FATSHI, KAMERHE ET FAYULU EN DIFFICULTÉ

La pluie qui s’est abattue sur Kinshasa n’a pas su tempérer les ardeurs au sein de l’opposition où, jusqu’en fin de la journée, les esprits étaient surchauffés avec la désignation de Fayulu à Genève comme candidat commun de l’opposition, à Kinshasa comme à Kananga, Mbuji-Mayi et Bukavu, ce sont des masses de militants désabusés qui ont déferlé sur la place publique pour dire leur colère contre leurs leaders. Mais au moment où nous mettons cet article en ligne, on apprend que Félix Tshisekedi vient de retirer sa signature.

La journée de ce lundi 12 novembre 2018 à l’opposition se termine dans la confusion après la désignation, dimanche à Genève, de Martin Fayulu comme candidat commun de l’opposition, du moins la frange des leaders qui se sont réunis en Suisse (Fayulu lui-même, Félix Tshisekedi, Freddy Matungulu, Adolphe Muzito, Jean-Pierre Bemba, Vital Kamerhe et Moïse Katumbi). Une contestation a toute de suite vu le jour dès l’annonce de ce choix et s’est radicalisée au courant de la journée.

En effet, après les première contestations enregistrées à travers les médias traditionnels et les réseaux sociaux, les militants et certains de leurs cadres se manifestés pour l’exprimer sans fard. Tôt le matin, le siège de l’Udps à Limete a été pris d’assaut par des militants en colère qui l’on manifesté brouillement. Outre les invectives qui abordaient dangereusement des considérations tribales, les combattants du parti tshisekediste ont brûlé des pneus. Ils ont arraché banderoles et affiches à l’effigie de Félix Tshisekedi qu’ils ont jetées au feu.

La jeunesse du parti a publié une déclaration dans laquelle elle exprimait son rejet du choix de Fayulu avant d’affirmer son attachement au choix du congrès de l’Udps sur la candidature de Félix Tshisekedi à la présidence. En fin de matinée, Jean-Marc Kabund a présidé une réunion de la direction du parti. C’est lui-même qui a lu la déclaration au vitriol qui en est ressortie.

« L’UDPS rejette avec force cette désignation. Notre machine politique a fait 40 ans de lutte. Beaucoup sont morts, nous ne pouvons pas accepter la blague de Genève », déclare Kabund devant une foule de militants survoltés. Et le n° 2 de l’Udps de poursuivre : « Nous donnons à notre Président 48h de retirer sa signature. Qu’il rentre vite au pays pour sa campagne ». Pour autant, l’Udps est déterminée à aller aux élections et s’oppose à tout boycott et à toute transition : « Nous ne voulons pas de boycott. Nous irons aux élections avec ou sans machine à voter ».

Enfin, une pointe à ceux (Bemba, Katumbi et Muzito) qui sont considérés comme auteurs du choix opéré à Genève. « On ne peut ni vendre ni acheter l’Udps. Nous ne sommes pas la CENI ou la DGM pour empêcher le retour de quelqu’un ou son invalidation ». Le message est passé…

Pendant ce temps, on assistait à une coalition entre l’Udps et l’Unc, chose impensable il y a seulement quelques heures. La jeunesse de ces deux partis a, en effet, publié une déclaration commune dans laquelle elle demande à leurs leaders, Tshisekedi et Kamerhe, de retirer leurs signatures de la déclaration de Genève.

Dans le même temps, l’on assistait à un chassé-croisé entre les militants de l’Unc et ceux de l’Ecide (parti de Fayulu) sur l’avenue de l’enseignement où se situent les sièges de leurs partis respectifs. La police a dû se déployer et s’interposer entre les deux camps antagonistes pour prévenir l’irréparable.

La même tension s’est observée à l’intérieur du pays où les militants de l’Udps et de l’Unc ne décoléraient pas non plus. A Kananga, l’agitation a même perturbé la formation des témoins de ce parti. « La formation que nous suivons, c’est pour sécuriser le score de Félix Tshisekedi. Nous ne pouvons pas nous réunir pour Martin Fayulu », a déclaré Daniel Oleko Ekemo, Président de la jeunesse de l’Udps/Kasaï Central à notre confrère actualite.cd avant de poursuivre : « Félix Tshisekedi nous a demandé de cotiser 1$ pour sa campagne électorale et c’est ce que nous faisons. Allons-nous remettre notre argent à Fayulu ? Jamais ».

Et la Présidente fédérale de l’UDPS/Kasaï Central, Annie Tshibola Ndemba, de cogner encore : « Félix Tshisekedi ne retirera jamais sa candidature. Il a été choisi par notre congrès. La signature qu’il a apposée à Genève l’engage en tant qu’individu et non l’Udps. C’est une conspiration contre le parti après que Tshibala a échoué dans sa mission de détruire le parti ». Exit également toute forme de coalition : « Nous sommes habitués à nous battre seuls et nous allons aux élections avec Félix ».

Même attitude des militants du même parti à Mbuji-Mayi, principal bastion de Félix Tshisekedi. Certains en sont même arrivés à demander qui était Martin Fayulu qu’ils ne connaissent que vaguement.

A Bukavu, dans le Sud-Kivu, c’est Vital Kamerhe qui était en difficulté. Descendus spontanément au siège provincial de leur parti, les militants de l’UNC y ont brûlé des pneus en guise de protestation. Eux aussi ont demandé à leur Président, Vital Kamerhe, de retirer sa signature. Un sit-in a été improvisé sur le lieu pour réaffirmer la candidature de Vital Kamerhe. « Nous rejetons en bloc et nous ne sommes pas concernés par les conclusions du conclave tenu à Genève par les 7 leaders de l’opposition désignant Martin Fayulu comme candidat commun ». Auteur de cette déclaration, Kake Bulindi, Président de la Ligue des jeunes de l’UNC/Sud-Kivu, a ajouté : « Cette décision ne nous concerne pas. Le choix de Fayulu ne reflète pas la logique de la démocratie ni le symbole de la force de l’opposition congolaise ».

Autant donc de réactions qui démontrent la radicalisation de la base de l’opposition contre les décisions de leurs leaders qui, dans l’ensemble, ont brillé par un silence assourdissant, à part une sortie de Félix Tshisekedi qui a promis de rentrer à Kinshasa pour faire raisonner les siens. Il aura certainement du pain sur la planche car, au-delà du cas Fayulu, il devra bien s’expliquer sur les engagements qu’il a pris et qui touche au sort même du processus électoral auquel l’Udps se dit déterminer à participer jusqu’au bout.

En effet, à en croire Adolphe Muzito, Martin Fayulu a été désigné pour son combat contre la machine à voter. Plutôt qu’un candidat commun, il est porte-parole de la coalition « Lamuka » pour faire dégager la machine à voter du processus électoral ainsi que les enrôlés sans empreintes digital. Sa mission est, au cas où il serait élu, de conduire une transition de deux ans avant d’organiser des élections auxquelles participeront tous les exclus, à savoir lui-même Muzito, Bemba et Katumbi. Une position que rejettent les militants de l’Udps particulièrement.

Pour l’heure, les observateurs estiment que le groupe des exclus (Bemba, Muzito et Katumbi) est le seul qui tire le meilleur parti de cette situation. A la limite, ils auront triomphé en faisant échouer Fatshi, Kamerhe, Matungulu qui se sont entêté à poursuivre le processus électoral au lieu de se retirer ; tandis que Martin Fayulu passe pour le dindon de leur grosse farce.

JEK

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