La Cour constitutionnelle serait-elle sous l’emprise d’un mauvais sort ? La citadelle du droit avait habitué les consciences à des infidélités avec la légalité, mais ce qui s’est produit mardi 10 mai 2022 a crevé l’écran. Le scénariste de la mauvaisure n’a tout simplement jamais fait mieux…
Contre toute attente, même des juges de la haute cour ont été surpris d’apprendre qu’il allait y avoir un tirage au sort. Certains sont sortis de leurs bureaux et se sont dessiller les yeux pour s’assurer qu’ils ne cauchemardaient pas. Mais la vérité était là, dans toute la splendeur de sa laideur. Même la réunion de conciliation tenue à la hâte pour calmer les ardeurs ne rien changé.
Conséquence : quatre – seulement quatre – juges ont bu le calice jusqu’à la lie. Toute vergogne bue, ils n’ont même pas regardé au quorum de décision qui flottait loin au-dessus de leurs têtes. De décision, ils n’en avaient d’ailleurs pas besoin, puisqu’en fait de tirage au sort, les quatre gars se sont pendus aux lèvres de l’un d’entre eux qui a communiqué les deux noms des morituri qui devaient quitter la barque.
Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, et après avoir atteint l’objectif de débarquer leur président, il leur fallait s’en trouver un autre à titre intérimaire. Dieudonné Kamulete Badibanga, celui-là même qui remplace l’autre Dieudonné, n’a pas, lui non plus, eu besoin de regarder à la loi et au règlement intérieur qui régissent sa propre institution. Sinon il aurait appris que l’intérim en ce genre de circonstance revient au doyen d’entre eux.
Kamulete est, en effet, arrivé à la Cour constitutionnelle en 2020 dans la même mallette que Kaluba et Kalume Yasengo. Tous ont trouvé des juges nommés depuis 2014. Mais floqués « kabilistes », ils ne sont certainement pas rassurants… ce qui justifie certainement la défenestration du juge Prince Funga qui allait rempiler à l’intérim comme après que feu Benoît Lwamba fut démissionné.
Bref, tout, de bout en bout, sent une opération politique menée avec de gros sabots. Personne ne semble s’être inquiété de qu’en dira-t-on. Tout s’est passé au même moment où des voix de l’opposition, d’une bonne frange de la société civile et de plus en plus des « partenaires extérieurs » en appellent à la reconfiguration de la situation de la Cour constitutionnelle et de la CENI. Mais tous paraissent comme des chiens qui aboient pendant que la caravane passe.
Qua va-t-il se passer maintenant face à l’évidence de tous ces scandales juridiques ? Le Président de la République, garant de la nation et magistrat suprême, a regagné Kinshasa hier même, au soir de ce scandale et après une grosse pluie désapprobatrice. Dieudonné Kaluba, lui, va certainement enjamber la barre pour regagner l’autre côté du prétoire. Furax, l’avocat philosophe – on l’appelle affectueusement « Philo » -, est parti hier de la Cour constitutionnelle, laissant derrière lui tous les oripeaux du pouvoir.
Le tirage au sort aura ainsi laissé un mauvais sort à la haute Cour…
JEK