Au nom d’une logique anti-démocratique qui voudrait que tout le monde n’aie que des droits et non des obligations dans le processus électoral, les thuriféraires de Bemba excluent toute possibilité de culpabilité judiciaire et morale de leur champion. Sans pudeur et s’enfermant dans un formalisme juridique du désespoir, ils voudraient que les Congolais ferment les yeux sur le fait que par la subornation de témoins, Bemba s’est, en fait, rendu coupable d’atteinte à l’administration de la justice ; chose gravissime de la part de quelqu’un qui aspire à devenir magistrat suprême.
De tous les candidats à la présidentielle 2018 dont les dossiers ont été rejetés par la CENI pour des raisons diverses, le cas de Jean-Pierre Bemba Gombo semble focaliser la meilleure part d’attention. Au point qu’au pays comme dans les milieux politico-diplomatique et les médias occidentaux, l’ex-prisonnier de la CPI incarne de plus en plus le terme « inclusivité » collé au processus électoral, ceci dans une sorte de logique d’exclusion de toute possibilité d’objectivité du travail de la CENI et, au finish, de celui de la Cour constitutionnelle. D’autres parlent même de « candidats emblématiques » !
La logique, selon une certaine opinion, voudrait, en effet, que tout rejet d’une quelconque candidature, surtout de l’opposition, ne soit que le fait d’une exclusion voulue par la majorité en place pour éliminer des adversaires de poids. La Voix des sans Voix s’est même fendue d’une déclaration dans laquelle elle réclame carrément la validation de toutes les candidatures rejetées au niveau de la CENI.
Cette Ong ne laisse même pas d’ouverture à la poursuite de la procédure au niveau de la Cour constitutionnelle. Jean-Pierre Bemba lui-même avait protesté contre le rejet de sa candidature avant de verrouiller la Cour Constitutionnelle en déclarant qu’il (lui Bemba) lui donnait la chance de prouver son indépendance.
Haro sur la prise en otage du droit et de la morale
Ce débat autour des protestations contre le travail de la CENI prend des tournures de plus en plus malsaines et même immorales en ce qu’on se demande si l’on n’assiste, tout simplement, pas à un déni de démocratie et du droit qui la sous-tend. En effet, tout semble indiquer que les esprits sont calés sur une logique claire : l’alternance, quoi qu’il en coûte, doit impérativement être consacrée par la victoire électorale incontournable d’un candidat de l’opposition qui doit également remporter la majorité au Parlement. Toute forme de résultat différent ne serait que le produit d’une tricherie. Autant pour ce qui est de tout acte posé ou à poser tout au long du processus électoral pour lequel cette logique octroie tous les droits aux vainqueurs déjà pré-élus.
Sur le cas particulier de Jean-Pierre Bemba, le débat sur le motif du rejet de sa candidature vire carrément en une sorte de mascarade, sinon à un formalisme juridique plutôt plat, du fait que ce formalisme tend à expurger tout contenu du chef d’accusation qui a conduit à sa condamnation définitive à la CPI. Cette querelle de sémantique cache mal l’hypocrisie des défenseurs d’une différence entre la subornation et la corruption, pour la simple raison que ces deux concepts sont distinctement qualifiés comme infraction par le code pénal congolais.
Exit donc cette grave signification d’une subornation de témoins pour un candidat qui, pourtant, aspire aux plus hautes fonctions étatiques. L’on veut, en effet, que les Congolais ne s’intéressent pas au fait que ce candidat à ce genre de fonctions, qui vont faire de lui le « magistrat suprême », n’aie aucun compte à rendre ni des explications à donner sur la vraie dimension d’une telle infraction qui, en fait, a consisté en une atteinte à l’administration de la justice. L’on veut aussi que les Congolais se bloquent intellectuellement sur cette évidence selon laquelle la subornation fait partie intégrante de la définition de la corruption. Tout ceci pour satisfaire les ambitions d’un individu que l’on veut maladroitement confondre avec l’intérêt supérieur de la Nation.
Ces actes délictueux et immoraux qui doivent inspirer modestie et pudeur
Ce que les thuriféraires de JP Bemba ne sauront, cependant, pas faire oublier aux Congolais, c’est ce parcours parsemé d’irrégularités et de violations diverses aussi bien des lois que des règles de moralité publique qui feraient qu’en toute pudeur, le concerné aurait fait œuvre utile, au nom de la société et ses codes de fonctionnement, en adoptant un profil bas et ainsi en se gardant de se présenter aux élections. En effet :
- Lorsqu’en menant sa rébellion, qui était une atteinte à la sûreté de l’Etat, JP Bemba en est arrivé à envoyer ses milices s’immiscer dans un conflit interne à un Etat tiers, il s’était rendu coupable de mercenariat.
- Lorsqu’au terme de dix années de procédure, le CPI finit par l’acquitter et le renvoyer de fin de toute poursuite, cela ne signifie pas que les troupes de Bemba n’avaient pas commis les actes qui leur étaient reprochés et pour lesquels il était poursuivi comme auteur intellectuel. Il est, en effet, connu que Bemba a été acquitté à la suite, non pas du manque des preuves sur sa culpabilité, mais des graves dysfonctionnements au niveau de la CPI.
- Les poursuites maintenues contre lui pour subornation de témoins ont abouti à sa condamnation définitive dont la peine devra être connue ce 17 septembre 2018.
- Dans cette seconde affaire, JP Bemba s’est, en réalité, rendu coupable d’atteinte à l’administration de la justice au moyen de la subornation de témoins, chose plutôt gravissime pour quelqu’un qui aspire à devenir magistrat suprême.
- Le MLC et des opposants se sont rendus coupables d’une violation en bande de l’indépendance et la neutralité de la CENI en faisant injonction sur un membre de celle-ci, Mme Mishika, pour avoir des informations sur les délibérations. Cette dame, issue du MLC, avait d’ailleurs claqué la porte de la plénière pour protester contre la tournure que prenait le débat sur la candidature de JP Bemba.
Autant donc d’actes délictueux et immoraux parmi tant d’autres qui devraient pousser à la modestie et à la pudeur si réellement on a de l’amour pour le Congo et du respect pour le peuple souverain. L’intérêt supérieur de la Nation n’est pas à confondre avec les ambitions personnelles. Les lois de la République et les codes moraux de la société ne doivent pas être mis au service de ces ambitions personnelles…
PDM