La communication est un couteau à double tranchant, ne cesse-t-on de dire. Marcelin Bilomba, conseiller principale du chef de l’Etat en charge de l’économie et finances, doit s’en mordre certainement les doigts après sa sortie hasardeuse face à Christian Lusakweno sur Top Congo Fm. Parti pour recadrer le FCC à travers le Ministre des finances, le conseiller aux 50 notes hebdomadaires a cru bon de vouloir disqualifier le projet de loi de reddition des comptes pour l’exercice budgétaire 2019.
Une précipitation certainement dictée par le scandale des dépassements budgétaires plutôt olympique dont l’institution Président de la République aura offert à la République à cette ère du « peuple d’abord ». Affirmant être parti pour faire une « démonstration pédagogique » de la vacuité (selon son entendement) de ce document déjà en examen à l’Assemblée nationale, Bilomba, tout compte fait, n’aura eu pour toute mission, selon les observateurs, rien de plus que ce que Augustin Kabuya a servi aux combattants de l’Udps dans une matinée politique avant de finir son parcours devant les cours et tribunaux.
Durant les presque 15 minutes d’échanges, en effet, le conseiller principal du chef de l’Etat a tenté, sans succès, de disqualifier le projet en étude au motif que son élaboration n’aurait pas suivi la procédure prévue dans la loi des finances publiques de 2011. Sans succès, car la clameur publique s’était déjà emparée des chiffres. Après donc avoir vainement tenté de diaboliser le Ministre des finances dans une démarche typique à tous ces harangueurs de l’Udps qui écument les réseaux sociaux, Marcelin Bilomba va alors tenter de charger l’ancien Président de la République. Pour cela, il allègue une pension exorbitante que le Trésor public lui allouerait ainsi que le nombre de 2.500 éléments de la garde militaire commis à sa charge, tout ceci aux frais de l’Etat congolais.
Sous réserve de vérification (surtout ce nombre de 2.500 hommes qui représentent tout de même un régiment – au moins 3 bataillons – dans une armée), les observateurs se demandent si c’est la rémunération de l’ancien chef de l’Etat et de sa garde, du reste budgétisée à l’avance, qui a fait exploser les dépenses de la présidence jusqu’à atteindre 318% pour certains postes ou 14.000% pour d’autres dont les voyages du chef de l’Etat en fonction. En attendant, ces mêmes observateurs savent – et c’est ce qui est mentionné dans le document de reddition des comptes 2019 – que ce sont trois postes de dépenses essentiels qui sont à la base de ce scandale historique des dépassements : le fonctionnement, les rémunérations et les voyages du chef de l’Etat.
Le fonctionnement puisque durant la période examinée, la présidence a été caractérisée par la création sans modération des technostructures qui, presque toutes, fonctionnement dans des bâtiments (appartements) de location avec des consommables à payer, des meubles et équipements payés et à entretenir, des charrois automobiles acquis et à entretenir, etc.
Les rémunérations avec tout ce personnel engagé pour faire fonctionner ces technostructures dont nombre de responsables sont systématiquement bombardés des rangs protocolaires de vice-Premier ministre ou de ministre d’Etat avec tous les avantages qui vont avec. A ne pas oublier, non plus, le triplement des salaires qui avait été décidé en son temps par le Dircab du Président de la République.
Enfin, les voyages du chef de l’Etat qui en aura aligné un nombre qui commençait à gêner même ses affidés. Interrogé en son temps sur l’interruption de ses tournées en provinces comme il l’avait promis, Joseph Kabila, alors Président de la République, répondit à la presse littéralement ce qui suit : « Il faut voir d’abord les moyes que nous avons pour faire tous ces voyages. Un voyage du chef de l’Etat coûte autour de 400.000 dollars, nos priorités actuelles sont tournées vers la sécurité à l’Est ».
En 2019, ces voyages auront coûté au Trésor public 14.000 fois de plus que ce que prévoyait le budget de l’exercice.
Enfin de compte, avec sa hargne à s’escrimer comme un militant du parti alors qu’il occupe des fonctions hautement techniques, Marcelin Bilomba aura plutôt rendu un mauvais service au chef de l’Etat. Si tant il est vrai que le projet de loi de reddition des comptes de l’exercice budgétaire 2019 aurait connu un processus irrégulier ou qu’il contiendrait des contre-vérités, la présidence de la République aurait dû rester sereine et attendre son tour pour rebondir.
En effet, le parcours législatif fait toujours parvenir une loi au chef de l’Etat pour promulgation. En ce moment-là, celui-ci a la double possibilité, soit de la renvoyer pour une seconde lecture avec des avis dument motivés (et c’est là que Bilomba aurait montré ses capacités), soit la soumettre à l’avis de conformité de la Cour constitutionnelle.
Jonas Eugène Kota