Pendant que les Congolais se crêpent les chignons sur les causes des scandaleux dépassements budgétaires pour l’exercice 2019, le crédit confiance de la RDC, lui, prend un sacré coup auprès des institutions de Bretton woods. A Washington, en effet, les cols blancs du Fmi et de la Banque mondiale en sont encore à se demander comment les Congolais ont fait pour crever les plafonds à ce point, avec un budget aussi dérisoire pour les moyens du pays. Surtout avec les recommandations strictes faites à la RDC au moment de la relance des discussions pour un nouveau programme, notamment de réduire le train de vie des institutions.
On se rappelle que c’est le Président de la République en personne qui avait noué les premiers contacts avant que le ministre des finances ne prenne le relais pour conduire les négociations jusqu’aux premiers décaissements avant la conclusion d’un programme formel. Celui-ci se trouve encore retardé par certaines conditionnalités non encore rencontrées par la RDC au moment où éclate ce scandale des dépassements budgétaires. « Et ce n’est pas fini », renchérit un expert financier congolais qui observe que « déjà à ce stade, les dépassements mensuellement publiés par la Direction générale des politiques et programmation budgétaire (DGPPD, une structure du ministère du budget) pour l’exercice 2020 ne sont pas pour rassurer les partenaires financiers, même la banque africaine de développement ».
En effet, en dix mois au cours de cette année, les dépenses de rémunérations à la Présidence ont atteint 142 368 560 659 FC (soit 76,87 millions USD sur le taux rectificatif de 1852 FC/1 Usd. Les prévisions linéaires de départ étaient fixées à 84 352 062 560 FC (45,546 millions USD), ce qui dégage un taux de dépassement de 70,19% en dix mois d’exercice.
Frissons et perplexité au FMI
Certes, il n’y a pas que la présidence qui a excellé dans ce qui passe désormais pour un sport institutionnel avec les finances publics. La Primature et bien d’autres ministères s’y sont également adonnés au point d’en priver d’autres des ressources, notamment le secteur de la pêche et élevage ou encore du développement rural.
Mais le cas spécifique de la Présidence de la République interpelle en ce que c’est d’ici qu’il était attendu une nouvelle orientation pour une plus grande discipline dans l’exécution du budget. L’espoir était d’autant plus fondé que le chef de l’Etat en avait donné sa garantie personnelle pour rassurer la Banque mondiale et le FMI. Dès le départ, en effet, ces deux institutions de Brettons Wood avaient vivement recommandé aux Congolais, parmi les mesures à prendre, de réduire le train de vie des institutions.
La Présidence de la République a, cependant, emprunté le sens tout à fait contraire avec des initiatives qui finiront par faire exploser ses provisions budgétaires : triplement des salaires, multiplication des technostructures qui riment avec l’augmentation du personnel, des frais de fonctionnement et d’équipements, etc. A ne pas oublier l’élévation des nouveaux hauts cadres à des rangs protocolaires supérieurs qui ont occasionné des imputations financières conséquentes. Sans oublier, non plus, les multiples voyages du chef de l’Etat et le programme de 100 jours, non budgétisé en 2019, mais qui ont grevé les finances jusqu’à entamer les réserves stratégiques. Le tout pour un résultat qui est encore très loin de se démontrer, alors que des procès sont passés par là pour des détournements de fonds.
« de telles dilapidations des finances – qui atteignent jusqu’à 90% du budget pour la seule ; rubrique des rémunérations sont caractéristique d’un manque d’orthodoxie financière et de discipline budgétaire. Deux fléaux tenus particulièrement en horreur par les spécialistes de la finance. Et la RDC passe pour un cas d’école pour un pays en sérieuses difficultés financières mais qui se montre plus gourmande qu’elle n’est capable de produire des recettes conséquentes pour répondre décemment à ses besoins.
« Ne nous étonnons pas que cela ne se passe pas sans conséquence »
« Il s’agit-là de traves gabegies financières que, dans leur discipline, les institutions de Brettons Wood ne laissent pas passer d’habitude », commente encore l’expert financier qui ajoute : « il n’y a point de doute que le moment venu, ils ne manqueront pas de le faire savoir, et ne nous étonnons pas que cela ne se passe pas sans conséquence ». En d’autres termes, la RDC pourrait se voir à nouveau recalée pour la conclusion, enfin, des programmes formels, surtout si la prochaine reddition des comptes pour l’exercice 2020 dégage de nouveau des écarts comme cela s’observe déjà à ce stade.
« J’ai eu un excellent échange avec le président de la DRC Félix Tshisekedi. Nous avons discuté de l’importance pour le Gouvernement de prendre des mesures audacieuses pour augmenter les recettes, améliorer la gouvernance et protéger les dépenses sociales, tout en limitant les dépenses aux ressources disponibles ». Ainsi tweetait Kristalina Georgieva, Directrice du FMI, début mars 2020 après une rencontre avec Félix Tshisekedi à Washington.
La République démocratique du Congo est en programme test avec le FMI depuis octobre 2019. Ce programme devait se clôturer à fin mai 2020 éventuellement par la conclusion d’un accord formel triennal qui devait intervenir au second semestre de cette année. Mais ces perspectives ont dû être repoussées en raison de la crise due çà la pandémie du convid-19.
Jonas Eugène Kota