Aubin Minaku et Garry Sakata veulent-ils solder l’indépendance de la magistrature debout sous l’autorité du ministre de la justice ? L’affaire fait grand bruit et est même à la base des violences de ces deux jours initiées par l’Udps. Des violences qui ont de nouveau porté atteinte à l’inviolabilité du siège du Parlement et heurté les consciences avec des débordements sur les biens des privés.
Les propositions de loi dont question ne sont pourtant que sous examen à l’Assemblée nationale, et le parcours pour être adoptés ou pas est encore long. De même, après l’agitation entretenue par l’Udps, on finit par se rendre compte que toutes les craintes et les intentions attribuées à Aubin Minaku et son collègue Sakata ne sont que pure invention qui ont mal compris le contenu ou n’y ont tout simplement pas accédé avant de prendre position.
Intéressé par ce débat, le député national Jean-Pierre Tshimanga Buana, élu du territoire de Tshikapa, s’y invite pour apporter des éclairages. En 11 points, il explique les textes querellés et dissipent tout malentendu sur la question de l’indépendance du magistrat qui demeure intacte. Ci-dessous la tribune lumière de Tshimanga Buana.
Les trois propositions des lois portant sur le statut des magistrats, l’organisation et le fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire ainsi que sur le Conseil supérieur de la magistrature appellent, en substance, les commentaires ci-après:
- Compte tenu à la fois de l’enjeu et du contexte de cette réforme, il est impératif d’en assurer une large diffusion via des débats interactifs.
Ce qui pourra dissiper tous malentendus et amalgames conçus et entretenus par certaines officines politiques.
2. L’enjeu de la réforme, c’est la quête de l’efficacité du pouvoir judiciaire. Il ne faut pas perdre de vue que l’indépendance de la justice a été instituée par la Constitution et les lois pertinentes de la République pour assurer l’impartialité et l’objectivité de la justice. Cela n’implique pas le libertinage.
3. Cette réforme ne touche nullement au pouvoir judiciaire tel que défini à l’article 149 de la Constitution. Partant, elle n’énerve pas la Constitution. Elle se borne au seul champ de la loi.
4. Cette réforme vise à donner plein sens à l’autorité du Ministre de la justice sur les magistrats du Parquet qui sont les bras séculiers du gouvernement pour la mise en exécution de sa politique criminelle. L’article 70 de la loi organique sur les juridictions de l’ordre judiciaire dispose que: “les officiers du ministère public sont placés sous l’autorité du Ministre ayant la justice dans ses attributions”. La soumission à l’autorité du Ministre de la justice justifie notamment le droit de ce dernier d’être informé des suites de ses injonctions, sous peine des poursuites judiciaires.
5. L’article 70 bis de la future loi organique des juridictions de l’ordre judiciaire que propose la réforme a le mérite d’instituer la conférence des Procureurs près les juridictions de l’ordre judiciaire en vue d’échanger sur les options gouvernementales de la politique pénale. Elle institue également la conférence restreinte ad hoc qui pourrait permettre au Ministre de s’assurer du suivi de l’injonction à lui donné à un parquet.
6. La proposition de la loi organique sur le statut des magistrats innove en permettant au Ministre de la justice de constater un manquement imputable à un magistrat, d’en confier l’instruction à un OMP et d’en saisir le CSM. En faisant cela, le ministre ne porte pas atteinte au pouvoir disciplinaire des magistrats dévolu au CSM à l’article 152 de la Constitution.
7. La proposition de loi sur le CSM innove, d’une part, en permettant au ministre de la justice de prendre des mesures conservatoires contre le magistrat du parquet défaillant et; d’autre part, d’être consulté s’agissant de la carrière des magistrats du parquet.
8. Il n’est point besoin de rappeler qu’il s’agit des propositions des lois qui seront débattues, voire enrichies, en commission et en plénière aussi bien à l’Assemblee nationale qu’au Sénat.
Bien plus, étant des futures lois organiques, elles seront avant leur promulgation soumises à la cour constitutionnelle pour s’assurer de leur conformité à la constitution.
9. Il est dès lors prématuré de crier à l’inconstitutionnalité de cette réforme qui devra passer par plusieurs filtres qui pourront l’écumer de toutes les impuretés. Il faut, et il suffit, d’accorder foi aux institutions de la République.
10. La polémique sur la toile relative à cette réforme résulte du déficit de dialogue au sein de la coalition au pouvoir.
Nous ne cesserons jamais d’en appeler à la mise en place d’une structure pour une concertation permanente entre alliés FCC-CACH.
À défaut, nous continuerons à offrir à l’opinion tant nationale qu’internationale le désolant spectacle d’un attelage mal ficelé, prêt à exploser.
11. Pour tordre le cou aux folles rumeurs qui voient dans cette réforme trois objectifs inavoués, et même inavouables, à savoir: primo: la destitution programmée du chef de l’Etat via sa mise en examen;secundo : la protection des barons du FCC contre leur mise en accusation; et tertio, les règlements des comptes à l’encontre des adversaires indélicats, il y a lieu de relever que, d’une part, le ministère de la justice n’est pas l’apanage ou la chasse gardée du FCC et; d’autre part, le mandat du député n’est pas impératif. Les lois sont impersonnelles, générales et abstraites. Cette réforme vise à renforcer les institutions et non les animateurs actuels.
En guise de conclusion, nous pouvons tous admettre que le besoin d’une bonne administration de la justice est réelle. Tachons de le rencontrer via une réforme consensuelle et non clivante. Évitons tout ce qui pollue inutilement le chemin de la sagesse.
Tribune de Jean pierre Tshimanga Buana
Député national élu du territoire de Tshikapa