Après avoir échoué de bloquer le processus électoral avec des pressions successives sur la décrispation du climat politique, la sécurisation des candidats à la présidentielle, la machine à voter, les enrôlés sans empreintes digitales ou encore la capacité du Gouvernement à financer les élections, la main étrangère tente de l’influencer en voulant orienter psychologiquement les votes. Un coup d’épée dans l’eau s’il en faut, au regard du tôlé général suscité par ce nouveau bidonnage de l’association GEC (Jason Stearns)-BERCI (Olivier Kamitatu).
Pour la troisième fois, l’association GEC (Groupe d’étude sur le Congo) et BERCI (Bureau d’études, de recherches et de consulting international) vient de se fendre d’un nouveau sondage d’opinion sur les intentions de vote des Congolais à la présidentielle. Si les deux premières productions de 2017 et mi-2018 ont toujours donné Moïse Katumbi comme vainqueur de ces élections alors que la Majorité n’avait même pas encore désigné son candidat, cette fois-ci, c’est Félix Tshisekedi qui l’emporte devant Vital Kamerhe (qui, pourtant, venait bien loin dans les précédents sondages) et Emmanuel Ramazani Shadary qui vient à peine d’être connu comme candidat de la majorité FCC.
Les observateurs n’ont pas mis longtemps pour décrypter la finalité d’un tel sondage qui sort dans des conditions particulières et dans un contexte tout aussi particulier. C’est, en effet, par la voie d’un diplomate basé à Kinshasa que le document a commencé à circuler dans les réseaux sociaux avant que ses auteurs ne se décident à lever l’embargo par rapport à la date qu’ils avaient prévus de le publier. Et le contexte est celui de la sortie officielle du Front Commun pour le Congo (FCC) qui a fait un raz-de-marée lors de son meeting du stade Tata Raphaël.
Normal alors que les analystes estiment qu’il s’agit ici d’une façon de vouloir conditionner l’opinion pour orienter les prochaines élections. L’argument a d’autant plus de taille lorsque l’on sait qui sont derrière ces deux structures.
Le GEC est, en effet, dirigé par Jason Stearns, ancien du bureau de coordination des droits de l’homme de la Monusco qui avait été déclaré en 2016 persona non grata en RDC. Et BERCI appartient à Olivier Kamitatu et Francesca Bomboko. Cela faisait plus de 20 ans que cette agence était en cessation des activités avant de réapparaître en 2017 avec le premier « sondage » du genre. Malgré les dénégations de Stearns sur une prétendue démission de Kamitatu de BERCI, celui-ci n’en est pas moins demeuré actionnaire pour redevenir actif aujourd’hui qu’il est au chômage. De plus, son associée Francesca Bomboko n’est autre que sa propre belle-sœur. Une affaire de famille donc.
En se trouvant ainsi en posture de subjectivité politique et diplomatique, l’on devine aisément comment et combien ce tandem Stearns-Kamitatu est capable de tous les bidonnages possibles pour influencer l’opinion.
Et Jason Stearns en donne d’ailleurs la mesure lorsqu’il fait une analyse des données en révélant combien ils ont mis d’écarts entre Félix Tshisekedi et Ramazani Shadary (20%) afin d’insinuer l’impossibilité d’une tricherie en faveur de ce dernier qui devrait bourrer les urnes avec pas moins de 7 millions de voix fictives. C’est donc ici que saute aux yeux cette manipulation de l’opinion visant à influencer les votes.
Les données sont ainsi d’autant plus faussées que même l’échantillon prétendu a été mal constitué à partir de l’échantillon d’un autre sondage qui aurait été mené en 2016 à partir d’un répertoire téléphonique. Il est clair qu’entre 2016 et 2018, il y a eu des morts et des déplacements des populations, par exemple. Autres lacunes: le flou dans la détermination du terrain d’application, l’absence du taux d’abstention.
Par ailleurs, ce « sondage » ne tient pas compte de l’ancrage sociologique des différentes forces politiques en place. Sinon, il est clair que grâce au positionnement du FCC, Ramazani Shadary jouit aujourd’hui d’une remarquable attache là où l’Udps, qui porte la candidature de Fatshi, a sérieusement perdu pied dans le Congo profond, autant que Vital Kamerhe. Pire encore, les querelles intestines au sein de l’opposition indiquent l’impossibilité d’un report automatique des voix quand les différents leaders ont fini de contaminer leurs lieutenants et militants respectifs. L’on peut donc se demander comment Vital peut passer dans l’espace kasaïen et Fatshi dans l’ex-Equateur, etc.
Autre élément de contradiction, la contestation de ce « sondage » même par des opposants qui, pourtant, sont censés s’en réjouir puisque logiquement, il suggèrerait l’identification du fameux candidat commun selon la volonté populaire exprimée à travers ce « sondage ». « Les élucubrations orientées de GEC et BERCI sont notoirement connues en RDC. De vrais chiens écrasés ! Ils aboient, la caravane passe ! », peste Freddy Matungulu dans un tweet. Cela n’est, d’ailleurs, pas la première fois, car en 2016 déjà, un sondage du même tandem avait suscité une vive polémique au sein du Rassemblement de l’époque lorsque Moïse Katumbi avait été présenté comme étant plus populaire qu’Etienne Tshisekedi encore vivant.
Ce « sondage » passe aussi, selon certains analystes, comme un piège tendu à Félix Tshisekedi et l’opposotion pour le couler aux élections au cas où il serait choisi comme candidat commun. En effet, cette dernière analyse cible surtout Moïse Katumbi qui, à travers Olivier Kamitatu et Jason Stearns, aurait choisi la politique de la terre brûlée pour avoir été écarté des élections. Pour preuve, le scepticisme qu’insinue ce sondage quant à la tenue des élections en décembre 2018 rejoint la position d’Ensemble qui ne souhaite leur tenue et propose une période de transition à la place.
Ainsi donc, après avoir échoué de bloquer le processus électoral avec des pressions successives sur la décrispation du climat politique, la sécurisation des candidats à la présidentielle, la machine à voter, les enrôlés sans empreintes digitales ou encore la capacité du Gouvernement à financer les élections, la main étrangère tente de l’influencer en voulant orienter psychologiquement les votes. Un coup d’épée dans l’eau s’il en faut, au regard du tôlé général suscité par ce nouveau bidonnage de l’association GEC (Jason Stearns)-BERCI (Olivier Kamitatu).
Cette cabale n’est pas étrangère à ce faisceau de pressions qui reprennent sur la RDC avec la reconduction des sanctions contre des officiels congolais par les USA et l’Union européenne. Des pressions qui se font de plus en plus virulentes juste quand le Gouvernement rempli le gros de sa tâche avec les moyens logistiques fournis à la Ceni et qui précisent plus que jamais la tenue des élections en 2018.
Yvon Ramazani