PTNTIC : ENREGISTREMENT DES TÉLÉPHONES OU ESPIONNAGE DES CONGOLAIS ?

En fait de lutte contre la contrefaçon des appareils mobiles, leur vol et les maladies qu’ils peuvent occasionner, les Congolais soupçonnent que l’enregistrement de leurs appareils n’en rajoute au viol de la confidentialité de leurs données, notamment à des fins d’écoutes, de filatures ou d’espionnage industriel. En tous cas, les justifications de Kibassa ne convainquent pas.

De quoi retourne réellement le programme d’enregistrement des appareils mobiles annoncé par le ministère des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (PTNIC) ? Cette question ne cesse de susciter une vive polémique au sein de la population, tant la démarche souffre d’un certain déficit d’explication pour rassurer les uns et les autres.

Officiellement, le ministère des PTNIC avant trois arguments majeurs à la justification de cette opération : 1. Elle facilite la lutte contre la contrefaçon des appareils mobiles ; 2. Elle permet de lutter contre le vol des appareils mobiles, et 3. Elle permet, à terme, de préserver les utilisateurs contre des ennuis de santé dû, notamment, à la forte présence du plomb dans les appareils mobiles.

Les utilisateurs craignent le renforcement des écoutes, des filatures et de l’espionnage commercial et industriel

Pour autant que l’opération annoncée ait un soubassement légal suivant le décret du Premier ministre après délibération en Conseil des ministres, il ne reste pas moins que cette opération d’enregistrement des téléphones ne répond pas à d’autres préoccupations majeures des utilisateurs. Celles-ci sont liées principalement à la confidentialité des données des utilisateurs qui, elle, implique la préservation des droits et libertés des citoyens, notamment, contre d’éventuelles écoutes téléphoniques (surtout pour les politiciens), l’exploitation des données privées ou encore la protection des secrets industriels et commerciaux.

Les usagers craignent, en effet, que cet enregistrement de leurs appareils mobiles ne vienne renforcer certaines pratiques qu’ils déplorent déjà au stade actuel de la technologie. Il s’agit, sans détour, des écoutes téléphoniques couplées à des filatures au moyen de la triangulation et d’autres formes de géolocalisation déjà existantes. Les industriels, eux, craignent que cette identification, couplée aux numéros de téléphone et autres données, n’en rajoute aux aléas de violation de leurs secrets commerciaux et industriels.

Il est donc clair que les explications apportées jusque-là ne suffisent pas. Plus encore, en les comparant à l’importance des craintes, somme toute légitime, évoquées ci-haut, les soupçons qui se cristallisent déjà mériteraient bien de plus amples justifications. Ceci est d’autant plus important que la matière confine aux droits et libertés des citoyens qui sont protégés par la Constitution.

Les justifications de Kibassa ne convainquent pas !

Au sujet de l’argument sur la lutte contre la contrefaçon des appareils mobiles, les Congolais se demandent en quoi cela leur profiterait de financer une telle opération avec les frais qu’ils sont appelés à débourser alors que la RDC ne dispose pas d’une industrie de production de ces appareils. Pour eux, en effet, le Gouvernement dispose déjà d’un outil attitré pour ce faire, à savoir l’Office congolais de contrôle. Posté aux frontières, en effet, et en renforçant ses capacités technologiques avec le concours du ministère des PTNTIC, l’OCC est mieux placé pour détecter et identifier les produits contrefaits à détruire ou à renvoyer à leurs expéditeurs.

A propos de la lutte contre le vol des téléphones, cela ne rassure pas non plus lorsqu’on sait que la technologie déjà existante permet de localiser et retrouver des appareils volés. Il serait alors question de renforcer les moyens de la police pour lutter contre ces vols.

Enfin, au sujet des préoccupations de santé, un travail de l’OCC à la source, c’est-à-dire à l’entrée des appareils contrefaits bien avant leur acquisition par les utilisateurs, devrait mieux aider à préserver la santé des utilisateurs.

Pour toutes ces raisons et tant d’autres, Augustin Kibassa Maliba, qui avait amené son projet au Conseil des ministres, devrait avoir le courage de revoir sa copie afin de rencontrer, de manière responsable, les préoccupations de la population. En tout cas, la théorie du complot que le ministère oppose à ces préoccupations n’est qu’une paranoïa dénuée de tout sens d’Etat. Le peuple a des droits…

Jonas Eugène Kota

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