APRES LA HAUTE COUR A KIN, BEMBA RECALÉ A LA CPI

Déclaré inéligible par la Cour constitutionnelle suite à sa condamnation définitive à la CPI pour atteinte à la bonne administration de la justice, JP Bemba a saisi en urgence la CPI pour une sorte de cassation de cette décision de la haute cour congolaise afin de se remettre en course à la présidentielle. Sans ménagement, la Chambre de première instance VII de la CPI vient de rejeter cette demande qu’elle considère comme une nouvelle manière, pour Bemba, d’influencer la sentence qui l’attend ce 17 septembre. Toujours cette tendance à la subornation…

« La Chambre ne considère pas que cela nécessite d’autres arguments pour se prononcer sur la requête. La Chambre rejette la demande de défense de Bemba.». Ainsi en a décidé, ce 14 septembre 2018, la Chambre de première instance VII de la Cour pénale internationale en réponse à la « demande urgente » des avocats de Jean-Pierre Bemba aux fins d’une interprétation, en vue de sa cassation, de la décision de la Cour constitutionnelle congolaise sur la candidature du concerné. La haute Cour congolaise avait, en effet, déclaré Bemba non éligible suite à sa condamnation définitive à la CPI pour atteinte à la bonne administration de la justice par subornation de témoins au moyen de la corruption.

 

La demande de Bemba

Dans sa requête urgente datée du 10 septembre 2018 et adressée à la Chambre de première instance de la CPI, la défense de JP Bemba, représentée par Melinda Taylor, se basait sur une dépêche de l’AFP datée du 4 septembre 2018 annonçant la décision de la Cour constitutionnelle. La défense de Bemba demandait, entre autres, que son client ne soit pas puni deux fois pour une même infraction, faisant allusion à la condamnation évoquée ci-haut. Pour la défense du chairman du MLC, en effet, « la Cour constitutionnelle a mis la charrue avant les bœufs en imposant une sanction à M. Bemba en rapport avec la conduite de l’article 70, avant la conclusion de la procédure de l’article 70 de la CPI, qui déclenche l’application du ne bis in idem en vertu de la règle 168 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI ».

Pour cette raison essentielle, et se basant sur la dépêche de l’AFP présentée comme seul élément de preuve au sujet de la décision de la haute Cour congolaise, la défense de Bemba – qui a largement disserté sur les concepts de corruption et subornation de témoins – demandait à la Chambre de première instance de « (…) rendre d’urgence une déclaration selon laquelle, puisque la CPI exerce sa compétence sur la conduite de M. Bemba dans le cadre des procédures au titre de l’article 70, les autorités de la RDC ne sont pas compétentes pour exercer unilatéralement leur juridiction et associer des sanctions à la même conduite ». De même, cette défense demandait-elle que cela soit pris en compte dans la décision de peine que la CPI doit rendre ce lundi 17 septembre contre Bemba dans son affaire de subornation de témoins.

 

Rejet sans appel de la CPI

Après examen de la demande donc, la Chambre de première instance VII : « rejette la demande de défense présentée par la défense de Bemba; rejette la requête en ce qui concerne la demande de déclaration de la chambre; permet (autorise) la soumission des documents à l’annexe A de la demande; et relève la requête en ce qui concerne le point de savoir si, le cas échéant, la Chambre tiendra compte de la décision de la RDC dans le contexte de la nouvelle condamnation de M. Bemba ».

Dans son analyse de la demande de Bemba, la Chambre de première instance VII « considère que la défense de Bemba ne présente aucun argument convaincant quant à la raison pour laquelle la Chambre pourrait ou devrait émettre la déclaration demandée. En particulier, la Chambre considère que les dispositions légales invoquées par la Défense Bemba sont inappropriées à la présente affaire ». Elle considère également que « l’article 23 du Statut concerne principalement les peines que cette Cour impose aux personnes condamnées. La perte du droit de chercher un emploi par un tribunal national est hors de sa portée ». La défense de Bemba avait, en effet, soulevé le préjudice que la décision de la haute Cour congolaise causerait à son client quant à l’assomption de ses droits, notamment celui d’être candidat à l’élection présidentielle de décembre 2018.

 

La CPI dénonce une nouvelle tentative de subornation…

Quant à l’argument de la défense de Bemba qui estime que la décision de la RDC contrevient au principe non bis in idem énoncé à l’article 168 du Règlement de la CPI, « la Chambre considère que cette disposition ne régit que les pouvoirs de notre Cour pour engager des poursuites ultérieures contre des personnes condamnées par la Cour. Il n’a aucun lien avec les procédures internes ultérieures ». De ce fait, elle (la Chambre) retient que « le point de savoir si M. Bemba peut être jugé et puni pour le même comportement au titre de l’article 70 devant les tribunaux nationaux doit être résolu en se référant au droit interne ». Et de préciser : « Il n’appartient pas à cette Chambre d’examiner comment les condamnations de M. Bemba dans cette affaire devraient être traitées en vertu de la loi électorale de la RDC. Si M. Bemba n’est pas satisfait de la décision de la RDC, la Chambre ne considère pas qu’un tribunal de la RDC attachant des conséquences électorales aux condamnations de M. Bemba en l’espèce constitue une sorte de conflit de compétence du type de celui que la défense de Bemba affirme. Comme le soutient l’accusation (Ndlr : la procureur), il appartient aux autorités nationales compétentes de traiter des procédures électorales ».

Conclusion sans appel : « La Chambre n’interviendra pas dans de telles procédures, et ne tolérera pas d’être instrumentalisée pour tenter de les influencer ». Un agacement qui dénonce cette tentative de subornation de la Cour.

Avant la décision de la Chambre, la Procureure de la CPI, Fatouma Bensouda, avait fait une réquisition le 12 septembre 2018 rejetant également la demande de la défense de Bemba. Elle l’avait jugée « ni juridiquement ni factuellement justifiée ». Agacée elle aussi par la manœuvre de la défense de Bemba, la Procureur notait que « les questions soulevées par Bemba ne sont rien d’autre qu’une tentative mal conçue de onzième heure d’influer sur la décision de la Chambre concernant sa peine en fonction de circonstances accessoires qu’il aurait pu raisonnablement attendre depuis longtemps ».

Ironie du sort ou logique des choses, la « demande urgente » de JP Bemba est traitée et classée à la CPI dans la rubrique « situation en République Centrafricaine ».

Jonas Eugène Kota

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