Pour rassurer le Président chinois Xi Jin Ping qui y séjourne au Rwanda, Kigali a démenti, le week-end dernier, toute incursion armée en territoire rwandais. Le 2 juillet 2018, la police rwandaise avait reconnu ces incursions, tout dernièrement, Paul Kagame avait averti aussi bien ses opposants armés que les voisins du Rwanda d’une éventuelle réplique à ces attaques. La région des Grands Lacs assiste ainsi au pourrissement de sa situation sécuritaire dans l’indifférence totale de ceux qui préparent des attaques contre la RDC, mais feignent de craindre que cela déstabilise la région.
Dans un communiqué diffusé en début du week-end dernier, soit à la veille de l’arrivée du Président chinois Xi Jin Ping, le Gouvernement rwandais a démenti les informations faisant état d’incursions armées et de la présence de groupes rebelles sur le territoire du Rwanda. Kigali réagissait ainsi à des informations émanant de plusieurs sources et faisant état d’attaques menées par un nouveau mouvement rebelle rwandais – le Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD) – à partir du Burndi. Ce démenti faisait suite à un communiqué de l’armée rwandaise – la Force de défense nationale du Burundi (FDNB) – qui, en date du 10 juillet 2018, assurait qu’« aucun mouvement ni trace d’éléments armés n’ont été constatés par les unités de la FDNB déployées sur la frontière du Burundi avec le Rwanda ».
Opération de com’ pour rassurer Pékin
Ces démentis n’ont, cependant, fait que raviver la curiosité de l’opinion sur ce qui se passe réellement au Rwanda. Des démentis que l’on n’hésite pas à placer sur le compte d’une com’ visant à rassurer Pékin dont le Chef de l’Etat est arrivé le week end dernier à Kigali. Un séjour entouré d’un battage médiatique occidental qui en dit tout aussi long avec le contraste observé par le quasi-silence de ces mêmes médias occidentaux sur les informations relatifs aussi bien à la naissance d’un mouvement rebelle anti-Kagame qu’à des attaques perpétrés dernières sur le territoire rwandais par cette rébellion.
Ce lundi matin, et depuis hier dimanche d’ailleurs, RFI en a particulièrement donné toute la mesure. D’une part, la radio française souligne et loue la particularité de la coopération sino-rwandaise qui promeut le secteur agricole plutôt que les mines, et, d’autre part, elle fait état (ou rappel) de la disparition d’un journaliste au Burundi ainsi que des combats à Beni (Nord-Kivu/RDC) entre l’armée congolaise et les terroristes ougandais de l’ADF (RFI parle plutôt de « supposés éléments ADF », la nuance est de taille) et de l’affaire de la spoliation des terres au Sud-Kivu attribuée à la famille Kabila.
Le pourrissement est réel
Cette opération de camouflage d’un pogrom qui pourrait embraser toute la région des Grands Lacs et bien au-delà ne passe pas inaperçue auprès des observateurs avertis qui ne la dissocient pas des velléités occidentales d’une intervention armée en RDC au motif d’y prévenir toute situation en rapport avec le processus électoral qui pourrait conduire à la déstabilisation de la même région. La réalité, sur cette dernière menace, est qu’il s’agit clairement de disqualifier une famille politique – celle du Chef de l’Etat en fonction – sous prétexte que Joseph Kabila ambitionnerait de représenter pour la présidentielle de décembre 2018.
Il est pourtant établi que plusieurs informations soutiennent, depuis quelques semaines, que des infiltrations de groupes armés ont bel et bien eu lieu dans le sud du Rwanda, à la frontière avec le Burundi. Et Kigali l’avait déjà reconnu début juillet à travers un communiqué de la police nationale datée du 2 juillet. Ce communiqué annonçait, en effet, que « le dimanche 1er juillet vers 23 h 30, un groupe armé de fusils [avait] attaqué le district de Nyaruguru [au sud du Rwanda] (…) Le groupe a attaqué à travers la forêt de Nyungwe depuis le Burundi avant de fuir dans la même direction. » Et de poursuivre : « Un incident similaire a eu lieu dans le même district il y a deux semaines ».
Ces informations ont été réitérées et soulignées par un article de Colette Braeckman publié sur son blog en date du 17 juillet et relayé par certains médias dont le Libre Belgique et Le Monde. Notre consoeur écrivait ceci, en effet : « Une première attaque avait déjà eu lieu au sortir de la forêt de Nyungwe, du côté de Kibeho, non loin de la ville de Butare : un groupe de 60 à 120 combattants avaient tué un chef de village, pillé des magasins et recruté de force des civils pour qu’ils portent le butin. Ces hommes, bien organisés et méthodiques, avaient réussi à s’infiltrer à l’insu des troupes chargées de protéger la frontière entre le Rwanda et le Burundi ». Et de poursuivre : « Les populations locales n’ont pas soutenu les assaillants, déclarant à un journaliste belge présent sur place, Marc Hoogsteyns, qu’elles refusaient toute aventure et voulaient vivre en paix. A son retour de l’étranger, le Président rwandais, qui a fait de la sécurité le maître mot de son régime, n’a pas caché sa colère face à cette série d’infiltrations ».
L’on peut donc comprendre que les attaques dont parlait Colette Braeckman sont différentes de celles qu’évoquait la police rwandaise dans son communiqué du 2 juillet 2018. Malgré le dernier démenti de Kigali, qui visait juste à rassurer la délégation chinoise conduite par le Président Xi Jin Ping, les autorités rwandaises prennent la situation bien au sérieux, à commencer par Paul Kagame en personne. En effet, vendredi 13 juillet lors de la cérémonie en l’honneur de la nouvelle promotion de l’académie militaire rwandaise au Camp Gako, le Président rwandais a transmis un message que ses anciens compagnons du FPR, qui sont à la tête de la nouvelle rébellion, ont bien capté : « Tous ceux qui rejoignent l’armée rwandaise sont entraînés pour affronter tous les challenges de notre époque, même les situations inattendues (…). L’armée rwandaise est entraînée à faire la guerre, pas à la lancer (…). Mais si les autres nous considèrent comme [étant] leur problème et choisissent de commencer une guerre contre nous, nous sommes déterminés et entraînés à combattre et en finir avec eux ».
Le silence dangereux (complice ?) de la communauté internationale
Ce message multidirectionnel concerne aussi bien la nouvelle rébellion rwandaise que les voisins directs et indirects du Rwanda (Burundi, RDC et Ouganda) où se prépareraient toutes ces attaques. Le plus curieux est que la communauté internationale semble minimiser cette situation, à moins qu’elle y trouve une opportunité rêvée par voir se perpétrer ce qu’elle attend dans la région – lisez en RDC. Said Djinnit, envoyé spécial pour la même région des Grands Lacs, vient de séjourner au Congo-Brazzaville où le sujet n’a pas été évoqué avec Denis Sassou Nguesso, Président en exercice de la CIRGL, tandis que l’ONU, l’Union Africaine, la Sadc et tant d’autres organisations focalisent leurs inquiétudes sur ce qui passe pour une rumeur en RDC, mais qui constitue réellement une réalité dans des laboratoires occidentaux : une intervention militaire.
PDM