Les institutions de la République ne sont pas des poulaillers où peut siéger n’importe qui, surtout des étrangers. Aucun prétexte, surtout politicien, ne peut empêcher à la justice de dire le droit à l’encontre de tous ceux qui violent délibérément les lois à travers un odieux chantage aux élections apaisées et transparentes. Et la Constitution ainsi que la loi congolaise sur la nationalité ne doivent pas faire exception.
Le Ministre d’Etat en charge de la Justice et Garde des sceaux, a saisi, par sa lettre datée du 15 août 2018, le Procureur Général de la République du cas des candidats à la présidence de la République ainsi qu’aux législatives nationales et provinciales détenant une autre nationalité que celle Congolais aux fins de leur appliquer les dispositions de la Constitution et des lois de la République en la matière. Tout en signifiant au PGR que « les services compétents ont fait parvenir à la Commission Electorale nationale Indépendante, pour dispositions utiles, la liste des personnes détenant une nationalité étrangère » et soulignant que cette liste est susceptible de ne pas être exhaustive, ce qui permettrait à des étrangers de faire valider leurs candidature et réussir à se faire élire, Alexis Thambwe-Mwamba demande l’ouverture des poursuites judiciaires « contre toute personne qui, au mépris de la loi, aura déposé sa candidature et se sera fait élire ». Et de poursuivre : « Il va de soi que la personne concernée, même élue, sera déchue de son mandat et poursuivie judiciairement ».
Odieux chantage aux élections pour violer les lois
Cette démarche du patron de la justice congolaise semble constituer un nouveau sujet de débat politique de la part d’une frange de l’opposition et de la société civile qui y trouvent, une fois encore, une manière, pour le pouvoir en place, d’exclure certains candidats aux prochaines élections. Le porte-parole du Gouvernement a pourtant indiqué clairement que la liste mise à la disposition de la CENI et transmise au PGR comporte des noms des personnes appartenant aussi bien à l’actuelle majorité qu’à l’opposition et même à la société civile.
Mais il faut parier, au regard des déclarations qui fusent déjà dans les médias, que cette question va s’ajouter à la liste des revendications qui, pour les observateurs avertis, ne seraient qu’un chantage à la démocratie et aux élections. Parmi ces revendications, il y en a même qui tendent à faire violer les lois dans le simple but de satisfaire des individus dans leurs ambitions politiques.
Il est pourtant connu que la question de nationalité a toujours fait l’objet d’une certaine indignation de la part de ces mêmes contestataires d’aujourd’hui dont certains figuraient parmi ceux qui, très récemment encore, dénonçaient des personnalités qui détenaient des nationalités étrangères alors qu’ils occupaient des fonctions politiques. Ce dossier avait été lancé en 2007 à l’Assemblée nationale par un opposant de l’époque, José Makila Sumanda, qui avait même produit une liste de ses collègues détenant une autre nationalité que celle congolaise. A l’époque, un délai avait été accordé aux concernés pour qu’ils se mettent en ordre avec la Constitution et les lois de la République.
Il s’agissait là d’un arrangement politique partagé par l’ensemble de la classe politique représentée à la Chambre basse, mais jusqu’à ce jour, la question n’a jamais connu de dénouement. En sorte que d’autres élus sont venus s’ajouter en 2011 avec les mêmes tares légales avant de commencer à être dénoncés dans le cadre, non pas de la loi, mais des luttes politiciennes.
Le droit doit être dit !
Aujourd’hui, il est clair que l’initiative du Ministre de la Justice, qui avait récemment fait l’objet d’une dénonciation calomnieuse quant à sa nationalité, devrait permettre de mettre fin à ces violations des lois de la République, surtout pour ceux qui, au niveau du Parlement et au sommet de l’Etat, sont censés veiller à leur application. Dans cette logique de consolidation d’un véritable Etat de droit, la loi devra être appliquée et le droit devra absolument être dit. A défaut, l’on assisterait, d’une part, à une sorte de laxisme des instances compétentes et, d’autre part, à cette sorte d’omerta collective contre la Constitution et les lois de la République.
Ce que dit la loi sur la nationalité
Pour rappel, la Constitution de la RDC stipule en son 1er article (alinéas 1 et 2) que « la nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec une autre nationalité ». Et la loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise stipule, en son article 32 ce qui suit : « Tout congolais d’origine, qui a perdu sa nationalité, peut la recouvrer par déclaration faite conformément aux dispositions de l’article 34. Il doit avoir conservé ou acquis avec la République Démocratique du Congo des liens manifestes, notamment d’ordre culturel, professionnel, économique, sentimental ou familial. La déclaration n’a d’effet qu’à compter du jour de son enregistrement ».
Et l’article 34 décrit « la procédure relative à la déclaration de la nationalité congolaise » comme suit : « Toute déclaration en vue d’acquérir la nationalité congolaise, d’y renoncer ou de la recouvrer dans les cas prévus par la présente loi doit satisfaire aux conditions suivantes :
- être présentée en double exemplaire ;
- comporter élection de domicile en République Démocratique du Congo de la part de l’intéressé ;
- comporter la signature légalisée de l’impétrant ;
- être accompagnée des documents qui sont déterminés par Arrêté du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux délibéré en Conseil des Ministres ;
- être adressée au Ministre de la Justice et Garde des Sceaux par lettre recommandée avec accusé de réception ou par porteur contre récépissé après remise des pièces requises ».
En son article 35, la loi sur la nationalité congolaise ajoute des précisions suivantes : « Sans préjudice des dispositions de l’article 34 de la présente loi, toute déclaration doit, à peine de nullité, être reçue et enregistrée par le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux. Toutefois, toute déclaration faite en violation des dispositions de l’article 22 ne peut être enregistrée. La décision de refus d’enregistrement est notifiée au déclarant dans le délai de six mois, à dater de la réception de la déclaration. Ce refus peut faire l’objet d’un recours gracieux auprès du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, et le cas échéant, d’un recours en annulation devant la Cour Suprême de Justice ».
Pascal Debré Mpoko