LE KONGO CENTRAL DANS UNE SAGA JUDICIAIRE IMMORALE

Après l’odieuse affaire d’une sextape impliquant son Gouverneur et vice-Gouverneur, les démons de l’opprobre se réveillent à nouveau dans un nouvel épisode qui relance la crise politique au Kongo Central. C’est l’affaire qui met aux prises deux députés provinciaux devant la Cour de cassation mais qui, en réhabilité, traduit les antagonismes politiques qui ont créés une crise politique et institution dans le province de Simon Kimbangu : d’un côté l’encore Gouverneur Atou Matubuana jouissant de solides soutiens politiques au niveau du Gouvernement central et, de l’autre, l’aile de l’Assemblé provinciale conduite par son Président Anatole Matusila.

Au milieu de cette affaire qui dure déjà près d’une année, cette guerre visant manifestement le contrôle de la province pour servir des intérêts égoïstes au mépris des règles de droits et de l’éthique, et sous le regard médusé du peuple Kongo couvert gratuitement d’opprobre. L’affaire rebondit aujourd’hui au niveau de la Cour de cassation qui doit trancher sur le dossier judiciaire pour le moins étrange du fait des graves irrégularités qui l’entachent depuis le Tribunal de Paix de Kinshasa Matadi.

Saisi en son temps par Pauline Mvibudulu, élue de Luozi qui était devenue ministre provinciale, contre son suppléant Célestin Lusiama qui siégeait valablement, le Tripaix, qui n’a pas compétence de connaître des affaires impliquant des élus, rendra des arrêts jusqu’à ordonner la destruction des documents de l’Assemblée provinciales. Au grand dam des spécialistes du droit qui n’en reviennent pas encore.

Congovirtuel.org revient ici sur cette saga salace qui a jeté l’opprobre sur un peuple policé qu’est le Ne Kongo, et sur l’ensemble des institutions de la République.

Au commencement était une sextape au sommet de la province

Depuis 2019, la province du Kongo Central, connue pour les mœurs polies de son peuple Ne Kongo, a sombré dans une dérive de l’immoralité. Tout était parti d’une affaire de sextape mettant en scène le Vice-Gouverneur et l’assistante du Gouverneur avec l’intervention de la police et même du Redoc (le Directeur provincial de l’ANR). La salace affaire provoque une indignation unanime qui fait le tour du pays jusqu’à faire vibrer les institutions au niveau central.

L’Assemblée provinciale dit son indignation et entame une procédure de sanction contre ces immoraux. Le Gouvernement se saisit aussi de l’affaire, la justice également. Ministre de l’Intérieur a.i de l’époque, Basile Olongo suspend le Gouv et son adjoint sur demande du Parquet général près la Cour de cassation qui a déjà ouvert un dossier. Cette suspension n’a aucun caractère disciplinaire car elle ne vise qu’à laisser la justice faire son travail.

Avant la prise des fonctions de Gilbert Kankonde, Basile Olongo convoque le Gouverneur et son adjoint à Kinshasa. Cependant, si Justin Luemba s’exécute et descend à la capitale, Atou Matubuana s’arrête à Kisantu où il se fait interner pendant longtemps à la clinique Saint Luc sous prétexte d’une maladie.

La curieuse « démission » du VPM Gilbert Kankonde

Pendant tout ce temps, la tutelle tourne les pouces sous prétexte qu’elle n’aurait plus rien à faire depuis que la justice s’est saisie du dossier. Erreur, car aux termes de l’article 32 du décret-loi n° 017-2002 du 3 octobre 2002 portant code de conduite de l’agent public de l’État, « l’action disciplinaire demeure distincte et indépendante de l’action répressive à laquelle peuvent donner lieu les mêmes faits commis par l’agent public de l’État ». Et le second alinéa est plus précis : « L’action judiciaire n’est pas suspensive de l’action disciplinaire ».

(Lire notre article de l’époque à ce lien : http://congovirtuel.org/?p=3266 )

Malgré cette évidence, Gilbert Kankonde, arrivé à l’Intérieur comme vice-Premier ministre, restera impassible jusqu’au bout. Fin novembre 2019, sans en référer au Premier ministre ni même le copier, le VPM/Intérieur décide de réhabiliter Atou Matubuana et son adjoint qu’il notifie par un télégramme. Ilunga Ilunkamba l’apprend par les médias et manque de tomber à la renverse.

Il adresse immédiatement une demande d’explication du VPM indélicat. Celui-ci explique qu’il a levé la mesure de suspension en respect aux dispositions légales et réglementaires qui limitent la durée d’une suspension à trois mois. Une justification qui ne tient pas la route pour des raisons évidentes. Son interpellation par le PM prend, en effet, les allures d’une confrontation politique entre FCC et CACH. Mais dans sa sagesse, Sylvestre Ilunga prend les devants pour calmer les choses.

