Même si elle évolue en marge des normes légales et réglementaires dans la conquête de la majorité à l’Assemblée Nationale en cours de mandat, l’Union sacrée s’achemine vers la vérité démocratique quoi que se fait et non électorale. La mission d’information de Bahati Lukwebo se met, en effet, en action pour « identifier » la coalition majoritaire de laquelle devrait venir le Premier ministre selon la volonté du Chef de l’État exprimée au terme de Dédé consultations.
On ne sait pas trop comment Lukwebo va s’y prendre pour y parvenir ni en quoi serviront légalement ses résultats face aux impératifs dominants qui sous-tendent la démarche de Félix Tshisekedi. Celle-ci vise, en effet, à lui apporter une « majorité » soumise à sa volonté – et non à la souveraineté des urnes et aux conséquences politiques et institutionnelles censées en découler – pour appliquer sa vision sur le programme action gouvernementale. Bref, tout ce que ne prévoient ni la constitution de la RDC, ni les règles démocratiques universellement connues et admises.
Avec ses 32 députés, l’Udps est minoritaire dans le nouvel attelage de l’USN
Dans tous les cas de figure, en effet, Félix Tshisekedi est parti pour manquer de nouveau la majorité dans nouvel attelage politique de l’Union sacrée. Ce qui, toujours selon les règles démocratiques universellement admises, lui ferait échapper le contrôle constitutionnel (qu’il vise) de l’exécutif comme ce fut le cas avec AMP et la MP de Joseph Kabila en 2006 et 2011. Pour cause, une fois de plus, l’Udps, avec ses 32 députés, se retrouve minoritaire que sein de la nébuleuse Union sacrée que personne ne sait définir entre une coalition de gouvernement, un parti ou un regroupement politique, etc.
Un observateur politique taquin parle, lui, d’une « démocratie apprivoisée au sein d’un conglomérat aux ordres d’un timonier ».
En tout cas, si Félix Tshisekedi et l’Udps tiennent à imposer leur suprématie dans les normes démocratiques, ils devront s’en remettre au je des alliances politiques dans la configuration de la nouvelle majorité parlementaire en cours de fabrication. À Assemblée Nationale, en effet, l’informateur Bahati aura le choix entre l’incontournabilité de la configuration politique telle que consigné dans les archives de la chancellerie conformément aux articles 54 à 58 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale.
Informateur, Bahati Lukwebo face aux impératifs du règlement intérieur de l’Assemblée nationale
C’est ici que se constate toute majorité une seule fois en cours de mandat électoral. Et l’exercice de Bahati Lukwebo va se trouver d’autant plus hardi qu’à ce jour, et conformément au règlement intérieur, aucun député ayant quitté le FCC ne s’est désinscrit de son groupe parlementaire, auquel cas il se retrouverait non inscrit. Ceci signifie que le règlement intérieur offre aucune possibilité d’aller grossir lésé rangs d’une nouvelle majorité ou d’une nouvelle opposition dans le cadre d’une nouvelle configuration politique dont le règlement intérieur n’offre aucune possibilité non plus.
Mais puisqu’il va devoir accomplir les devoirs de sa charge, Bahati Lukwebo se réduira à opérer dans le dos du règlement en scrutant la configuration politique au sein de l’Assemblée Nationale. Et ici, il devra s’incliner devant l’incontournable suprématie des transfuges du FCC dans le cas bien entendu où ceux-ci se regrouperaient en regroupement pour former un ou plusieurs groupes parlementaires de fait (comme au monopoly ou au jeu de bitcoin) pour pouvoir revendiquer ce que de droit conformément aux règles démocratiques.
Déjà, les transfuges PPRD, qui revendiquent 34 députés, ont exprimée leur prétention sur la Primature en espérant être rejoints dans leurs ambitions par d’autres transfuges du FCC. Il restera, cependant, de savoir comment ces nouveaux tshisekedistes vont réussir à s’organiser autour d’un leadership commun après avoir traversé la rue individuellement ou par petits groupes suivant des motivations éparses. Sans compter aussi que les stratèges de la tshisekedie ne manqueront pas de tout faire pour faire échec à cette possibilité de reconstitution du FCC au sein de l’Union sacrée.
