Jamais il n’a autant plu sur un ministre comme avec Kibassa Augustin. Jamais un ministre n’a été houspillé pour ses actes de gestion comme aujourd’hui avec Augustin Kibassa. Le Ministre des PTNTIC est la cible des récriminations les plus acerbes des Congolais pour avoir instauré la taxe dite RAM et une redevance y relative dont ils (les Congolais) cherchent sans succès les avantages à leur profit. Comme les manifestants et les écoliers de Beni contre l’insécurité, ces congolais désabusés ont investi médias et réseaux sociaux pour crier leur colère contre ce qu’ils qualifient de flibusterie du siècle.
Et ils relèvent de tous les catégories et toutes les strates. Tel ces jeunes réunis au sein du « Mouvement national des consommateurs lésés (MNCL) qui ont organisé une manif lundi dernier avant d’être dispersés avec des gourdins achetés avec l’argent du contribuable qu’ils sont. Sur twetter, même des acteurs politiques connus pour leur proximité avec le même Kibassa le houspillent.
Plus encore, même Daniel Mukoko Samba, membre du panel d’accompagnement du mandat de Félix Tshisekedi à la tête de l’Union africaine, crie aussi ses inquiétudes. « Cette histoire doit être tirée au clair. Quzel est le service rendu qui est ainsi rémunéré ? », se demande-t-il avant de cogner encore : « A quoi cet argent est-il utilisé ? Quelle est la base légale de ces prélèvements ? » Puis de réclamer : « Obtenez notre adhésion ou arrêtez ça ».
De l’opacité qui a caractérisé son instauration au cafouillage sur la hauteur des fonds attendus et leur utilisation en passant par la légalité de cette instauration, le RAM charrie bien d’interrogations qui laissent pantois les observateurs.
Les preuves de l’illégalité de la redevance RAM
D’abord, ainsi qu’a eu à le dénoncer Me Fabrice-Molière Kamala dans une publication devenue virale dans les réseaux sociaux, « l’article 174 de la Constitution attribue au seul législateur la compétence d’établir les charges fiscales ou parafiscales sur les contribuables. Or ces « frais » d’enregistrement institués par l’article 7 de l’Arrêté ministériel précité (Ndlr : n°CAB/MIN/PTNTIC/AKIM/KL/Kbs/002 du 10 juin 2020 portant mise en place d’un système CEIR en République Démocratique du Congo) violent donc les dispositions de l’article 174 de la Constitution ». Ce texte instaure une parafiscalité en violation flagrante des procédures en la matière.
Le même avocat renseigne, par ailleurs, que « les articles 34 et 35 de la Loi n°11/011 du 13 juillet 2011 relative aux Finances Publiques traitent des ressources de l’Etat, du pouvoir central. Et si les prétendus frais d’enregistrement étaient une taxe, ils devraient être repris dans l’Ordonnance-Loi 18/003 du 18 mars 2018 fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central. Pourtant, ce n’est pas le cas ».
Lire, à ce sujet, notre précédent article à ce lien : http://congovirtuel.org/wp-admin/post.php?post=5322&action=edit
Opacité dans la hauteur exacte des recettes attendues du RAM
Pire encore, aucun texte ne prévoit formellement la destination de cette parafiscalité. C’est à peine que l’on apprend qu’elle sera affectée, « entre autres », à l’installation du WiFi dans les universités. Pourtant, bien d’autres parafiscalités existantes l’ont été de la manière la plus régulière qui soit. C’est le cas, notamment de la taxe de promotion de l’industrie avec le FPI, du péage avec le Foner, de la taxe de formation professionnelle avec l’INPP ou encore la redevance audiovisuelle au profit de la RTNC. Même si on n’a jamais su où passe cette dernière.
Quant à la hauteur de la redevance à collecter annuellement, le Ministre Kibassa s’est hasardé à avancer le chiffre de plus ou moins 48 millions Usd. Mal l’en a pris, car l’Observatoire de la dépense public (ODEP) a bien fait les calculs pour tomber sur un pactole annuel attendu de Usd 263 millions, rubis sur l’ongle. « Notre monitoring renseigne que le minima projeté est d’abord inférieur au potentiel existant, c’est-à-dire le nombre d’abonnés. Selon un rapport du premier trimestre 2020 de l’Observatoire du marché de la téléphonie mobile, une structure de l’ARPTC, les télécoms disposent d’environ 38 millions d’abonnés actifs. Si on applique le taux d’imposition de 7 dollars pour 6 mois, l’opération rapportera quelques 268 millions USD », indiquait l’ODEP dans un récent communiqué.
