier alinéa de l’article 85 de la Constitution évoquant l’instauration d’un état d’urgence stipule que « les modalités d’application de l’état d’urgence e de l’état de siège sont déterminées par une loi ».

A ce jour, le Parlement est en suspension des plénières en raison des mesures de distanciation sociale, entre autres, mais l’urgence de l’heure devrait dicter des mesures exceptionnelles pouvant assurer la poursuite du fonctionnement des institutions. Il devrait s’agir, notamment, de trouver un moyen de réunir les deux chambres en format réduit, par exemple avec les commissions permanentes autour des bureaux des deux chambres. Sans quoi, la représentation nationale est exclue de toute implication dans la gestion de cette période délicate.

Secundo : l’absence totale de l’implication du gouvernement. L’ordonnance créant le Fonds de solidarité renseigne, dans ses attendus que le Conseil des ministres avait débattu de la question et que la proposition de sa création a été faite par le ministre de la Santé. Cependant, recherche faite dans les différents comptes-rendus des réunion du Conseil des ministres, il s’avère qu’aucun d’entre eux ne mentionne ce sujet dans leurs différents ordres du jour.

Il s’agit plus particulièrement de la 25ème réunion tenue le 13 mars et de la réunion restreinte du 17 mars qui avait arrêté les premières mesures de riposte contre le Covid-19, mesures annoncées par le chef de l’Etat dans son message du 18 mars. La première réunion sus-évoquée avait connu juste une communication du Président de la République sur le coronavirus, communication qui n’avait pas évoqué un quelconque Fonds de solidarité.

Celle-ci est apparue dans le message du chef de l’Etat du 24 mars consécutif à la réunion interinstitutionnelle qu’il avait présidée la veille avec, autour de lui, les Présidents des deux chambres du Parlement et le Premier ministre, et cela conformément à l’article 85 de la Constitution.

De plus, des sources proches du Secrétariat général du Gouvernement, qui prépare tous les Conseils des ministres et assure le suivi de la prise des lois, il nous revient que l’ordonnance sous examen n’a pas suivi le processus habituel. Ceci rendrait alors difficile la régularité de sa publication au journal officiel. C’est, en effet, le Secrétariat général du Gouvernement qui transmet au Journal officiel tout texte pour publication en l’accompagnant du procès verbal de la réunion qui l’a examinée, pour ce qui concerne les conseils des ministres comme avec le cas sous examen.

Ainsi donc, même si l’ordonnance créant le Fonds national de solidarité est contresigné par le Premier ministre, force est de constater que la structure devant assurer sa gestion est totalement hors de portée de l’exécutif national pourtant ayant en charge la gestion au quotidien de la chose publique dans tous les domaines. Et pour cause.

Tertio : Sous contrôle direct du chef de l’Etat, Fonds de solidarité = programme des 100 jours bis ? Selon les dispositions de l’ordonnance qui le crée, le Fonds est placé sous gestion d’une structure relevant personnellement et directement du Président de la République. Sa coordination est composée de sept membres au moins issus d’organisation et de secteurs totalement hors de portée du Gouvernement et de l’un quelconque de ses technostructures. Ces membres sont, en effet, nommés par le chef de l’Etat qui attribue à chacun des fonctions.

Ce n’est pas tout. Cette structure répond directement du chef de l’Etat à qui ses rapports d’activités sont adressés. Plus encore, pour le contrôle, de sa gestion et celle des fonds c’est le Président de la République qui désigne une fiduciaire chargée du contrôle dont le rapport lui est adressé directement. Ce n’est qu’à l’extinction de l’objet de sa création que le Fonds renvoie le reste de ses disponibilités aux ministères sectoriels compétents selon les cas.

D’un bout à l’autre donc, le Fonds de solidarité nationale se présente comme une forteresse sous le contrôle personnel du Président de la République en dehors de toute implication et du Gouvernement (exécutif national) et du Parlement (pouvoir législatif). Une situation hors du commun, même dans une situation d’état d’urgence qui ne signifie nullement le gel des autres pouvoirs.

Certains observateurs vont jusqu’à comparer cette situation à celle qui a prévalu avec le programme des 100 jours du chef de l’Etat géré sous le contrôle direct de la présidence de la République à travers, notamment, une commission de suivi de ses activités. On en connaît la suite aujourd’hui…

Quarto : le Fonds apporte de nouvelles dépenses qui pouvaient être économisées. Enfin, il faut noter que devant évoluer en totale indépendance du Gouvernement qui comportement pourtant des ministères en charge des affaires humanitaires et de la solidarité nationale, le Fonds national de solidarité apporte un nouveau poste de dépenses non budgétisé. Les choses auraient été faites dans les propositions normales que les administrations de ces ministères et leurs technostructures auraient permis de faire l’économie de ces nouvelles dépenses. Surtout que l’on ne connaît pas encore les rangs qui vont être conférés aux membres de la coordination.

Bref, les exigences de célérité, de collaboration interinstitutionnelle, de transparence et de traçabilité qui sont les fondamentaux de toute gouvernance orthodoxe se trouvent être en confinement totale avec le Fonds national de solidarité. En attendant, les ministères de la santé, des finances et de l’économie sont chargés de l’exécution de cette ordonnance pourtant hors de leurs compétences.

Jonas Eugène Kota

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