Comment et par quelle magie Félix Tshisekedi avait-il nommé un formateur du Gouvernement devenu aujourd’hui Premier ministre après tout le cursus d’investiture à l’Assemblée nationale ? La question alimente aujourd’hui les croisés tshisekedistes qui ne rêvent que de la démission du team Ilunkamba, salivant déjà à l’idée des postes libérés pour espérer en trouver un à chacun. Comme toujours dans ce genre de sujets, les exégètes du droit se multiplient et tout le monde s’agglutinent sur l’article 78 de la Constitution.
L’idée centrale, en effet, est qu’un informateur n’avait pas été nommé en son temps pour identifier une majorité à partir de laquelle le chef de l’Etat devait désigner ce formateur. Tous font chorus sur le fait qu’un acte sous seing privé, entendez l’accord de gouvernement passé entre le FCC et CACH, ne peut pas remplacer la Constitution. Personne, cependant, n’ose aller au bout de cette logique pour tirer la conclusion qui s’impose, à savoir que le chef de l’Etat avait alors violé la constitution.
Personne, cependant, ne prend le temps de lire attentivement, et dans l’ordre successif des alinéas, le même article 78 pour comprendre la place de l’accord dont question et, partant, saisir la régularité de la nomination, par Félix Tshisekedi, d’un Premier ministre en la personne d’Ilunga Ilunkamba issu de la majorité parlementaire. En effet, l’article 78 de constitution comporte deux alinéas avant le troisième qui évoque la nécessité de la commission d’un informateur pour identifier une majorité au cas où elle n’existerait pas.
Le premier alinéa de cet article stipule, en effet, que « le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci ». « Celle-ci » est un pronom démonstratif employé pour remplacer le nom de la personne ou de l’objet dont on parle. Dans le cas d’espèce, il remplace « la majorité parlementaire ». Et dans l’énoncé de cette phrase, il est supposé qu’en nommant le Premier ministre dans les rangs de la majorité, celle-ci et déjà identifiée et reconnue.
La coalition FCC-CACH avait seulement « reconnu » l’existence d’une majorité au Parlement
Pour ce faire, un exercice avait été fait entre le 4 et le 6 mars par des experts attitrés de la coalition FCC-CACH. Le communiqué conjoint, signé par Néhémie Mwilanya et Jean-Marc Kabund en date du 6 mars 2019, certifie que « le Front commun pour le Congo détient, de manière documentée, la majorité absolue à l’Assemblée Nationale au sens de l’article 78 alinéa 1er de la Constitution ».
Tirant les conclusions de ce constat, les deux plates-formes politiques vont alors recommander (1) « à l’Autorité morale du FCC, Président de la République honoraire, d’accomplir les devoirs de sa charge permettant au chef de l’Etat de procéder à la désignation du formateur du Gouvernement » ; et « à son Excellence monsieur le Président de la République de nommer diligemment ledit formateur du Gouvernement ».
Plus tard, c’est sur base de cette reconnaissance que les deux parties dégageront la clé de répartition des postes ministériels qui sera ensuite présentée en juillet 2019 au Premier ministre pour les ultimes nominations. Ceci conformément à leur « volonté commune » clairement affirmée, à travers le communiqué conjoint évoqué ci-haut, de gouverner ensemble dans le cadre d’une coalition gouvernementale ».
Du reste, au sens de l’article 78.1, la constitution demeure muette sur le mécanisme d’identification ou de reconnaissance d’une majorité parlementaire qui existe déjà et ne nécessite donc pas la désignation d’un informateur au sens de l’alinéa 3 du même article. Dans le cas de la mandature en cours, cette majorité existait déjà formellement après l’inscription des députés dans des groupes parlementaires et l’inscription de ceux-ci comme majorité ou opposition, ou encore l’inscription des députés individuellement comme non-inscrits. Le document final avait été joint au règlement intérieur de l’Assemblée nationale et l’ensemble sera finalement couvert par un arrêt de conformité de la Cour constitutionnelle.
Tout ceci existait déjà au moment de la désignation du formateur du Gouvernement. De sorte qu’avec ou sans un accord quelconque, le chef de l’Etat n’avait pas d’autre choix que de nommer le formateur au sein de la majorité légalement reconnue par la Cour constitutionnelle. Son acte était donc conforme à la Constitution, n’en déplaise à ceux qui abhorrent l’accord FCC-CACH. CQFD…
Jonas Eugène Kota