Un écart qui suscite bien d’interrogations sur l’intention sous-jacente…
263 millions donc pour installer le WiFi en faveur des étudiants et rendre caduc les syllabus… Bien curieux, cette perspective. Pour d’aucuns, cet argument ne viserait qu’à susciter un soutien au RAM et sa parafiscalité face à la bourrasque citoyenne qui n’en veut pas. Même s’il restera encore de savoir quel texte légal ou réglementaire affecte la redevance RAM à l’installation du WiFi dans les universités.
En effet, l’ODEP note que «le flou persiste sur l’utilisation de ces recettes. Les projets de développement numérique vanté à travers les médias ne figurent même pas dans la loi de finances 2021 ». Et de poursuivre : « En 2020, lors du débat en commission au Sénat de la loi de finances 2021, le Ministre Augustin Kibassa avait indiqué ce qui suit : cette recette est une rémunération de l’ARPTC instituée par le décret du premier Ministre du 20 février 2012 fixant les modalités de calcul et les taux des revenus des prestations de l’ARPTC ». Mais après vérification, révèle encore l’ODEP, le rapport de la commission économique et financière du Sénat renseigne que « la répartition des revenus provenant du RAM se fait de manière suivante : 30% pour le prestataire, c’est-à-dire la société recrutée pour la mise en œuvre du projet ; 25% pour l’ARPTC ; 40% pour le trésor public et 5% pour les opérateurs des télécoms (Orange, Vodacom, Africell, Airtel).
Qui est l’opérateur du RAM, qui l’a recruté et comment ?
Et à l’ODEP de s’interroger : « Jusqu’à ce jour, l’identité réelle du prestataire recruté par le Ministère des PTNTIC n’est pas connue. Comment a-t-il gagné ce marché ? » Plus encore, « Malgré l’opposition des opérateurs des télécoms regroupés au sein de la FEC, le Ministre des PTNTIC a tenu à imposer cette taxe irrégulière et demandé à ces derniers et à la BCC de transformer les unités issues de l’opération de certification des appareils mobiles en argent », révèle l’ODEP.
Plus prosaïque encore est la justification de l’instauration même du RAM et la tentative désespérée d’en convaincre l’opinion. De un, personne n’arrive à comprendre pourquoi c’est l’abonné qui doit payer pour protéger les fabricants des téléphones contre la contrefaçon alors que l’OCC est là pour ce même travail. De deux, ils se demandent en quoi cela leur profiterait que soit bloqué un téléphone volé mais qu’ils ne retrouveront jamais. Et de trois, ils se demandent en quoi un téléphone contrefait sera plus dangereux à la santé qu’un véritable pour qu’ils paient. A ce jour, d’ailleurs, bien de familles à travers le pays vivent avec, dans leurs parcelles, les antennes des téléphones connues pour la dangerosité des ondes émises alors que personne ne s’est jamais préoccupé de leur santé.
Augustin Kibassa incapable d’expliquer sa propre création
On se rappelle aussi que lors d’une émission sur Top Congo, le Ministre Kibassa a eu toute la peine du monde, jusqu’à s’emmêler les pinces pour expliquer sa propre création. Il a été incapable de justifier, par exemple, pourquoi les téléphones identifiés comme contrefait devaient continuer à fonctionner plus de six mois encore sans être bloqués, alors que les bons téléphones pouvaient être bouchés au bout d’un mois si le propriétaire ne s’acquitte pas de sa redevance RAM.
C’est donc pour toutes ces raisons et tant d’autres que deux députés nationaux ont adressé une question orale avec débat à Augustin Kibassa Maliba. Ira-t-il répondre cette fois-ci ? En effet, en 2020, le même Kibassa était visé par deux autres questions orales sur le même sujet, mais n’avait pas daigné se présenter. Et personne ne lui en avait fait le reproche non plus.
Enfin, il va encore rester de sa voir et comprendre le fin mot de cette complicité à la cache-cache entre le ministère des PTNTIC et l’ARPTC dans cette affaire. Bien au-delà de certaines affinités extra institutionnelles…
Jonas Eugène Kota