Plus que jamais, la Cenco s’est resserrée autour de Monsengwo et son CLC pour se poser en syndicaliste des forces politiques essoufflées tout en se consolidant comme pyromane-complicateur plutôt que sapeur-pompier et facilitateur après avoir décidé de tenir l’Etat et ses animateurs en hostilité plutôt que comme partenaires à la défense d’une cause commune qu’est la RDC.
La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) avait-elle besoin de deux jours pour tenir sa dernière assemblée plénière de surcroît « extraordinaire » ? Question bien intéressante surtout au regard de l’aridité de la déclaration qui en est ressortie et qui vibre de la monotonie du discours par rapport aux précédentes déclarations. Au moins la présente – la toute dernière – se démarque-t-elle quelque peu du fait de sa mise à jour par la méthode d’attrape-mouches. Elle intègre, en effet, la certification de la machine à voter ainsi que les « éleveurs étranges et armés » dans l’ex-Bandundu.
Pour le reste, rien de nouveau sous le soleil du clergé catholique, sinon – bien sûr – ce resserrement des rangs autour de Mgr Monsengwo et son Comité laïc catholique (CLC) pour plus de sérénité dans la croisade dont la poursuite a, par la même occasion, été confirmée. L’Abbé Nshole, qui commentait la dernière déclaration de la Cenco dans un entretien sur Rfi laissait transparaître une sorte de triomphe dans sa voix lorsqu’il se réjouissait que le CLC ait ainsi été officiellement adoubé comme une structure de « l’église de Kinshasa ». Pour le reste donc, aucun espace à la conciliation pour l’apaisement, et ce qui est prévu d’arriver, va arriver !
L’église catholique a longtemps rejeté les constats de son engagement politique formel, mais les jours et les faits qui se sont succédé ont fini par percer le voile de son exégèse de la confusion pour laisser triompher l’inébranlable réalité. Et cette dernière assemblée plénière extraordinaire aura été bien symptomatique de cette exégèse à travers des confusions qui en disent long.
D’abord, par l’objet même de cette assemblée plénière. En effet, dans son bref mot de clôture de la réunion, le Président de la Cenco, Mgr Marcel Utembi parlait d’évaluation de la « situation socio pastorale », tandis que la déclaration finale évoque la « crise sociopolitique du pays ». De là, toutes les possibilités étaient ouvertes pour l’église qui réaffirmait ainsi formellement ses marques comme actrice dans le jeu et l’enjeu politiques de l’heure. Autant peut-on en dire sur l’objet central de cet exercice qui était de raffermir la solidarité – pour ne pas dire se soumettre – autour du Cardinal Monsengwo et derrière « son » CLC qui n’avait, jusque-là, qu’une « recognition provisoire », selon les propos du Nonce apostolique avant la seconde marche convoquée par cette structure.
Ensuite, l’articulation même de la déclaration qui pose problème. Le document énumère une série de constats qui, cependant, ne correspondent pas aux recommandations formulées.
- Des pertes suite aux marches
S’il est vrai qu’une unanimité s’est dégagée pour déplorer ces pertes en vies humaines et d’autres débordements qui ont largement été condamnés, il est tout aussi vrai que des enquêtes sont en cours pour élucider ces différentes pertes. Ces enquêtes sont menées avec la participation de diverses organisations pour en assurer aussi bien l’efficacité que l’objectivité. Mais l’on s’étonne que la Cenco ait omis, non seulement de reconnaître cet effort et l’encourager, mais aussi l’autre versant de cette affaire portant sur la responsabilité des organisateurs. Ceux-ci ont, lors des deux précédentes marches, enfreint la loi en omettant de faire part à l’autorité urbaine des itinéraires de ces marches pour leur encadrement. Apôtre de la vérité et de la légalité, ne pas relever ce fait dénote d’une fuite de responsabilités, sauf, bien entendu, s’il l’on y trouve un profit particulier…
- De la campagne de dénigrement et de diffamation
Sur ce point, la Cenco aurait été en règle avec elle-même si elle avait situé l’origine de ce qu’elle appelle campagne de dénigrement et de diffamation de l’église. Tout est, en effet, parti de la déclaration injurieuse faite par le Cardinal Monsengwo après la marche du 31 décembre 2017, alors que la Cenco avait déjà pris position. C’est aussi cette déclaration qui avait accusé les lézardes sur l’édifice de l’église autour du CLC et ses activités jusqu’à consolider la division au sein du clergé catholique. Le manège se poursuivra ainsi jusqu’à la seconde marche et même après quand le SG de la Cenco, l’Abbé Nshole (avoué de Monsengwo) se retrouvera seul à publier les bilans et les statistiques des deux précédentes marches d’un CLC qui, selon une lettre de Marcel Utembi, n’avait aucune existence au niveau de la Cenco. Entre-temps, « l’église de Kinshasa » resserrera ses liens avec les radicaux de l’opposition jusqu’à porter leur combat. En effet, après avoir constaté l’incapacité de ces radicaux à mobiliser les foules, l’église s’est porté garante pour offrir ses services et le cadre de ses installations paroissiales. Jean Marc Kabund l’avait d’ailleurs reconnu dans une interview en parlant d’une répartition 50/50 dans ces activités éminemment politiques.
