J’ai lu l’Arrêté ministériel n°CAB/MIN/PTNTIC/AKIM/KL/Kbs/002 du 10 juin 2020 portant mise en place d’un système CEIR en République Démocratique du Congo qui conditionne l’accès au réseau de téléphonie mobile par l’enregistrement de tout appareil mobile. Cet Arrêté justifie sa prise par le besoin de vider du marché des appareils contrefaits et de prémunir contre le vol des appareils ; ce qui est plutôt bien. Mais ce qui choque et à juste titre, c’est l’érection à la même occasion d’une parafiscalité, consécutive audit enregistrement.
Les analyses me poussent à affirmer que cet Arrêté est à la fois inconstitutionnel et illégal. Et même s’il trouve une base, l’enregistrement prévu n’est nullement une préstation au bénéfice de la population qui pourrait donner lieu au payement d’une contrepartie.
Inconstitutionnel, pourquoi ?
L’article 174 de la Constitution attribue au seul législateur la compétence d’établir les charges fiscales ou parafiscales sur les contribuables. Or ces « frais » d’enregistrement institués par l’article 7 de l’Arrêté ministériel précité violent donc les dispositions de l’article 174 de la Constitution.
L’Arrêté du ministre est un acte réglementaire et non législatif. Il peut donc être anéanti juste pour cette raison.
Illégal, pourquoi ?
Les articles 34 et 35 de la Loi n°11/011 du 13 juillet 2011 relative aux Finances Publiques traitent des ressources de l’Etat, du pouvoir central. Et si les prétendus frais d’enregistrement étaient une taxe, ils devraient être repris dans l’Ordonnance-Loi 18/003 du 18 mars 2018 fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du Pouvoir central. Pourtant, ce n’est pas le cas.
En effet, l’Autorité de régulation de la Poste et des télécommunications au bénéfice de laquelle ces « frais » sont perçus, ne dispose que de deux actes, à savoir :
- La taxe de numérotation avec comme fait générateur l’attribution d’un bloc de numéro à un opérateur téléphonique ;
- La taxe de régulation des télécommunications avec comme fait générateur les appels entrants internationaux.
Vous vous rendez bien compte que les frais vantés n’y sont pas repris.
L’enregistrement effectué est-il une prestation au bénéfice de la population ?
Tout indique qu’il n’en est pas une ! Le Décret n°012/15 du 20 février 2012 fixant les modalités de de calcul et les taux des revenus des prestations de l’Autorité de Régulation de la Poste et des télécommunications qui a été modifié et complété par le Décret numéro 20/005 du 9 mars 2020 livre une idée de ce qui est la prestation payable, il y en a 5 notamment :
- Le règlement/ arbitrage des litiges avec comme fait générateur la demande d’arbitrage ;
- Le traitement de brouillage avec comme fait générateur la plainte pour brouillage ;
- L’examen des catalogues et contrats d’interconnexion avec comme fait générateur l’approbation desdits catalogues et contrats ;
- La gestion des activités d’interconnexion avec comme fait générateur la terminaison d’appel voix interconnecté national ;
- Gestion des services réseaux avec comme fait générateur la location de la bande passante.
La modification et le complément du Décret qui a inséré l’enregistrement n’ont pas répondu aux visées de la Loi sur les télécommunications. Au fait, ces prestations tirent leur soubassement de la Loi cadre n°13-002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC spécialement en son article 8. Ce qui avait fondé le Premier Ministre à prendre le Décret n°012/15 du 20 février 2012.
Vous allez donc constater que sans que la Loi cadre sur les télécommunications ne soit modifiée et complétée, le Premier Ministre va prendre un Décret de modification et complément qui inclut des matières non prises en compte pas la Loi cadre notamment en ce qui concerne l’enregistrement.
Si jamais cette identification présenterait un quelconque avantage, il serait pour les fabricants et des personnes qui auraient perdu leurs téléphones.
En effet, l’objectif de cet enregistrement identifie les possibles bénéficiaires des services que rendrait ledit enregistrement. Il s’agit notamment : des fabricants des appareils téléphoniques qui ont intérêt que leurs marques ne soient pas contrefaites, donc ce sont eux qui devraient payer et les personnes qui auraient perdus leur téléphones et qui auraient recouru aux services de l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications soit pour géolocalisation soit encore pour désactivation.
Exiger le paiement pour l’enregistrement serait comme faire payer le recensement de la population.
C’est donc une vaste escroquerie basée sur l’inconstitutionnalité et l’illégalité, donc sur du néant.
Me. Fabrice-Molière Kamala