Affaire 80 millions Usd : le cabinet Bandubola dément sans démentir

Après un communiqué vide de pertinence de sa cellule de communication et une offensive numérique dans les réseaux sociaux, le cabinet de la ministre de l’Economie nationale a convoqué, mercredi 7 avril, une conférence de presse pour tenter, sans succès de nouveau, de démentir l’affaire des Usd 80 millions dus aux pétroliers ainsi que la décote de Usd 12 millions dégagée au titre de rétro commission dont certaines personnes se seraient partagées à partir d’un crédit contracté auprès de Rawbank. « Sans succès encore », soutenons-nous, du fait que le Directeur de cabinet de la ministre, qui s’est livré à la besogne, s’est limité à décrire le processus habituel conduisant à la certification de la créance de la profession pétrolière dans le cadre du Comité d’amortissement de la dette.

Paul Luwansangu s’est, cependant, gardé de toucher à la question de fond. Celle-ci intervient en aval du travail décrit par le Dircaba de Bandubola et porte sur les conditions ayant conduit au paiement du pactole et au prélèvement de la rétro-commission.

Entorse au code d’éthique et de déontologie du journaliste

Deux constats majeurs méritent d’être relevés de cet exercice de communication. Le premier est que le cabinet Bandubola a abusé de la bonne foi des confrères pour les amener à enfreindre le code d’éthique et de déontologie régissant leur profession. L’article 15 de ce dernier interdit, en effet, au journaliste de démentir ou rectifier une information qu’il n’a pas publiée.

Dans le cas sous examen, le cabinet Bandubola a convoqué des médias et des journalistes indépendants qui n’ont pas publié le dossier sous examen, omettant délibérément ceux concernés dont votre média en ligne comme l’exige la pratique en la matière. Etonnant, tout de même, que le chargé de communication d’Acacia Bandubola, lui-même journaliste, se permette une telle bavure sur la déontologie jusqu’à célébrer un certain triomphalisme après la production des journalistes convoqués. Les instances attirées de la profession se pencheront utilement sur la question.

Exposé théorique pour détourner l’attention de la vérité

Le deuxième constat porte sur le fond même du dossier. Évitant de l’aborder, le Dircaba  Paul Luwansangu s’est donc limité à décrire le processus en amont conduisant à la certification des créances des pétroliers par rapport à l’État congolais, juste pour justifier que le cabinet du Premier ministre était bel et bien impliqué dans toutes les négociations. Et aussi pour vanter quelque haut fait d’arme de sa ministre.

Ce processus consiste en un croisement des créances entre les gains de l’État dans les activités des pétroliers d’une part, et, d’autre part, les droits de ces pétroliers suivant un certain nombre de paramètres. Il s’agit, entre autres, du prix moyen frontière, du volume des ventes par rapport aux importations, des fluctuations du taux de change par rapport à celui ayant servi de base à la fixation des prix à la pompe, etc.

Nos confrères sont certainement repartis un peu moins bêtes avec cet exposé théorique. Avec, en prime, quelques informations sur les résultats des négociations qui, selon le Dircaba, ont permis de rabattre les prétentions de créances des pétroliers de Usd 192 millions de la période concernées à 116 millions sur lesquels l’ordre sera donnée de payer Usd 80 millions.

C’est ici que débute le dossier que le cabinet Bandubola a choisi de zapper pour des raisons inconnues. Tout party, en effet, de la lettre du Directeur de cabinet a.i du chef de l’Etat datée du 22 janvier 2021 adressée à la ministre de l’Economie nationale avec copie pour information au ministre des Finances, entre autres. Dans cette correspondance, Eberande Kolongele demande à Acacia Bandubola de procéder au paiement, en urgence, de la somme de Usd 80 millions aux pétroliers suivant le tableau de répartition précédemment élaboré par celle-ci au terme des négociations avec les bénéficiaires lors de la certification des créances.

Kolongele Eberande connaissait très bien l’incontournabilité du Premier ministre dans les rapports entre le Gouvernement et le chef de l’Etat

Et le hic part déjà d’ici lorsque Kolongele omet de copier le Premier ministre pour des raisons qu’il est seul à connaître. Par cet acte, le Dicarb a.i du chef de l’Etat brûle le principe d’interministérialité consigné dans l’ordonnance présidentielle portant attributions des ministères, rapports entre les ministères ainsi qu’entre le Gouvernement et le chef de l’Etat. Selon ce principe, le Premier ministre est l’unique interface entre le Président de la République et le Gouvernement. Cela veut dire que le chef de l’Etat ne s’adresse aux ministres que par l’intermédiaire du Premier ministre et inversement.

