L’espace de dialogue congolais est envahi depuis quelques temps par un débat sur la nationalité de tout candidat à la présidence de la République. Le débat a été lancé par Noël Tshiani Mwadiamvita, candidat malheureux à la présidentielle de 2018.
Dans un tweet daté du 20 mars 2021, en effet, cet ancien fonctionnaire de la Banque mondiale lâche ce qui suit : « Dans les modifications prochaines de la Constitution, il faudra veiller à verrouiller l’accès à la présidence de la République en ne réservant cette haute fonction qu’aux congolaises et congolais nés des pères et mères congolais ».
Proposition hors de contexte et sans démonstration ni justification
Noël Tshiani ne donne aucune justification à ce qu’il qualifie, dans d’autres réactions, de « proposition ». Sur le même tweet, il affirme tout simplement qu’« il y a de bonnes raisons pour cette disposition ». Et dans bien d’autres de ses répliques aux réactions à son tweet, il évoque simplement, et sans aucune démonstration, une « question de souveraineté et de dignité ». Sans plus.
Bien entendu, on ne va pas revenir sur le débat, plutôt le tolé, suscité par cette proposition pour le moins étrange. Étrange aussi bien par l’absence criante de toute motivation, le déphasage avec le contexte, l’opportunité et l’intérêt général immédiat des Congolais.
Aujourd’hui, en effet, les Congolais attendent de voir les institutions se pencher, hic et nunc, sur amélioration le leurs conditions de vie. Et si débat politique il y a sur les élections, il se focalise sur la totale indépendance à assurer à l’appareil électoral et au processus qu’il doit conduire. Bref, les Congolais ne se préoccupent nullement de l’authenticité congolaise de leur Président. En sorte qu’on est fondé de chercher à comprendre pourquoi Tshiani a largué un débat à ce point hors de propos.
Noël Tshiani, cheval de Troie de la tshisekedie contre Katumbi ?
Cependant, les réactions que sa proposition a suscitées s’orientent -légitimement, diraient certains – sur une piste de coups bas que programmeraient déjà certaines officines contre de potentiels adversaires aux prochaines élections. Et on ne fait aucun mystère pour soupçonner la tshisekedie dans ce coup pour exclure Moïse Katumbi de la compétition. Normal comme conclusion lorsque l’on constate combien les katumbistes ont levé leurs boucliers au même moment où se développe un discours hostile à leur champion.
Le contexte d’une telle configuration du débat sur la nationalité est curieusement celui où l’on voit le camp katumbiste plus exigeant que d’autres sur un certain nombre de questions d’actualité – particulièrement la formation du gouvernement. Des questions qui, ces derniers temps, ont fait venir Katumbi à Kinshasa plus souvent qu’à son habitude. Au point qu’une certaine opinion croit que c’est Moïse Katumbi qui aura causé le plus de fil à retordre à Félix Tshisekedi sans ses plans.
Pour d’aucuns donc, Noël Tshiani Muadiamvita, qui ne compte aucun représentant au sein des institutions, se serait fait le cheval de Troie de la tshisekedie pour porter le combat de l’exclusion pendant que les vrais combattants sont actuellement occupés à asseoir et consolider leur nouveau pouvoir. À ce stade, en effet, les statistiques des réactions montrent que la proposition de Tshiani ne fait pas florès. Au contraire, l’homme essuie des récriminations de toutes parts sans y réserver de justification qui vaille. Au point d’entrer carrément en polémique dans un débat qui a fini, si tôt, de devenir conflictuel.
Noël Tshiani provocateur en échange de la Banque Centrale?
Pour d’aucuns donc, Noël Tshiani a voulu susciter un débat provocateur pour des intérêts qu’il est seul à pouvoir démontrer au-delà de sa propre personne. On le donne, en effet, comme probable futur Gouverneur de la Banque Centrale. Mais faut-il, pour cela, mettre le feu dans un pays qui est déjà une poudrière ? Quel intérêt aurait un tel sujet sur la crise sécuritaire à l’Est par exemple ?
Qui choisir entre un Congolais de parents naturalisés et un Congolais d’origine ?
Pour revenir à la proposition sous examen, les observateurs se demandent quel avantage la nationalité par filiation d’un présidentiable apporterait à la RDC plus que les autres formes de nationalité. La loi n°04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise en prévoit au moins six, à savoir celle par origine, par naturalisation, par option, par adoption, par mariage, par naissance et par résidence.
Pour le cas de la candidature à la présidence de la République, l’article 72 de la constitution retient la nationalité d’origine. Et la loi sus-évoquée définit celle-ci comme étant celle de « toute personne appartenant aux groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la RDC) à l’indépendance.
Question pour finir : Que dirait Noël Tshiani d’un candidat qui serait congolais puisque né d’un père et d’une mère, tous les deux, ayant acquis la nationalité congolaise par naturalisation, par exemple ? En quoi un tel candidat serait-il plus congolais, ou meilleur congolais, qu’un autre candidat congolais d’origine ?
Jonas Eugène Kota