L’annonce du congrès de l’Union nationale de la presse du Congo (UNPC), qui doit se tenir entre le 21 et le 23 septembre prochains à Moanda (Kongo Central), a provoqué des remous qui en rajoutent à la détérioration, déjà avancée, de la confraternité au sein de la profession. Une confraternité qui n’a pratiquement jamais été complètement rétablie et cimentée à la faveur du congrès dit de la refondation qui avait vu naître, en 2004, l’UNPC sur les cendres de l’UPZA de l’époque mobutiste. Depuis ce congrès « de la refondation », en effet, la nouvelle organisation faitière de la corporation journaliste a vite sombré dans des querelles de leadership entre ses dirigeants, de compétences entre l’UNPC elle-même et d’autres organisations du secteur, et entre les organes mêmes de l’UNPC. Sans oublier ces sordides affaires successives de détournement des fonds de la corporation qui ont tôt fait de ternir son image et faire fuir les partenaires qui se portaient déjà au chevet de la profession.
C’est dans cette même atmosphère délétère que s’annonce le congrès de Moanda avec un comité directeur déchiré, chaque camp ayant fini d’entraîner derrière lui des groupes entiers des professionnels des médias. Tous les efforts entrepris ces dernières années se sont soldés sans succès. Même l’arbitrage du nouveau ministre de tutelle n’a pas suffi à convaincre les protagonistes de ravaler leurs égos pour privilégier l’intérêt de la profession qui s’en va à vau-l’eau sans qu’il ne se trouve personne pour stopper cette grave dérive.
Ces derniers jours ont été symptomatiques de cette déchirure lorsqu’on a vu, par exemple, des factions s’invectiver à distance à travers les réseaux sociaux, chacun s’donnant à un hideux triomphalisme qui choque les consciences au sein de la profession. Et l’impression dominante voudrait que le congrès annoncé ne serve qu’à adouber une caste à la tête de l’UNPC dans une parodie d’élections, sans aucune garantie d’un nouveau départ pour le meilleur.
Le plus grave dans ce tableau est cette politisation aggravée, non pas seulement de la pratique professionnelle avec des praticiens du journalisme qui s’affichent ostentatoirement comme des communicants des forces politiques en présence, mais aussi et surtout dans la conquête escomptée de l’UNPC. Bref, comme indiqué ci-haut, le congrès de Moanda apparaît clairement comme une occasion d’asseoir une faction donnée aux commandes de l’Union au détriment d’une autre sans que la profession ne trouve quelqu’espace pour ses intérêts.
En sorte que nombre des professionnels jurent de ne pas donner leur caution à une telle ignominie et annoncent déjà qu’ils ne prendront pas part à une messe aussi basse. La cité côtière de Moanda va, en définitive, accueillir, pour 72 heures, une bande en majorité des moutons noirs qui ternissent depuis longtemps l’image de la profession. A ceux-là devront s’ajouter, à coup sûr, des « journalistes-députés », des « activistes-journalistes » et tous ces blogueurs scribouillards qui jouent du stylo et croquent du micro en croyant faire du journalisme.
Depuis des années, en effet, l’UNPC a totalement démissionné de ses responsabilités pour se recroqueviller derrière la manne de la carte de presse et d’autres contributions qui finissent dans les poches des uns et des autres, chacun ayant trouvé dans cette structure du sucre à casser sur le dos de la profession. Tous les conflits au sein de ses organes tirent, en effet, leurs origines autour de l’argent avant de s’étendre sur d’autres considérations, surtout tribales.
En tout cas, rien à voir avec la profession. A l’image de toutes initiatives de réforme des lois sur la presse qui moisissent à l’Assemblée nationale depuis maintenant trois législatures, tout simplement parce qu’il ne se trouve personne pour initier un lobbying. A l’image de cette chosification du journaliste aujourd’hui la merci de tout quidam qui le jetterait en prison juste pour avoir informé.
