La République démocratique du Congo est en train de terminer une semaine particulièrement éprouvante pour son image et son destin. A la suite d’une plénière de vendredi 7 juin qui avait débattu sur les ordonnances du chef de l’Etat portant mises en place à la Gécamines et la Sncc, en effet, les militants de l’UDPS, parti présidentiel, ont déferlé dans les rues pour manifester leur mécontentement de cette plénière et des propos qui y ont été tenus, allant jusqu’à désacraliser la République.
Dans leur furie, ces militants ont pris d’assaut le palais du peuple, siège du Parlement dont ils ont violé l’inviolabilité. Ils s’en sont également pris à des députés nationaux dont certains ont été agressés physiquement. Allant plus loin encore, ces militants ont attaqué, saccagé et incendié à travers le pays un siège d’une fondation et des sièges d’au moins 6 partis politiques membres du FCC, plate-forme qu’ils tiennent pour responsable de la plénière qu’ils disent avoir outragé le Chef de l’Etat. Plus encore, des résidences privées des cadres du FCC ont été attaqués et incendiés, autant que des biens dont des véhicules et des matériels de bureau.
Le plus étonnant c’est que les auteurs de ces actes de violence, de vandalisme et de destruction s’enorgueillissent, expliquant qu’il s’agit-là de l’expression du peuple, souverain primaire. Mais le plus grave dans cette démarche est la violation des dispositions légales en matière de manifestations.
Pendant plus de trois jours, en effet, ces militants ont déferlé spontanément dans les rues et sur des places publiques sans en informer l’autorité publique comme le prévoit la loi. Et le comble de l’opprobre aura été cette sorte de chosification des forces de l’ordre.
Opprobre sur la police nationale
En effet, une vidéo virale sur les réseaux sociaux met en scène le commissaire provinciale de la police/ville de Kinshasa, le Général Sylvano Kasongo, aux prises avec Fils Mukoko, un des leaders de la jeunesse de l’Udps, soumettant cette officier supérieur de la police à sa propre volonté et à ses propres dispositions sécuritaires. Le tout se passe alors que Sylvano Kasongo vient de débarquer au siège de l’Udps pour y rétablir l’ordre et contenir les militants qui s’organisaient pour des expéditions punitives qui ont finalement eu lieu contre des sièges des partis politiques.
Face à la furie de la foule, le Général Kasongo a préféré jouer la prudence en refusant de s’engager plus loin. Cette attitude a été observée dans plusieurs points de la ville ainsi qu’ailleurs, comme à Lubumbashi où la police s’est réduite à assister en spectateur à l’attaque de l’Assemblée provinciale, des sièges des partis et des résidences privées. A Mwene Ditu, dans la province de Lomami, ces mêmes policiers ont assisté, la mort dans l’âme, à l’incendie d’un marché qui s’est consumé jusqu’au dernier madrier, simplement parce que les auteurs de cet incendie, également membres de l’Udps, n’étaient pas contents de la configuration du gouvernement provinciale qui venait d’être publiée.
Ces scènes ont semé la terreur dans les esprits de nombre de congolais qui craignaient, et craignent encore, une déflagration d’une ampleur ingérable. Cependant, même si cela n’est pas arrivé, tous ces événements sont allés trop loin, dans la quasi-indifférence de ceux qui étaient censés gérer ces militants.
D’une part, en effet, on a assisté à la désacralisation de l’autorité de l’Etat au profit d’une tendance à la suprématisation de ces hordes de jeunes gens en pleine hystérie au nom d’une souveraineté mal assimilée et qui se déclinait comme un prétexte à toutes sortes de licence. Les forces de l’ordre investies des prérogatives d’ordre publique se sont, pour leur part, senties blessées dans leur amour propre au regard du traitement dont ils ont été l’objet. Aujourd’hui, personne ne peut présager des suites qu’elles pourraient y réserver.
La République désacralisée
Avec cette déchéance de la société, le pays est alors exposé à deux dangereux cas de figure. Soit ces foules en furie en arrivent un jour à un soulèvement populaire contre les institutions et l’autorité établie, entraînant ainsi la chute de la République ; soit, dans un élan d’autodéfense, ce sont les forces de l’ordre qui se soulèvent contre le pouvoir pour aboutir également à la même situation. Dans un tel déchaînement, et comme on l’a entendu durant ces trois jours d’opprobre contre la République, c’est Joseph Kabila, ancien Président de la République, qui sera accusé de tous les pêché d’Israël alors qu’il n’aura été pour rien dans l’hystérie de ces jeunes qui se croient tout permis sans aucune limite.
En fin de compte, la RDC n’a jamais autant vu se réunir les ingrédients d’une insurrection aux conséquences incalculables. Il revient alors aux autorités étatiques, mais aussi aux élites politiques de saisir la gravité de cette situation pour se ressaisir et assumer pleinement leur leadership sur leurs militants respectifs. Les partis politiques sont des espaces d’éducation civique pour forger en chaque congolais une citoyenneté digne de ce nom. Que ces leaders inculquent à leurs troupes le respect des lois et de l’ordre pour sortir le pays de l’anarchie et ainsi le préserver du chaos.
« Le peuple d’abord », c’est avant tout son éducation à des attitudes et comportements républicains.
Yvon RAMAZANI