Depuis le premier cas annoncé le 10 mars 2020, les Congolais sont habitués aux rapports journaliers de l’évolution de la pandémie du coronavirus dans leur pays. Les statistiques donnent des indications, notamment sur les nouveaux cas dépistés, les décès, les guérisons, les évolutions, etc. Mais aujourd’hui, près de trois mois plus tard, les Congolais s’interrogent sur l’importance des bulletins quotidiens du Secrétariat techniques de la riposte.
Est-ce juste à titre d’information ? Est-ce pour la consommation de l’équipe de riposte, surtout sur le recul du taux de létalité qui renseignerait sur l’efficacité de cette riposte ? Est-ce pour contribuer à la conscientisation quant à l’existence de la pandémie en RDC ? Ces questions et tant d’autres se bousculent sans trouver des réponses adéquates. Conséquences : exacerbation des doutes avec des implications sur le désintéressement du public à apporter sa contribution à la lutte, ne fût-ce qu’avec la stricte observance des mesures barrières qui est de plus en plus négligées ou carrément abandonnée.
Logiquement, la diffusion de ce bulletin quotidien est censée participer ou jouer un rôle précis dans cette riposte. Mais en leur état actuel, il n’offre pas grand-chose comme possibilité d’interprétation et de conclusion dans un sens comme dans un autre. Par exemple, lorsqu’un citoyen lambda observe des cas sans cesse croissant, son attitude est partagée entre une interpellation à faire attention pour lui et ses prochains, et une conclusion selon laquelle la riposte serait inefficace pour endiguer la propagation de la maladie.
En clair, ces statistiques (ici comprises comme « données »), ainsi que se plaignent surtout les professionnels des médias, paraissent tellement arides qu’elles ne sont pas parlantes. C’est-à-dire qu’elles ne contiennent aucun message particulier qui puisse servir l’un ou l’autre compartiment de la riposte.
Cette préoccupation peut, de manière plus pratique, se décliner en termes de la fonction (rôle) de ces statistiques par rapport à l’action menée et aux objectifs visés par la riposte. Les questions à poser pourraient consister à savoir ce à quoi servent les données statistiques sur l’évolution du covid-19 : Est-ce pour montrer (ou démontrer) l’impact des efforts de la riposte, notamment sur la réduction de la mortalité ? Est-ce pour interpeller la population quant à l’évolution chiffrée des cas de contamination ? Est-ce pour servir à l’ajustement des comportements et comment ? Est-ce pour fournir de la matière aux chercheurs (lesquels et pour quelles fins) ? Est-ce pour les mettre à la disposition des journalistes (qui en feront quoi) ?
Comment faire parler les statistiques et les rendre plus interpellateurs
Il est, dès lors, question de donner un contenu, un visage, une âme aux données statistiques afin de leur conférer un rôle et une fonction sociale, particulièrement par l’ajustement de la communication/sensibilisation afin de la rendre plus fonctionnelle et, partant, plus utile. Concrètement, il s’agit d’apporter plus de détails sur ces données chiffrées afin de dégager un contenu qu’elles recèlent et qui peuvent permettre : (1) de donner un contenu (des arguments) plus précis à la communication/sensibilisation, (2) d’organiser un ciblage plus précis de ce contenu par rapport aux différents publics et la nature des comportements, (3) de rationaliser les moyens divers (matériels, financiers, humains, etc.), et (4) de faciliter l’évaluation de l’impact concret de la communication/sensibilisation par rapport aux objectifs poursuivis.
Pour y parvenir, et dans le cas où elle ne s’y adonnerait pas encore, l’équipe de riposte devrait enrichir le travail de collecte des données de son bulletin à travers enquête sociologique. Cette enquête devrait pouvoir dégager des données parlantes sur, notamment les tranches d’âge et le sexe des différents cas dépistés, les catégories socioprofessionnelles de ces cas (cadres ou agents de bureau ; ouvrier d’usine et/ou de chantier ; personnel domestique, chauffeur, etc.) ; agents de magasins et boutiques ; commerçants ambulants ou sédentaires sur les places publiques et dans les marchés ; transporteurs (chauffeurs et receveurs) ; etc.). Les données à dégager concerneraient également la répartition géographique (lieux/commune et ou quartier de travail) des catégories socio professionnelles, ou encore d’autres détails.
La prise en compte de l’ensemble de ces détails devrait produire un tableau plus précis pouvant affiner, par exemple, l’orientation de la riposte en termes de communication/sensibilisation. Au lieu d’une action globale et impersonnelle, un ciblage pourrait être fait d’une manière ou d’une autre – par zones affectées ou catégories socioprofessionnelles les plus touchées, etc. La communication/sensibilisation serait alors plus précise dès lors que le public ciblé se sent directement visé et concerné pour se voir contraint, d’une manière ou d’une autre, de s’ajuster en conséquence.
En effet, n’oublions pas que c’est lorsque, dans un milieu, tout le monde se dit ne pas être concerné ou que c’est l’autre qui doit poser un acte que rien ne finit par être fait.
Jonas Eugène Kota