Une nouvelle polémique enflamme les espaces médiatiques sur la censure des chansons et des spectacles en République démocratique du Congo. Une polémique de plus qui, une fois de plus, part d’un même artiste : Antoine Agbepa Mumba dit Koffi Olomide, qui vient d’être interpellé par le parquet au sujet de 8 de ses dernières chansons qui ont été interdites de diffusion par la Commission nationale de censure des chansons et des spectacles.
Le motif de cette interdiction, qui frappe même certaines chansons en diffusion depuis plus de deux ans, n’est pas connu du public. On parle du refus de l’auteur de soumettre ces chansons au contrôle préalable, tandis d’autres sources proches de Koffi – qui le dit lui-même d’ailleurs – font état d’une somme de 2.500 Usd qui lui auraient été exigés, mais qu’il aurait refusé de verser pour obtenir les autorisations nécessaires.
A ce jour, l’affaire prend une nouvelle tournure depuis l’interpellation musclée de Koffi Olomide qui, ensuite, a décidé de porter plainte contre ceux qui l’ont arrêté à son domicile. Furieux, Koffi Olomide quadrille les médias pour dire son fait et réclamer la suppression pure et simple de cette commission qu’il dit avoir été instaurée en son temps par Mobutu pour museler ses opposants d’Etienne Tshisekedi. Le ton monte à ce point que l’on craint des dérapages qui sont en train de mener l’affaire sur le terrain glissant de la politique.
Sans entrer dans le fond de l’affaire, d’autant plus qu’à ce stade, Koffi et son avocat sont les seuls à s’exprimer, il semble utile de rappeler le rôle de la commission de censure dans le contexte de sa création et dans son rôle socioculturel. Ceci devrait aider servir de base de compréhension du rôle de cette commission pour apprécier la production phonographique à sa juste valeur au-delà des influences intimidatrices, voire manipulatrice, de leurs auteurs.
Ce que dit la loi sur la censure des chansons et spectacles
D’abord, il faut noter que contrairement aux affirmations de Koffi Olomide, la Commission de censure n’a pas été créée dans les années 70 par Mobutu pour museler ses opposants dont Tshisekedi. En 70, d’ailleurs, Tshisekedi n’était même pas opposant à Mobutu.
Le premier texte instaurant la censure en RDC est l’Arrêté Ministériel 225 du 23 août 1967 portant Commission de censure de la musique. Cette arrêté dispose, en son article 2, que « cette commission a pour mission de se prononcer sur la conformité aux bonnes mœurs et à l’ordre public des chansons diffusées, soit directement par des orchestres, soit par reproduction phonographique ou sur bande électromagnétique dans tous lieux ouverts au public. La commission doit également vérifier si ces chansons sont de nature ou non à provoquer la haine raciale ou tribale, ou si elles comportent des injures, de l’aversion, des imputations calomnieuses ou dommageables ». Et l’article 8 précise la procédure de contrôle en ces termes : « Aucune chanson ne peut être diffusée dans les lieux ouverts au public si elle n’a été préalablement soumise à la censure de la commission dont le siège est à Kinshasa (…) La décision de la commission emportant l’interdiction de fabrication de matrice d’enregistrement, ou celle comportant l’autorisation de diffuser une chanson sera entérinée par un arrêté du ministre de la justice ».
Cet arrêté a été supplanté en 1996, cette fois par la Loi n°0003 du 21 février 1996 portant création d’une Commission nationale de censure des chansons et des spectacles. En son article 5, cette loi stipule que « nul ne peut offrir un spectacle pour le public ou diffuser une chanson nouvelle ou une chanson ancienne dont le texte a été modifié, ni procéder à son enregistrement sur disque, sur bande magnétique ou sur tout autre support destiné à être vendu ou distribué au public sans avoir reçu une autorisation préalable et écrite de la commission nationale de censure ou d’une cellule locale ».
Il est donc clair que, dans l’esprit et la lettre de l’arrêté de 1967 et la loi de 1996, le contrôle des chansons et des spectacles destinés à la diffusion publique se fait en amont, c’est-à-dire avant enregistrement, duplication et diffusion pour les chansons. Le cas sous examen se situerait donc à ce niveau et nullement dans une quelconque tendance au musellement des artistes congolais.
Aujourd’hui, d’ailleurs, les Congolais se plaignent unanimement de la déchéance morale de la chanson congolaise. Les mêmes congolais se plaignent aussi du laxisme de la commission de censure qui ne joue plus son rôle de filtre moral en vérifiant le contenu des chansons avant leur mise à la disposition du public. Aujourd’hui, plus que jamais, cette censure est plus que la bienvenue pour préserver la société de cette dérive morale dans la chanson congolaise.
JEK