Autre force politique, la constellation katumbiste, qui pèse 70 députés, ne manque pas non plus d’ambitions et affiche clairement ses prétentions sur la présidence de l’Assemblée Nationale et certains ministères clés au sein du gouvernement. Plus encore, Ensemble pour le changement a engagé le débat sur ce que devrait être le programme du Gouvernement. Un débat qui tend à remettre en cause la thèse de la vision du chef de l’État à appliquer et ramène au programme commun de gouvernement comme ce fut le cas avec la coalition FFCC-CACH.
« Il s’agit surtout pour nous de savoir avant tout ce que nous allons faire ensemble et comment le faire », déclare Bolengetenge, Secrétaire général d’Ensemble pour la République, parti de Moïse Katumbi. Qui estime aussi que dans le cadre du partage des responsabilités, l’Udps devrait se montrer sincère et équitable pour éviter les frustrations qui ont ruiné la coalition FCC-CACH. Même si, pour le mouvement katumbiste, le gouvernement attendu devrait être, non pas de cohabitation mais de coalition. D’ores et déjà, les katumbistes ont transmis au Chef de l’État un cahier des charges sur leur vision de la coalition en gestation et qui, à ce jour, n’est encore qu’une abstraction.
Autre force en présence l’AFDC-A dont le Président et autorité morale Bahati Lukwebo se voit relevé dans son aura par les responsabilités lui confiées d’identifier une nouvelle majorité. Cette tâche l’exclurait-il de l’inéluctable partage du gâteau ? On sait que le grand souci de Lukwebo au sein du FCC fut justement cette question. Pendant longtemps, il s’est plaint de se voir réduit à une portion congrue alors qu’il justifiait d’un poids politique non négligeable.
Et la goute qui lui fit déborder le vase fut le perchoir du Sénat cédé à une personnalité politique, Thambwe Mwamba, représentant sa propre personne, sans oublier l’appétit glouton du PPRD qui se tailla la part du lion au sein bien au national qu’en provinces.
S’il n’a pas encore exprimé clairement ses ambitions, Lukwebo n’entendrait pas du tout jouer les seconds rôles, lui qui revendique les 41 députés que compte son regroupement, même si l’on sait qu’il ne les a pas tous.
L’autre équation, et non des moindres, c’est Jean-Pierre Bemba. Pas son parti politique qui ne pèse que 17 élus, mais bien sa personne et tout ce qu’elle représente comme aura sur la scène politique. VIP de la classe politique aux yeux de Félix Tshisekedi qui lui a réservé un traitement bien particulier avec Moïse Katumbi, le chairman du MLC, ou du moins selon ses lieutenants, lorgne déjà sur la Primature.
Félix Tshisekedi entre les axiomes de la démocratie et les calculs politiciens
Autant donc d’équations qui font tanguer Félix Tshisekedi entre sa volonté personnelle de suprématie sur « sa » nouvelle famille politique et les obligations démocratiques. Difficile, à ce stade, de savoir laquelle de ces voies va dominer tant l’acteur principal a deux fers au feu : d’un côté la démarche formaliste à travers un informateur qui renvoie aux poids démocratiques censés dicter les décisions de la nouvelle configuration institutionnelle, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Gouvernement. De l’autre côté la voie dite pragmatique autour des marchandages politiques qui transcendent les données démocratiques pures pour considérer d’autres paramètres.
Dans ces conditions, on s’interrogerait sur l’utilité d’une démarche d’information si la décision finale doit émaner des arrangements politiques selon la realpolitik à la congolaise. Dans tous les cas, et depuis le début, il est bien clair qu’avec l’Union sacrée, la RDC et sa démocratie sont loin de sortir de l’auberge. Dans nos précédentes éditions, en effet, nous indiquions déjà que l’attelage politique Union sacrée de la nation est plus compliquée que la coalition.
Conséquence : le peuple attendra…
Jonas Eugène Kota