LE KONGO CENTRAL DANS UNE SAGA JUDICIAIRE IMMORALE (Suite et fin)

Dans la première partie du présent dossier, nous avons retracé l’affaire épique de la sextape au sommet de la province du Kongo Central avec ses épisodes dramatiques au plan éthique. Une affaire qui a longtemps déteint sur la sérénité du sage peuple Ne Kongo jusqu’à salir l’image des institutions publiques et compromettre dangereusement la justice. Cette suite s’appesantit justement sur cette partie judiciaire qui vient, de justesse, d’être sauvée par l’intervention du Vice-Premier ministre en charge de la Justice.

Pauline Mvibudulu, nouveau cheval de Troie de Matubuana

La saga immorale du Kongo Central ne s’arrête pas à la déchéance d’Atou Matubuana au terme d’une plénière délocalisée vers un hôtel de la ville de Matadi. Il était dit, en effet, le Gouv déchu avait plus d’un tour dans ses manches jusque dans les catacombes. Alors que les carottes semblaient définitivement cuites pour lui, l’homme va surgir de là où on l’attendait le moins : en justice.

L’affaire, en fait, c’est celle de Pauline Mvibudulu. Elue de Luozi, cette dame avait été nommée ministre au sein du Gouvernement Matubuana. Le soir du 3 décembre, Mme Mvibudulu démissionne du Gouvernement provincial où elle occupe le portefeuille de l’agriculture, développement rural, environnement, pêche et élevage. Ce soir-là, cependant, Mvibudulu n’est pas la seule à rendre son tablier ministériel. Serge Kwebena Ntanda aussi se libère de ses fonctions à l’éducation, affaires sociales, information, communication, presse et médias.

Pure coïncidence ou nouvelle manœuvre en cette soirée qui ressemble à une nuit des longs couteaux ? On ne tardera pas à le savoir. Mais en attendant, les deux démissionnaires se retrouvent dans leur argument de « convenances personnelles » pour justifier leur démission.

 Au matin du fatidique 4 décembre, Pauline Mvibudulu se pointe à l’Assemblée provinciale pour reprendre son siège occupé depuis sa nomination au Gouvernement par son premier suppléant Célestin Lusiama. Dans le camp de Matubuana, en effet, ce dernier serait devenu incontrôlable et ne serait donc plus sûr pour le vote qui doit se tenir ce jour. Revenue à la Zorro, Pauline Mvibudulu a donc mission de reprendre le bulletin de vote de Lusiama en prévision d’un vote au profit du Gouv’. La manœuvre pro-Matubuana est claire, mais sera sans effet, car le bureau va s’opposer à cette reprise automatique du siège sans la moindre notification officielle du changement de statut de Pauline Mvibudulu. C’est ce qui, entre autres, mettra le feu à l’Assemblée provinciale.

Face à cette déconvenue, et toujours sur instigation manifeste de son mentor de Gouverneur, Mvibudulu va ouvrir un nouveau front qui, à son tour, va devenir un nouvel épisode de cette saga politique de l’immoralité. La députée-ministre-députée saisit, par citation directe, le Tribunal de paix de Matadi contre son suppléant Célestin Lusiama qu’il accuse d’usurpation de fonction et de faux. Et dans une diligence qui n’a d’égal que l’étrangeté de ce qui arrive à la province du Kongo Central depuis des mois, le Tripaix siège 24 heures après sa saisine, se déclare compétent et rend, en date du 31 janvier 2020, son jugement par défaut sous RP 16.598.

Célestin Lusiama sous perfusion de la corruption !

Jugement par défaut puisque le juge en charge du dossier a eu le temps de refuser la comparution des avocats porteurs de procurations et pièces de leur client accusé. Député en fonction et jouissant pleinement des immunités dues à son mandat, Célestin Lusiama est condamné à 12 mois de servitude pénale et 8.000.000 FC de dommages-intérêts en faveur de Pauline Mvibudulu.

Mais le juge ne s’arrête pas dans sur sa lancée spectaculaire. Il ordonne la destruction des procès-verbaux des plénières des 04, 23 et 27 décembre 2019 de l’Assemblée provinciale du Kongo Central auxquelles le député Lusiama avait pris part. Le juge justifie cette décision par le fait que les actes posés par Lusiama constituaient des infractions d’usurpation des fonctions publiques et de faux en écriture.

Tollé général dans la ville et nouveau choc dans les consciences : comment un Tripaix peut-il juger un député jouissant de son mandat jusqu’à ordonner la destruction des documents d’une assemblée parlementaire, première institution de la province ? Le juge naturel d’un élu provincial est, en effet, le Tribunal de grande instance. Tout naturellement, Célestin Lusiama interjettera appel au TGI contre ce jugement inique et en contradiction notoire avec les dispositions constitutionnelles et d’autres lois.

Nouveau coup de théâtre : à l’appel de l’affaire au second degré, le député Lusiama renonce à son appel et, naturellement, le TGI/Matadi  confirmera l’œuvre du premier juge. Concrètement, Lusiama qui était parti en appel accepte de purger 12 mois de prison et de verser 8.000.000 Fc à son adversaire. Impensable comme résignation qui, par ricochet, livre l’Assemblée provinciale à une hérésie judiciaire !

Tancé par ses collègues qui le rappellent au sens de dignité et d’Etat, convaincus qu’il a aussi succombé aux espèces vertes, le député Lusiama finit par revenir à la raison et se pourvoit en cassation. Dans le même temps, et pour sauver la cause de son institution, le Président de l’Assemblée Provinciale conteste ce nouvel arrêt en saisissant le VPM/Justice et, ce faisant, le Procureur Général près la Cour de Cassation.

Anatole Matusila saisit Célestin Tunda qui sauve les meubles de justesse

Mais vaincu par on ne sait quoi, le député Lusiama va de nouveau désister de son pourvoi en cassation inscrit sous RP 1378, acceptant à nouveau sa condamnation pénale et la destruction des procès-verbaux de l’Assemblée provinciale du Kongo Central. Heureusement, grâce à la démarche d’Anatole Matusila, le VPM Tunda Ya Kasende va, conformément à la loi, faire une injonction au Procureur général près la Cour de cassation afin que celui-ci se pourvoi en cassation contre ce jugement insolite du Tripaix et du TGI/Matadi.

Le VPM/Justice, soucieux de l’intérêt supérieur de l’Etat et du respect de la loi, ne pouvait qu’agir ainsi pour ne pas créer un fâcheux précédent jurisprudentiel qui ferait, à l’avenir, que les députés provinciaux soit condamnés en matière pénale par un tribunal de paix plutôt que par une cour d’appel tel que prévu dans la Constitution. Dès lors le jugement du Tribunal de Paix de Matadi rendu sous RP 16.598 et ayant ordonné illégalement la destruction des procès-verbaux d’une Assemblée législative ne sera pas exécuté, en attendant l’examen par la Cour de cassation du pourvoi du Procureur général près cette Cour grâce à l’injonction du VPM Tunda.

La saga judiciaire immorale du Kongo Central est ainsi suspendue à la démarche du PG de la Cour de cassation agissant désormais comme ministère public. Toutes les bonnes consciences, au Kongo Central comme à travers le pays, espèrent que cette saga prendra fin et, avec elle, la folie de tous ceux qui croyaient avoir la loi dans leur poche, callée entre des billets verts qui achètent tout. Ces mêmes consciences espèrent de toutes leurs fibres que les auteurs de cette série d’ignominie qui ont terni l’image des institutions publiques ne resteront pas impunis, surtout qu’ils sont notoirement connus.

Jonas Eugène Kota

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