Plus de cinq après sa toute dernière conférence de presse, Joseph Kabila Kabange est allé à la rencontre de la presse ce vendredi 26 janvier 2018 dans un contexte socio-politique plus qu’électrique. Pendant plus de 2h30, le Chef de l’Etat a abordé, à sa propre initiative, tous les aspects sans exclusive de cette situation. Droit dans ses bottes, maître de son élément et conscient de l’importance des responsabilités d’Etat qu’il assume, c’est un Joseph Kabila plutôt serein, décontracté et plus qu’épanoui qui s’est ainsi produit sans banaliser la situation pour transmettre plutôt un message d’apaisement et d’assurance, et ainsi indiquer que l’heure n’est pas grave et que la situation n’est pas aussi dramatique qu’on le craint.
Le temps s‘est arrêté ce vendredi 26 janvier 2018 à Kinshasa, à l’intérieur du pays ainsi que sur les grandes places politiques et diplomatiques à travers le monde. Pour cause, la conférence de presse tenue ce jour au palais de la Nation par le Président de la République. Plutôt, selon Joseph Kabila, une conversation qu’une conférence de presse, mais que personne n’attendait, surtout que la dernière du genre remonte à plus de cinq années.
Mais un exercice qui est tombé plus qu’à point nommé en cette période plus que tendue et qui semblait jeter des incertitudes même sur l’avenir le plus immédiat de la RDC et son peuple. Un exercice qui est aussi tombé à une date plutôt symbolique : c’est, en effet, un certain 26 janvier 2001, en ce même lieu de la rotonde du Palais de la Nation, que Joseph Kabila prêtait son premier serment pour présider aux destinées de la RDC après l’assassinat, 10 jours seulement plus tôt, de son père et Président de la République, Laurent-Désiré Kabila. Enfin, un exercice auquel le Chef de l’Etat a, lui-même, assigné un certain nombre d’objectifs cadrant avec le contexte du moment, à savoir : clarifier la situation, informer l’opinion, apporter des correctifs et rassurer la population. Des objectifs qui, toujours selon Joseph Kabila, étaient dictés par le fait que « depuis plusieurs années, on a tout dit sauf la vérité ; on a beaucoup parlé de négatif sur la RDC sans aborder ses aspects positifs ».
Sécurité : la communauté internationale toujours en retard
Pendant près de trois heures donc, à travers son propos introductif suivi du jeu des questions-réponses, Joseph Kabila a survolé la situation générale du pays à travers le temps, soit depuis 2001 jusqu’à ce jour, et dans différents domaines, notamment la sécurité, la politique et le processus électoral en cours, la diplomatie ainsi que la situation socioéconomique et la reconstruction.
Sur le volet politique, Joseph Kabila a noté que 2 provinces seulement sur 26, représentant 5 à 6 territoires sur les 145 que comptent le pays, sont actuellement affectées par les activités des groupes armés et terroristes, notamment dans les deux Kivu et une partie du Tanganyika. Le chef de l’Etat s’est attardé sur la situation du Nord-Kivu où des opérations sont en cours contre le mouvement terroriste de l’ADF avant de déplorer que la communauté internationale, notamment la Monusco, ne s’en soit rendu compte que lorsque le contingent tanzanien a subi récemment des pertes. Il a, en effet, souligné que de par ses méthodes et son idéologie, ce mouvement autrefois connu comme uniquement ougandais, est aujourd’hui constitué de plusieurs nationalités et s’attaquent aussi bien aux populations qu’aux symboles de l’Etat.
Faisant allusion à la même situation qui avait prévalu dans l’espace kasaïen où la communauté internationale n’a pris la mesure de la gravité de la situation qu’après la mort de deux enquêteurs onusiens, le Chef de l’Etat a dit la détermination des FARDC d’aller jusqu’au bout pour restauré la paix et la stabilité dans l’intégralité du territoire national. Et pour le cas particulier du Kasaï où la paix est rétablie à plus de 95%, Joseph Kabila a fustigé la banalisation de la situation qui y avait prévalu avant de rappeler que les responsables de ces tueries et autres formes de destruction ne resteront pas impunis. En attendant, il a pointé du doigt « les leaders politiques et de certaines églises » qui ont tenté de minimiser cette situation.
Et revenant encore sur ce que serait l’apport des partenaires extérieurs, dont la Monusco, dans la lutte contre l’impunité, il s’est interrogé et a demandé qu’on lui site un seul groupe armé que cette mission onusienne a déjà anéantie.
Politique et élections : le grand déballage de Joseph Kabila
Sur le volet politique et du processus électoral, le Chef de l’Etat a de nouveau assuré que les élections auront bel et bien lieu selon le calendrier ad hoc. Le processus est suffisamment avancé avec une loi électorale promulguée, un calendrier publié, l’enrôlement presque terminé avec au moins 46 millions d’enrôlés, etc. Il reste encore la loi de répartition des sièges qui est tributaire du fichier électoral final.
