Kasaïens et Katangais en chiens de faïences; bemba, sanga, rung, lubakat, etc. face à face ; kabilistes, katumbistes et tshisekedistes aux prises ; sécessionnistes et autres indépendantistes en pointe, etc. ; jamais une province n’a été minée d’autant d’aléas contre sa paix, sa sécurité et sa stabilité jusqu’à menacer la quiétude nationale !
Le Haut-Katanga s’engage dans une nouvelle zone de turbulence politico-sécuritaire qui, cette fois-ci, fait craindre, plus que jamais, une déflagration aux conséquences incalculables. C’est depuis la semaine dernière, en effet, que, dans la dynamique du déploiement du nouveau pouvoir de l’Union sacrée, les institutions de la province cuprifère ont été touchées par la vague des déchéances de leurs dirigeants pour leur emplacement par ceux en phase avec le nouvel ordre politique arrimé à la vision du chef de l’Etat.
Le bureau en place a, dans ce cadre, été déchu au terme des pétitions qui visaient l’ensemble de ses membres, sous la conduite de l’ultra « unioniste » Gabriel Kyungu Wa Kumwanza. Alors que la suite de la démarche, qui doit culminer avec l’éviction du Gouvernement provincial et, enfin, l’élection du nouveau bureau de l’Assemblée provinciale, est encore attendue, Lubumbashi a été secoué ce week-end par des affrontements armés entre les forces régulières et des assaillants présentés officiellement comme les miliciens bakata-Katanga.
Ces miliciens font régulièrement des incursions jusqu’au coeur même de la capitale du Haut-Katanga, à la seule différence que cette fois-ci, selon un état des lieu fait au terme d’une réunion du comité de sécurité au niveau national, les assaillants étaient munis d’armes de guerre individuelles et collectives ; et avaient ciblés un camp militaire et un dépôt d’armes.
L’instabilité politique et tribale générée par la dynamique USN
N’ayons pas crainte pour le dire, à Lubumbashi, comme à Kinshasa d’ailleurs, l’occurrence simultanée de ces deux événements porte une connotation bien particulière où se mélangent des considérations à la fois politiques et tribales, aussi bien en interne qu’en externe, avec des éléments que rien, en apparence, ne rapproche les uns des autres. D’une part, en rapport avec la dynamique politique nationale, l’opinion locale dominante affichait déjà une certaine grogne à l’idée de voir le pouvoir de Kabila (un katangais séjournant sur le sol lushois) basculer au profit de Tshisekedi (un kasaïen). N’oublions pas que depuis ces six derniers mois, le Haut-Katanga voit couver une dangereuse tension entre communautés katangaise et luba kasaïennes. Des tensions qui se sont exacerbés avec des rapprochements politico-économiques lorsque l’Udps/Kasumbalesa s’était greffée à la douane et à l’immigration au niveau de cette ville frontalière de la Zambie.
Depuis, ces communautés se regardent en chiens de faïences, et une passe d’armes s’est même observée le 16 janvier dernier autour des déclarations de Daniel Ngoyi Mulunda à l’occasion du 20ème anniversaire de l’assassinat de M’zee Laurent-Désiré Kabila.
Loin de s’être estompée à la suite des médiations des sages de tous bords, ces ressentiments resurgissent aujourd’hui avec les velléités de renversement des institutions locales dans la dynamique de l’Union sacrée. En effet, au niveau de l’Assemblée provinciale du Haut-Katanga, des rumeurs persistantes laissent entendre que Kyungu Wa Kumwanza, actuel Président du bureau d’âge, pourrait tirer jurisprudence sur Christophe Mboso pour briguer le perchoir avec succès, puisque jouissant des faveurs de la majorité qui s’est déjà dessinée.
Cette perspective est vue d’un mauvais œil auprès d’une certaine opinion qui, tirant encore une fois sur la corde tribalo-régionale, ne souhaite pas voir Kyungu diriger l’Assemblée provinciale du haut-Katanga au motif qu’il serait, lui, originaire du Haut-Lomami. Sa cause est, tout de même, défendue sur place par les siens. C’est le cas, notamment, de sa fille, élue de Mitwaba, qui a tenu une conférence de presse dans ce sens à la fin de la semaine dernière.
