François Rubota, Secrétaire général récusé du Mouvement Social pour le Renouveau (MSR) – parti initié par Joseph Kabila et autre fois dirigé par feu Pierre Lumbi – a pris ses libertés du FCC pour aller se jeter dans les bras de Félix Tshisekedi. Depuis une dizaine de jours, il ne cesse d’en faire état et de laisser entendre qu’il est parti aussi bien avec le MSR (23 députés nationaux) qu’il dirigeait jusque-là qu’avec la plate-forme Alliance des Démocrates pour le Renouveau et le Progrès (ADRP-17 partis politiques officiellement), dont le MSR est le parti phare. Objectif officiel affirmé : répondre à l’appel du Chef de l’État pour la constitution de l’Union sacrée.
Mais les observateurs ne sont pas dupes de toutes ces déclarations de ralliement qui ne se lisent pas autrement qu’étant une quête de positionnement doublée du clientélisme de la part de leurs auteurs. D’ordinaire, d’ailleurs, ces déclarations d’allégeance sont le fait des responsables des partis et regroupements politiques sans aucun engagement préalable des autres sociétaires. Ces cris de ralliement ciblent plutôt le partage du pouvoir qui est l’ultime dénouement de la croisade tshisekediste qui, elle aussi, ne vise que le contrôle total et exclusif de toutes les manettes du pouvoir.
L’équipée solitaire et stérile de François Rubota
En ce qui le concerne, François Rubota a du mal à cacher son jeu qui vient d’être mis à nu depuis que les sociétaires du MSR et de l’ADRP viennent de le désavouer. Ancien député national et candidat malheureux à la dernière législature de 2018, Rubota vivait mal sa position au sein du FCC où des membres de son parti et de sa plateforme sont mieux positionnés que lui dans les institutions nationales et provinciales.
En effet, à ce jour, François Rubota n’est que Directeur de la Caisse nationale de péréquation, une structure dont l’existence n’est encore que virtuelle malgré les salaires et les frais de fonctionnement qui sont versés de temps en temps. « Oubliant que sa condition était dictée par le refus de Tshisekedi de voir des chefs de partis et regroupements politiques au gouvernement, le voilà qui s’en va quand même à la quête d’un meilleur positionnement pour un maroquin plus intéressant », commente un élu du Sud-Kivu qui dit le connaître très bien.
Pour y parvenir, François Rubota aurait usé de sa position d’ « autorité morale » du MSR et de l’ADRP pour engager ceux-ci sans une concertation préalable avec les sociétaires ou, tout au moins, avec leurs comités de direction respectifs. Surtout qu’avec ses fonctions de mandataire actif, il ne peut plus diriger des formations politiques.
« Il a peut-être réussi à repêcher quelques-uns d’entre nous mais pas plus », ajoute notre interlocuteur. « Autrement, poursuit-il, Rubota ne serait pas là à s’agiter à travers les médias. Et d’ailleurs, avez-vous déjà entendu quelqu’un d’autre que lui réclamer l’appartenance de l’ADRP à l’Union sacrée ? L’avez-vous déjà entendu parler même du MSR par lequel il est censé appartenir à la plate-forme ADRP ? »
MSR : Joseph Kabila gagne un précieux point psychologique sur Fatshi
Le MSR avait été initié dans les années 2005 par Joseph Kabila pour être un vaste mouvement social par lequel il comptait de constituer une nouvelle classe politique avec des jeunes à recruter dans tous les domaines et secteurs socio-économiques et professionnels. Aux élections de 2006, le MSR va se positionner pour concourir aux côtés d’autres partis et regroupements politiques. Cela est, cependant, rendu impossible par la loi électorale qui exclue les organisations de la société civile de la compétition électorale.
Ce mouvement, dirigé alors par Pierre Lumbi, participera quand-même aux élections, officiellement comme parti politique. Il réussit, avec le nombre de députés élus, à devenir la deuxième force politique de l’AMP – la majorité présidentielle de l’époque – après le PPRD.
À la suite de la défection de Pierre Lumbi qui s’en va de la MP avec Moïse Katumbi en 2015, le MSR est tiraillé entre celui-ci et les sociétaires demeurés fidèles à Joseph Kabila. L’épilogue de cette guéguerre intervient à la faveur des élections de 2018 lorsqu’il est découvert que depuis 2005, le MSR n’avait pas d’existence légale comme parti politique. L’aile FCC bat Lumbi de vitesse et réussit à obtenir une personnalité juridique. Pierre Lumbi s’incline et crée son propre parti, le MS, dans la mouvance katumbiste.
Au-delà donc d’une quête de la majorité, l’enjeu du MSR représente une bataille psychologique pour Félix Tshisekedi qui affronte presque directement son prédécesseur sur le front politique. Une bataille qui, manifestement, tourne à l’avantage de Joseph Kabila.
Rubota, un bois mort pour Tshisekedi ?
Pour revenir à François Rubota, on comprend ses manœuvres solitaires car basées sur le manque d’un socle utilitaire pouvant intéresser Félix Tshisekedi. Déjà étant loin d’atteindre la carrure d’un Pierre Lumbi dans la très complexe province du Sud-Kivu où il doit encore s’expliquer pour avoir abandonné son « frère » (Lumbi) tout en étant en conflit ouvert avec Bahati Lukwebo, il n’est pas député national pour lui (Tshisekedi) apporter son concours à la quête de la majorité à l’Assemblée nationale.
De plus, tout en n’ayant, de toute évidence, pas la main mise sur le MSR et l’ADRP, Rubota est gêné dans ses calculs par un autre fait : avec ses 23 députés, l’ADRP n’a pas atteint le seuil nécessaire (25 députés) pour se constituer seule en groupe parlementaire. Déjà en difficulté d’apporter à Tshisekedi ces 23 députés, sa bataille risque d’être vaine, d’une part parce qu’un député qui quitte son groupe parlementaire, constitué des partis politiques, quitte automatiquement son parti sous lequel il a été élu. Conséquence : il perd son siège. D’autre part, en se désinscrivant en bloc (comme groupe parlementaire) de la majorité formellement reconnue dans les archives de l’Assemblée nationale, les partants deviendraient plutôt des non inscrits et n’iraient pas gonfler les rangs d’une autre majorité.
Selon le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, en effet, le député n’a le droit de s’inscrire comme majorité ou opposition qu’une seule fois en début de législature.
Dans tous les cas de figure, l’Union sacrée est en train d’accueillir en son sein un « bois mort » qui ne lui rapporterait aucun gain dans ses équations politiques. Et François Rubota n’est pas seul dans ce genre de cas. La bataille pour la nouvelle majorité est donc loin d’être gagnée… Sauf, bien entendu, si on défonce les lois et règlements comme cette croisade politique a habitué les bonnes consciences…
Jonas Eugène Kota