Le professeur docteur Kolongele connaît parfaitement ce principe pour l’avoir déjà exploité dans le cas des mises en place des Secrétaires généraux opérées en son temps par la ministre de la Fonction publique. C’est lui, Kolongele, qui avait saisi le Premier ministre en copiant la ministre pour relever les irrégularités qui avaient entaché ces mises en place. Sylvestre Ilunga procédera alors à un arbitrage en son cabinet entre les deux parties avant d’instruire la ministre de la Fonction publique de rapporter son arrêté.

Les vraies questions que le Dircaba de Bandubola a esquivées

Pourquoi et dans quelle intention Kolongele a-t-il choisi d’ignorer ce procédé dans le cas des 80 millions Usd ? Au ministère de l’Economie nationale, on a tenté maladroitement de justifier cela par le fait que le Gouvernement était démissionnaire, ce qui est faux. A la date du 22 janvier 2021, le Premier ministre et son Gouvernement étaient encore de plein exercice.

La même question concerne     également la ministre de l’Economie qui, répercutant les instructions du Dircab Kolongele, va écrire, à la même date du 22 janvier 2021 (bien retenir cette célérité épistolaire), au ministre des Finances sans copier, elle non plus, le Premier ministre. Ceci est d’autant plus étonnant qu’Acacia Bandubola avait, auparavant, transmis à Sylvestre Ilunga le rapport des négociations avec les pétroliers ainsi que le tableau de répartition du pactole de Usd 80 millions.

Pour le Dircaba  Luwansangu, 80 millions Usd sont sans importance !

Interrogé sur cette omission, le Dircaba  Paul Luwansangu a bafouillé pitoyablement. Il a affirmé d’abord que la lettre de sa ministre datée du 22 janvier 2021 était un accusé de réception de celle du Dircab du chef de l’Etat alors qu’elle s’adressait à son collègue des finances. Certainement conscient de la fausseté de son affirmation, il va se raviser pour dire que c’est un détail sans importance puisque sans impact sur le quotidien des Congolais. Paul Luwansangu veut tout simplement dire que la dilapidation de 80 millions Usd du trésor public est sans importance. Dont acte.

Cette exclusion du Premier ministre dans ce circuit aux allures maffieuses rappelle de manière troublante la manière dont avaient été gérés, en 2019 – toujours entre la Présidence de la République et le ministère de l’Economie, et à l’insu du Premier ministre d’alors – la décote de Usd 15 millions des pétroliers partis en rétro commissions tel que l’avait déclaré le Président Félix Tshisekedi lui-même. On croit alors comprendre que les meneurs de cette nouvelle l’opération avaient voulu agir dans le dos de Sylvestre Ilunga pour contourner son intrépidité en matière de gestion des finances publiques avec son pacte de stabilité macroéconomique et financier passé avec la Banque centrale. Ce pacte a comme ennemi public numéro 1, les décaissements en procédure d’urgence.

Et vinrent les « warriors » à la Rawbank

Et ce n’est pas tout. Ce que le Dircaba de la ministre Bandubola a également omis de dire, c’est pourquoi, faute d’avoir réussi à mouvementer le Trésor public, on en arrivera à contracter une dette avec intérêt auprès de la Rawbank au nom de l’Etat. Qui a ordonné de contracter cette dette et pourquoi ? Pourquoi, ici aussi, le Premier ministre n’a-t-il pas été informé ? Pourquoi et dans quelle intention Acacia Bandubola a-t-elle estimé, cette fois-ci, utile de copier son Premier ministre juste quand elle demande à son collègue des Finances d’accorder que les groupements des pétroliers nationaux (seulement) soient payés par la Rawbank ?

On ne reviendra pas, non plus, sur le pactole de Usd 12 millions que se sont partagés, au titre de rétro-commissions, des bonzes haut perchés au sommet de l’Etat et des multinationales qui avaient facilité l’octroi de la datte par la Rawbank.

Mais on ne s’étonnera pas moins de ce choix de l’endettement quand on sait que la consolidation de la créance des pétroliers était passée par une âpre négociation sur  le coût financier des opérations des pétroliers. Ceux-ci avaient, en effet, affecté un coefficient d’intérêt sur les emprunts qu’ils effectuaient auprès des banques privées pour leurs importations au-delà de la période de trois mois seulement qui leur avait été accordée suite aux difficultés de trésorerie connues par l’Etat congolais. C’est ce qui fit alors rabattre le montant final de la créance de 192 millions à 116 millions Usd sur lesquels 80 millions viennent d’être payés dans des conditions obscures.

Pendant au moins une heure, le Dircaba d’Acacia Bandubola se sera ainsi escrimé devant la presse sans rien démentir. Résultat : la suspicion ne fait que s’épaissir pendant que les finances publiques sont vampirisées…

Jonas Eugène Kota

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