Joseph Kabila a réaffirmé l’engagement et la détermination du Gouvernement d’en assurer le financement avant de survoler à nouveau tous les écueils auxquels ce nouvel ordre électoral intervenu au pays est confronté depuis le référendum constitutionnel jusqu’aux élections de 2011 en passant par celles de 2006. Il a ainsi stigmatisé l’attitude de certains de ses compatriotes, citant nommément l’église catholique, qui avaient rejeté la Constitution et boycotté le référendum en 2005 pendant que lui était seul à battre campagne pour son adoption. Curieusement, ce sont ceux-là qui, aujourd’hui, en deviennent subitement les plus grands défenseurs.
Mêmes révélations sur les obstacles aux élections de 2006 et 2011 qui furent combattues aussi bien par les candidats malheureux ayant contesté les résultats que par une frange de l’église catholique qui en était arrivée jusqu’à désavouer un de ses abbés en la personne de feu Malu Malu qui fut Président de la Ceni en 2006. Et ce n’est pas tout, le chef de l’Etat est aussi revenu sur l’étape douloureuse de la campagne électorale de 2011 lorsque la Monusco décida de ne plus fournir son appui logistique à trois semaines seulement des élections parce que le Chef de l’Etat avait refusé la proposition du report des élections que la même Monusco lui avait faite.
Joseph Kabila est ainsi resté impassible et égal à lui-même tout en dénonçant la résistance d’une frange de l’opposition et de la société civile ainsi que d’un « homme de Dieu » contre le processus électoral en cours et qui veulent privilégier des voies qui ne sont autres qu’un saut dans le vide pour le pays. L’unique voie pour le pays aujourd’hui, a souligné Joseph Kabila, c’est d’aller aux élections parce que « les perspectives sont claires, la feuille de route est claire et les options sont levées ». Pour lui, s’il faut améliorer le processus électoral, cela est possible. Et quant à savoir si les portes sont encore ouvertes pour ce processus, il a répondu par un oui retentissant avant d’inviter tous ceux qui, érudits et autres savants, qui pensent avoir des idées pour l’améliorer de rejoindre le train des élections.
Diplomatie : « Même le plus pauvre des hommes a droit à la dignité »
Même fermeté dans le volet diplomatique. Tout en privilégiant une approche de concertation pour régler quelques différends qui existent avec certains voisins de la RDC, Joseph Kabila a refusé le diktat de « quelques partenaires extérieurs » qui cherchent à imposer à la RDC ce qu’elle doit faire, comment elle doit le faire et quand. La RDC, a-t-il indiqué, tient à se faire respecter et c’est tout ce qu’elle demande de ses partenaires qui n’ont rien d’autre à lui donner qu’elle n’a pas. « Même le plus pauvre des hommes a droit à la dignité », a-t-il indiqué avant de martelé : « le Congo n’est pas à vendre ».
Joseph Kabila a également épinglé le cas particulier de la Monusco qui doit songer à partir après plus de 20 ans de présence émaillée de violations répétées de l’accord de siège. C’est depuis 2010, a-t-il dit, que la RDc exige de l’ONU la requalification de cette mission dans le son départ. Des plans pour ce faire ont été élaborés pour finir par être rejeté, ce qui a poussé le Président Kabila à se demander si l’ambition de cette mission onusienne n’est pas de demeurer en RDC.
Economie et social : Améliorer les indicateurs pour des retombées socioéconomiques
Quant au volet socioéconomique et de développement, le Président de la république a constaté que les indicateurs macro-économiques s’améliorent et promet qu’avec les différentes réformes en cours, ces améliorations se ressentiront dans le vécu quotidien des Congolais. Des efforts vont se poursuivre sur le plan de la reconstruction afin de doter le pays d’infrastructures dignes de soutenir la fluidité des investissements et des activités économiques.
Kabila droit dans ses bottes
Pendant près de trois heures donc, le Chef de l’Etat est resté droit dans ses bottes, maître de son élément et conscient de l’important des responsabilités d’Etat. C’est un Joseph Kabila plutôt décontracté et plus qu’épanoui qui s’est ainsi produit. Sans banaliser la situation au pays, il a plutôt transmis un message d’apaisement et d’assurance pour indiquer l’heure n’est pas grave et que la situation n’a pas aussi dramatique qu’on le craint.
Interrogé pour connaître ses réussites et ses points faibles, Joseph Kabila a, d’emblée, cité l’unification du pays comme sa grande fierté puisque c’est grâce à cette unité que la RDC existe aujourd’hui. Sur l’autre volet, il a plutôt parlé de regret du fait de n’être pas parvenu à transformer l’homme congolais pour l’aider à changer sa façon de voir les choses, de réfléchir ou de faire certaines choses.
Et en conclusion, il a réitéré ses assurances quant à la tenue des élections en soulignant qu’elles le seront « par la volonté des Congolais et non sous l’influence d’un homme, d’un pays ou d’un groupe de pays ».
Jonas Eugène Kota