- De l’application sélective de l’accord
En fait de sélectivité de cette application, la Cenco devrait commencer par expliquer pourquoi elle refuse de siéger au sein du Cnsa, mais elle ne peut pas le faire au risque de tomber totalement son masque. Simplement parce qu’elle devra commencer par se justifier de cette erreur stratégique qu’elle avait commise dans la gestion de la crise née en pleines négociations du centre interdiocésain au sein du Rassemblement après la mort d’Etienne Tshisekedi. Ayant, dans un premier temps, refusé de faire une médiation dans cette crise au motif qu’elle était interne à une structure privée, elle finira par trancher au profit de l’un des camps, se justifiant du fait que la vraie aile était celle qui était conduite par le mandataire désigné par Tshisekedi de son vivant. Mais la Cenco n’expliquera pas pourquoi, plus tard, elle laissera toutes les ailes signer l’accord politique alors que d’autres composantes le signeront par les chefs de leurs délégations seulement. C’est de là qu’est partie la confusion qui créera des difficultés à finaliser l’accord qui était arrivé au stade de remplir les cases. Et c’est là que la Cenco rendra le tablier à Joseph Kabila, son mandant, après avoir échoué de faire atterrir sa propre médiation. Et c’est ajussi cette tare qui poursuit aujourd’hui le processus électoral et fonde la base de ce discours de sélectivité dans l’application de l’accord. Une sélectivité qui ne veut rien dire d’autre que le besoin de la Cenco de voir figurer ses poulains politiques dans les institutions publiques afin de se rassurer elle-même et non le peuple.
On en dirait autant de cette question de décrispation du climat politique dans laquelle la Cenco a aussi semé la confusion. On n’oublie, en effet, pas cette étape du Katanga où une délégation de la Cenco s’était rendue pour enquêter sur certains dossiers dont celui de Moïse Katumbi. Sur place, la délégation se fera prendre en charge par le même requérant, notamment pour son transport assuré par les véhicules de la « ferme Futuka » dont on connaît le propriétaire.
Bref, il y a bien à redire sur cette sélectivité évoquée par une partie au conflit politique qu’est devenue la Cenco, même si elle s’y refuse.
- De la machine à voter
Ici encore, la Cenco aurait fait œuvre utile si elle avait assumé ses responsabilité en siégeant comme toutes les autres confessions religieuses au sein de la Cime (comité d’intermédiation pour des élections apaisées), une structure qui travaille en permanence comme partenaire de la Ceni. Elle aurait ainsi été mieux placée pour comprendre la question et ainsi acquérir assez d’expertise pour dissiper ces doutes d’une certaine frange de la classe politique. La Cenco a délibérément choisi de ne pas siéger au sein de la Cime en préférant hurler avec les loups dans l’obscurité au lieu d’offrir aux fidèles la lumière de sa sagesse.
Et quand, plus loin, la Cenco parle de la redynamisation de la Ceni comme le prévoit l’accord, elle oublie également que cet exercice est déjà frappé de forclusion puisque toutes les composantes qui désiraient y faire remplacer leurs représentants devaient le faire dans les 15 jours à dater de la signature de ce même accord. Idem pour ce qui est du CSAC.
En conclusion, la Cenco ne veut pas des élections en 2018
Décidément, à quoi servent toutes ces revendications de la Cenco à ce stade du processus électoral si ce n’est de la ralentir et hypothéquer l’application du calendrier électoral ? On croit bien comprendre que les catholiques sont inscrits dans la logique du capotage de ce processus pour privilégier d’autres voies d’accession au pouvoir.
En effet, et au regard de tout ce qui précède, il faut noter que la responsabilité du bon déroulement du processus électoral incombe à toutes les parties prenantes, y compris l’église catholique. Chacun y a, certes, des droits, mais aussi des obligations. Il est donc malheureux que la Cenco se pose en syndicaliste des forces politiques essoufflées pour devenir pyromane-complicateur plutôt que sapeur-pompier et facilitateur. La Cenco a décidé de tenir l’Etat et ses animateurs en hostilité plutôt que comme partenaire à la poursuite d’une cause commune qu’est la RDC.
Pascal Debré Mpoko