Seulement, Gilbert Kankonde ne dit pas que la mesure qui frappait le Gouverneur et son adjoint n’était pas administrative mais plutôt conservatoire, liée à la démarche judiciaire qui était en cours sur demande du PG près la Cour de cassation. La démarche en question n’était pas allée loin, car le PG près la Cour de cassation s’était buté au rejet, par l’Assemblée provinciale du Kongo Central, de son réquisitoire tendant à obtenir l’autorisation de poursuite à l’encontre de Matubuana et Luemba. A l’époque, en effet, Flory Kabange notait que les deux étaient impliqués dans des actes immoraux, l’un comme acteur et l’autre comme instigateur/organisateur, à travers la sextape de tous les malheurs.

La justice se voyait ainsi bloquée et ne pouvait plus rien faire. Une fin surprenante, surtout au regard du comportement de l’Assemblée provinciale qui fit un revirement spectaculaire alors que c’est elle qui avait été à l’avant-garde de la démarche de destitution des deux dirigeants impudents. On apprendra plus tard que ce revirement était consécutif à une vaste opération de corruption qui fit changer d’avis à plusieurs députés provinciaux, même parmi les plus virulents au départ.

« Même les lourdeurs observées à Kinshasa n’étaient pas étrangères à ça », expliquait alors un notable Ne Kongo qui situait l’épicentre de cette opération immorale dans une suite médicale à Saint Luc de Kisantu…

Cette enchaînement de choses aussi étranges que surprenantes disait ainsi tout de cette saga immorale qui avait fini de jeter l’opprobre sur la culture policée Ne Kongo. Mais il était manifestement dit que ce peuple n’en était pas là à son dernier malheur du genre, et pour cause.

Bagarre et coups de feu à l’Assemblée pour sauver Matubuana

Piqués au vif par la tournure jugée injuste que prend l’affaire après la neutralisation de la justice, quelques députés provinciaux relancent la dynamique de la motion de défiance contre le Gouverneur et, partant, son adjoint. Les derniers jours du mois de novembre 2019 vont alors être rythmés par les mêmes pratiques d’intimidations et de corruption pour faire échouer cette nouvelle dynamique. Cette fois-ci, la violence s’invite, et la ville de Matadi se met en ébullition alors que la plénière de tous les enjeux doit se tenir le 4 décembre 2019.

Le jour J, l’ambiance à l’Assemblée provinciale est électrique. Contre toute attente – même si cela ne surprend plus personne à Matadi – une nouvelle dynamique voit le jour et quelques membres du bureau s’opposent à l’examen de la motion de défiance au motif qu’elle n’aurait pas été examinée au niveau du bureau. La veille déjà, quelques députés provinciaux qui revenaient de Kinshasa étaient bloqués à l’entrée de la ville par des jeunes à la solde du Gouverneur Matubuana. Objectif, contrebalancer la dynamique parlementaire hostile à ce dernier dans le dessein de lui sauver la mise.

Peine perdue, cependant, car la grande partie des élus – plus de 26 – est déterminée à mettre fin à cette saga de l’opprobre dont l’auteur unanimement désigné se trouve devant eux. La plénière tourne vite en une rixe d’une rare violence. Des députés ouvertement étiquetés pro-Matubuana prennent l’estrade du bureau d’assaut : les meubles sont cassés autant que la sonorisation, tandis qu’une chasse est lancée contre les membres présents.

A la tête de cette scène, le député Blaise Lufua. Pro-Matubuana jusque devant l’éternel, l’homme se déshabille jusqu’à rester avec son maillot de corps (singlet), certainement pour être à l’aise dans sa besogne. Et il fait effectivement feu de tout bois.

Les pro-Matubuana jubilent dans la ville de Matadi

La police tire des coups de sommation à l’extérieur pour tenter de calmer la situation. Atou Matubuana est exfiltré, tandis que Anatole Matusila, Président de l’Assemblée, et quelques-uns de ses collègues ont aussi le temps de se mettre à l’abri.

Le calme revenu, la ville assiste à des scènes de jubilation des gens, dont des députés provinciaux, célébrant la mise en déroute de tous ceux qui voulaient destituer « leur » Gouverneur. Ils oublient que la plénière perturbée allaient se poursuivre plus loin dans la ville, à l’hôtel Bilolo. Le règlement intérieur autorise, en effet, toute délocalisation en cas de nécessité. Les 24 députés provinciaux qui prennent part à cette plénière votent unanimement pour la déchéance de Atou Matubuana.

Les jeux sont faits, croit-on. Mais c’est sans compter avec la détermination du déchu qui va mettre la capitale Kinshasa dans tous les sens tout en se maintenant – jusqu’à ce jour d’ailleurs – à la tête de la province par défi. Depuis sa réhabilitation par Gilbert Kankonde, en effet, Atou Matubuana entreprenait d’imposer son autorité par des méthodes qui ne laissaient aucune équivoque. Il décida, par exemple, de révoquer le ministre provincial de l’Intérieur qui assumait son intérim. Ce dernier avait eu le malheur, pendant cet intérim, de révoquer le ministre des finances qui était proche de Atou Matubuana qui va d’ailleurs le réhabiliter.

Dossier à suivre

Jonas Eugène Kota

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