Si ce n’est pas une sortie de torpeur, en tous cas ça y ressemble. A moins qu’il s’agisse d’une sortie de silence pour le moins fracassante. Tombé dans les oubliettes de l’actualité depuis près de 8 mois, Mgr Marcel Utembi, Archevêque de Kisangani et Président de la Conférence épiscopale nationale indépendante du Congo (CENCO), vient de donner de la voix et afficher une nouvelle position de l’église catholique sur l’actualité politique de l’heure. Une position si conciliante qu’elle semble remettre l’église au milieu du village.
Dans une déclaration ce week-end à Top Congo, en effet, Utembi s’est dit satisfait de l’application, à ce stade, de l’accord de la St Sylvestre. Cet accord est appliqué « dans une bonne mesure », a estimé le patron de la CENCO qui en a dit autant pour le calendrier électoral qu’il estime correctement appliqué depuis les 8 mois de sa mise en œuvre et jusqu’à 4 mois de la tenue des élections. Pour le reste du processus, Mgr Utembi invite tout le monde à s’impliquer pour des élections inclusives et apaisées.
Ces propos plutôt conciliants tranchent net avec le discours maximaliste qui émane de l’église catholique depuis ces derniers mois, et cela déjà à partir du Secrétariat général de la CENCO qui, selon certains observateurs, s’érigeait de plus en plus en une machine à conflit plutôt que pacificatrice.
Retour sur la montée de l’extrémisme catholique
C’est depuis bien longtemps, en effet, que les observateurs avertis avaient catégorisé l’église catholique en RDC parmi les forces politiques et sociales dans la bataille électorale en cours. Du propos aux actes en passant par diverses initiatives, l’église se manifestait, sans détour, comme une actrice parmi tant d’autres, ayant des opinions politiciennes et rangée derrière une des factions en présence sur la scène politique, au point même, à certains moments, d’être la tête de proue de cette faction.
Plus encore, l’église catholique semblait manifester une sorte de schisme interne entre les faucons et les colombes quant à la démarche à adopter pour aider les Congolais à se mettre autour d’une cause commune, d’un bien commun qu’est le Congo. L’on se rappelle encore de cette phrase du Cardinal-archevêque de Kinshasa, Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, qui dégageât certains des fils du pays au profit des autres pour raison de « médiocrité ». Des propos qui furent tenus en janvier 2018 après une prise de position officielle de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) connue pourtant comme l’organe suprême de l’église catholique en RDC. Des propos qui n’eurent d’autres résultats que de semer la désolation et consolider, jusqu’à ce jour, le conflit là où l’on attendait de l’église la conciliation.
Bref, l’église avait désormais déserté le milieu du village.
Depuis, le Président en exercice de la CENCO, Mgr Marcel Utembi, également Archevêque de Kisangani, n’a plus fait signe de vie, laissant le champ libre à la montée d’un certain extrémisme de l’église à travers des sorties « tonitruantes » du Secrétaire général, l’Abbé Donatien Nshole, notoirement connu comme l’un des avoués du Cardinal Monsengwo. Dans sa croisade apparemment sans limite, ce dernier en est arrivé jusqu’à se constituer ce que d’aucuns considèrent comme une « milice cléricale » pour la mener à bien. C’est le fameux « Comité Laïc de Coordination » (CLC).
L’activisme politique du CLC a inspiré la candidature de Monsengwo
Sans aucune autre forme d’existence parmi les différentes structures dépendant de la CENCO, sinon une « recognition » de l’archevêché de Kinshasa, le CLC a dégagé le CALCC qui, jusque-là, avait la charge de ‘interpellation du « peuple de Dieu » comme il le fit avec la mémorable marche des chrétiens au plus fort de la dictature mobutienne. Depuis, le CLC se distingue par un activisme politique qui se passe de tout commentaire. Jusqu’à inspirer certains « fidèles » qui ont lancé une pétition pour demander que Laurent Monsengwo se présente à l’élection présidentielle.
Mgr Utembi est donc sorti de son silence et de sa torpeur, certainement à la faveur de la déconvenue du CLC qui s’est vu perturbé dans ses plans d’anarchie sous prétexte de la présentation de la candidature de Joseph Kabila à la présidentielle. Les observateurs croient donc comprendre que l’Archevêque de Kisangani reprend là ses responsabilités en mains et n’entendrait plus se laisser faire. Le processus électoral a pris son virage décisif, l’église catholique aussi.
Vars le centre du village ? Wait and see…
PDM