Dans le Haut-Katanga, Kyungu bénéficierait de l’appui de l’AMK, mouvement politique de Moïse Katumbi, lui-même issu d’une tribu minoritaire des bemba, à la frontière zambienne, par rapport aux autres se réclamant comme les véritables (haut) katangais.
Jacques Kyabula également en difficulté
Cette même fracture tribalo-régionale au sein de l’opinion concerne également le Gouverneur Jacques Kyabula Katwe qui est déjà visé par une motion de défiance. Par instinct de survie, ce dernier secoue tout ce qu’il peut, même avec force communication médiatique, pour se maintenir. Sa lutte attire des sympathies diverses qui, selon nos sources sur place, entraînent des tiraillements – quoique latents à ce stade – qui, au-delà de la politique, mettent également aux prises des communautés avec une onde de choc sur l’ensemble du grand Katanga.
Et l’autre soubassement de ces tiraillements, c’est la succession des missions de contrôle de l’IGF et de l’APLC (toutes deux des structures placées sous l’autorité directe du chef de l’Etat) à Lubumbashi et au Lualaba qui est annoncée comme la prochaine cible de la vague USN. Des missions qui, ici, suscitent également des interrogations sur leur finalité, mais qui énervent aussi des sensibilités tribalo-régionales.
Comme si cela ne suffisait pas, la situation sécuritaire du moment trouve également des lectures tribalo-régionalo-politiques. Qu’on ne s’en cache pas non plus, à Lubumbashi, en effet, deux autres versions – en plus de celle officielle de la police – circulent sur l’attaque de la ville ce week-end.
La première version voudrait que l’attaque ait été menée par des résidus d’hommes armés proches du Général John Numbi qui aurait fait l’objet d’une tentative d’arrestation ce même week-end. Selon cette version, les restes de sa garde auraient voulu attaquer le camp militaire de Kimbembe, base de la garde républicaine, pour s’approvisionner en armes et munitions pour renforcer la protection du « lion ».
Miliciens bakata-Katanga ou indépendantistes : quand les armes se mêles au tribalisme et aux antagonismes politiciens
Et la deuxième version met en scène une coalition des indépendantistes katangais qui auraient préparé cette opération depuis un hôtel bien connu à Lusaka (Zambie). Nos sources avancent que cette coalition d’indépendantistes aurait débuté ses incursions sur Lubumbashi et ses environs depuis longtemps à partir de la frontière zambienne pour mener une opération sécessionniste.
Les tenants de cette version en veulent pour preuve les drapeaux aux mentions « République du Katanga » qui auraient été trouvés sur les assaillants du week-end dernier.
Faire très gaffe, sinon «boum »
Cependant, d’autres observateurs ne prennent pas cette initiative au sérieux et se convainquent que si c’est avéré, elle est vouée à l’échec. Pour cause, les mouvements sécessionnistes ou indépendantistes du Katanga ont des contours tribaux (rund, bemba, sanga, lubakat, etc.) trop prononcés et ne sont pas organisés autour d’un leadership, une coordination et des objectifs communs pour espérer réussir. Mais il faut craindre, toujours selon ces mêmes observateurs, qu’un facteur externe ne viennent faire resserrer les rangs des katangais au-delà de leurs clivages tribalo-régionaux pour sublimer un sentiment katangais homogène et compact. Et là ce serait la déflagration tant redoutée.
De tout ce qui précède, les observateurs recommandent la plus grande prudence dans la gestion de cette question katangaise qui constitue une dangereuse poudrière. Toute erreur pourrait déboucher sur une déflagration aux conséquences incalculables. Ceci est d’autant plus sérieux qu’à Lubumbashi, comme ailleurs dans le grand Katanga, les gens sont de plus en plus enclins à justifier leurs difficultés diverses (politiques, sociales, économiques, etc.) par des considérations politico-tribales.
Jonas Eugène Kota