Face au refus des députés de revoir leurs émoluments à la baisse pour plus d’équité et de justice par rapport au reste de la population, le Chef de l’Etat a une double possibilité pour les interpeller et les raisonner : soit son prochain discours sur l’état de la Nation, soit le prochain budget qu’il peut renvoyer en seconde lecture, sans aller jusqu’à une confrontation institutionnelle qui déboucherait sur une crise politique. Au moins le peuple sera-t-il témoin quant à ceux qui souhaitent réellement son bien-être censé être la préoccupation prioritaire de tous.
Le débat à l’Assemblée nationale sur le règlement intérieur s’est clôturé sur une note amère pour le souverain primaire au sujet de la grande attente quant à la réduction du train de vie des institutions en général et, en particulier, la réduction des émoluments des membres de ces institutions, principalement les députés. La recommandation y relative de l’honorable Delly Sesanga a été rejetée à la quasi-unanimité des nouveaux députés nationaux, toutes tendances confondues. Personne, ou presque, n’a voulu suivre l’élu de Luiza dans son appel à la solidarité nationale en consentant de se départir d’une partie de ses émoluments. Le discours dominant voulait que le Gouvernement se donne les moyens pour améliorer le vécu quotidien des Congolais et les salaires du reste du personnel de l’Etat dans tous les secteurs, même l’armée et la police nationale. Seulement, les députés ont perdu de vue que ce sont eux, en tant qu’autorité budgétaire, qui donnent les moyens de sa politique au gouvernement à travers le vote du budget.
Dans sa requête et ses arguments, Delly Sesanga s’était largement répandu sur les inégalités criantes dans le traitement des différentes catégories d’agents et cadre émargeant au budget de l’Etat par rapport au revenu des députés qui, au fil des sessions, se révisait à la hausse sans base de calcul connue. Ces émoluments sont ainsi partis de 1.500 $ en 2003 à 6.000$ en 2006 puis 13.000$ en 2011 sans aucune justification.
Pour besoin d’équité et de justice, Dellys Sesanga a proposé que les émoluments des députés nationaux à 5.000$. pour lui, et pour une large majorité des Congolais, il est question de réduire les graves disparités qui s’observent lorsqu’un députés touche 13.000$ pendant qu’un général de l’armée touche moins 200$ officiellement ; qu’un Professeur d’université touche 2.000$ contre à peine 120$ pour son assistant; qu’un magistrat soit payé 700$ alors que le greffier divisionnaire gagne plus ou moins 100$ pendant que les fonctionnaires et autres enseignants ou infirmiers ont des salaires inférieurs à 100$?
Face à la nécessité de réduire absolument ces disparités pour rentrer dans les normes admises (les salaires des députés et le fonctionnement des institutions absorbent 61% du budget national), tous les regards sont tournés vers le Président de la République pour un ultime arbitrage. Loin d’être appelé à imposer une décision et conformément au principe de séparation des pouvoirs, Félix Tshisekedi est attendu sur le terrain de la conciliation pour tenter de raisonner les élus du peuple. En sa qualité de garant de la Nation, Le chef de l’Etat dispose, pour ce faire, de deux moyens, à savoir son discours sur l’Etat de la Nation et la promulgation du budget de l’Etat.
A travers son discours sur l’Etat de la Nation qui intervient à la fin de l’année, le Président Tshisekedi a la possibilité de revenir sur le sujet pour interpeler les députés nationaux et relancer le débat. Et il a aussi la possibilité de renvoyer le prochain budget 2020 en seconde lecture pour demander des ajustements dans le sens de cette équité et cette justice.
La marge de manœuvre, pour cette dernière possibilité, est assez limitée en ce qu’il s’agit d’éviter toute forme de confrontation avec l’Assemblée nationale au risque de déboucher sur une crise politique du genre de celle de 1964 entre Kasa-Vubu et le parlement, crise qui conduisit Mobutu à prendre le pouvoir. Tout au plus le Président de la république aura-t-il pris l’opinion à témoin quant à sa réelle volonté de travailler à l’amélioration du vécu quotidien des Congolais face au front du refus des élus de ces mêmes Congolais.
JEK