Bref, il y a belle lurette que la corporation a foutu le camp pendant que ceux qui sont censés l’encadrer se livrent à de sordides spectacles des conflits.
Pour preuve, à ce jour, personne n’estime être en devoir de suggérer ne fût-ce qu’un thème central de ce congrès afin d’organiser un brain-storming préliminaire pur susciter une réflexion autour des problèmes de la profession. Celle-ci compte bien des cercles de réflexion qui peuvent produire des idées pouvant être exploitées dans le contexte d’un congrès rassembleur et apaisé, loin des visées tribalo-politiciennes comme cela se profile fort malheureusement aujourd’hui.
Au regard de la configuration des choses, et sans thème précis, personne ne s’attend à des réflexions sérieuses sur les réformes à opérer au sein de la profession à travers, notamment, la loi portant exercice de la liberté de la presse et celle portant statut du journalise œuvrant en RDC. Rien à attendre non plus sur la nécessaire « légifération » des « médias en ligne » dans une RDC envahie par la cybercriminalité sous couvert d’une fallacieuse pratique journalistique.
Qu’attendre aussi de ce congrès sur les grandes questions de la survie même de la presse en RDC face à la crise qui s’est aggravée avec le covid-19 ? Comment aider les médias à prendre sérieusement en charge leurs employés que sont les journalistes et apparentés réduits, aujourd’hui plus que jamais, à une mendicité qui fait d’eux des dangers pour la République ? Comment sauver et protéger la profession de toutes ces prédations qui tendent à se consolider lorsqu’on verra (de nouveau ?) ces prédateurs faire main basse sur l’UNPC ? A quel avenir voulons-nous donc vouer la profession avec cette forme d’allégeance feutrée à des forces politiques, sans compter cette cartellisation aux contours tribalo-claniques qui prend si dangereusement corps autour des organes de l’UNPC ?
Qui donc aidera la profession à faire changer ce paradigme qui veut que l’Etat lève des taxes et impôts (quoique normal) sur les médias sans organiser ces fameuses aides et facilités qui sont des droits légaux ? Pourquoi, par exemple, un journaliste qui va chercher l’information à Tshikapa doit-il débourser le même montant, pour un billet d’avion, qu’un diamantaire qui y va à la quête du diamant ?
Il nous semble que face à la crise qui mine depuis longtemps la profession autour de son organe faitière, le dialogue devrait encore être poursuivi pour parvenir, d’abord, à apaiser les esprits et, ensuite, créer les conditions pour la tenue d’un congrès digne d’une profession qui veut réellement faire face à ses démons pour aller de l’avant. Faute d’une telle initiative, que l’on aurait souhaité voir prendre ces bonnes volontés qui se sont manifestées, le risque est bien grand de voir la profession sombrer définitivement au large de ces magnifiques côtes de Moanda.
Pire que Waterloo ou Canossa, Moanda s’annonce plutôt comme la fin de Gavroche dans « les Misérables » de Victor Hugo.
Et cette déchéance ne manquera certainement pas de déteindre sur tous ces mécènes, victimes manifestement d’une sordide manipulation, puisque le congrès auquel ils se sont laissé impliquer (de bonne foi certainement) pourrait produire des effets largement nocifs. Nous prenons la respectueuse liberté d’attirer leur attention afin de les aider à réorienter leur implication vers, pourquoi pas, une médiation qui pourrait aboutir à la remise des choses dans l’ordre.
Nous le disons avec d’autant plus de conviction qu’au regard de la crise qui mine l’UNPC et entame la profession tout entière, la délocalisation du congrès à Moanda ressemble de manière troublante à ces assemblées générales de la Fecofa qui ont souvent été éloignées de la capitale pour les faire échapper à la vraie réflexion au-delà des hommes et leurs intérêts. Cette délocalisation passe plus pour une perfidie qui pourrait achever la profession sur les rives de l’océan plutôt qu’une démarche cathartique et de jouvence à la faveur de la fraicheur océanique.
Prenons date…
Jonas Eugène Kota