ENQUETES AUX KASAÏ : L’ONU SIGNE UN SCANDALE

Alors que Genève avait commis des experts pour une assistance technique aux enquêtes de la justice congolaise dans le dossier des tueries des Kamwina Nsapu, ces experts se sont mués en enquêteurs pour produire un rapport publié ce mercredi matin par RFI. Une publication qui viole aussi bien l’accord trouvé le 22 juin 2017 à Genève que le principe du secret de l’enquête pré-juridictionnelle de la justice congolaise qui en avait le plein leadership.

C’est certainement un nouveau point de friction qui s’ouvre entre Kinshasa et les Nations-Unies au sujet des enquêtes menées depuis juillet 2017 aux Kasaï sur les tueries liées à l’insurrection dite de Kamwina Nsapu. Ce mercredi 27 juin 2018, en effet, RFI a fait état, dans ses éditions matinales, d’un rapport d’enquête rendu publique par la Commission des Nations-Unies aux droits de l’homme. Un rapport qui incrimine aussi bien des forces armées régulières de la RDC qu’une milice appelée « Bana Mura » présentée comme supplétif des FARDC, et la milice insurrectionnelle dite Kamwina Nsapu.

 

Des experts qui se muent en enquêteurs !

A Kinshasa, personne n’a, cependant, souvenance d’une enquête qu’aurait commise la Commission des droits de l’homme de Genève sur les tueries perpétrées pendant plus d’une année dans cette partie de la RDC. On se souvient simplement qu’il avait été décidé de la désignation d’experts qui devaient venir en appui aux enquêtes déjà en cours de la justice congolaise. Pendant quatre jours, dont une nuit blanche, deux camps s’étaient livré à une bataille épique entre ces deux options : soit une enquête internationale, soit la désignation d’experts. L’on avait, d’une part, l’Union Européenne (Belgique, Grande-Bretagne, France) et les USA, et, d’autre part, la RDC et le bloc diplomatique africain (avec la Tunisie, l’Egypte, l’Afrique du Sud et l’Angola ainsi que l’Union africaine).

Au matin du 22 juin 2017 enfin, une issue se dégagera pour départager les deux camps. La Belgique, qui portait la position euro-américaine, avait décidé de se rétracter, laissant ainsi triompher la position africaine. Conclusion, selon un communiqué de la Commission, « l’ONU ne lancera pas une mission d’enquête internationale sur les violences au Kasaï, en RDC. Le Gouvernement congolais conservera la direction des investigations après le retrait d’un projet de résolution au Conseil des droits de l’homme à Genève ».

 

La justice militaire congolaise avait le leadership sur l’enquête

L’option retenue alors était donc l’envoi d’une équipe d’experts pour l’établissement des faits. Ces experts devaient remettre leurs conclusions aux autorités judiciaires congolaises auxquelles ils apportaient uniquement un appui technique. Le Haut-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme était, pour sa part, appelé à présenter, dans un an, un rapport au Conseil des droits de l’homme à New-York. Une tournure plutôt diamétralement opposée à la hargne de Zeid Raad al-Hussein qui, jusqu’au moment ultime, maintenait sa position pour une enquête internationale.

De son côté, la RDC s’était engagée, à travers une déclaration de son représentant à Genève, à « accueillir sur son sol une équipe d’enquêteurs des Nations-Unies venant en appui à la justice congolaise dans le but de faire la lumière sur les atrocités du Kasaï. Mais cet appui sera technique ou logistique et la justice congolaise gardera le leadership de ces enquêtes comme cela a été souligné dans le courrier adressé au Haut-commissaire le 9 juin dernier (Ndlr : 2017) ».

Et en date du jeudi 27 juillet 2017, l’ONU désignera trois experts pour accompagner la justice congolaise dans ses enquêtes. Le trio sera dirigé par le sénégalais Bacre Waly Ndiaye, ancien représentant spécial adjoint de la mission onusienne en RDC, et comprenant aussi le canadien Luc Côté, ancien conseiller juridique du Tribunal pénal international pour le Rwanda qui siégea à Arusha ; et la mauritanienne Fatimata Mbaye, avocate et vice-présidente de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), du moins à l’époque.

 

Comme avec la chaîne humanitaire pour les Kasaï

Kinshasa ne manquera certainement pas de réserver une suite à la publication du rapport d’une enquête dont sa justice militaire avait le plein leadership. Ceci d’autant plus que la divulgation de son contenu viole le principe du secret pré-juridictionnel et pourrait compromettre la suite du processus judiciaire. Un mauvais départ, en tous cas, alors que la RDC vient tout récemment d’obtenir, de manière tout aussi épique, un siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU à New-York.

Ce nouveau point de clash rappelle la récente crise qu’il y a eu entre Kinshasa et New-York au sujet de la conférence internationale qui devait se tenir à Genève pour une collecte de fonds en vue d’une assistance humanitaire aux sinistrés des Kasaï. La RDC n’avait pas supporté la catégorisation excessive de sa situation humanitaire qui la plaçait sur le même diapason que le Yémen et la Syrie, surtout que cette catégorisation s’était faite sans la participation du Gouvernement congolais. Et malgré les excuses du Secrétaire général adjoint de l’ONU, Kinshasa refusa de participer à ladite conférence.

Dossier à suivre.

Pascal Debré Mpoko

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